GUYANE: Les barges vont elles vraiment disparaitre sur le maroni?

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Le Suriname commencerait par des «mises en demeure» pour obtenir la fin promise de l’exploitation des barges sur le fleuve-frontière de la Guyane, nous indique l’ambassadeur de France à Paramaribo.

«Le mouvement est enclenché. Nous sommes à la phase des mises en demeure d’arrêter. La France va aider les Surinamiens à parcourir tout le fleuve», a assuré vendredi Antoine Joly, l’ambassadeur de France au Suriname, contacté par Guyaweb quant à l’avancée du dossier de retrait annoncé des barges notamment du haut Maroni rive du Suriname particulièrement impressionnantes ces dernières années entre Maripasoula et Papaïchton.

Dénommées, «escariantes» chez les lusophones, «skalians» dans la presse du Suriname en langue néerlandaise, il s’agit «de très grosses barges, les exploitants ont une espèce de tête foreuse et des tuyaux qui aspirent. Normalement, ils raclent les fonds mais là, ils se sont attaqués aux berges, ils remontent les filons, ils suivent l’or», nous avait confié courant 2019 un opérateur minier du sud-ouest guyanais dont nous avions préservé l’anonymat.

Barge rive surinamienne, entre Maripasoula et Papaïchton en 2019

«Ils passent d’énormes volumes dans leurs machines, il y a des largeurs de moquettes impressionnantes, des moteurs très puissants (…) il y a des dépôts de sable très importants»,poursuivait-il alors.

«Les barges classiques ont de petit moteurs qui aspirent, là ce sont des barges gigantesques qui valent une fortune, environ 500 000 euros l’unité, c’est l’ordre de grandeur», ajoutait-il.

Un habitant de Maripasoula nous confirmait en octobre 2019 le déferlement de ce type d’exploitations avec les mêmes pratiques «entre Maripasoula et Papaïchton», à l’époque depuis de longs mois.

«La grande mode c’est de défoncer la rive et de grignoter peu à peu la terre ferme dans la forêt. Les barges pénètrent ainsi sur 50 mètres, parfois plus», racontait-il.

Le 28 juin 2019, en descendant le fleuve en pirogue, cet habitant des rives du Lawa avait pris une photo (voir ci-dessous) de l’une de ces barges, notions-nous fin 2019 : «Cette photo, c’est le virage en dessous de Maripasoula juste au début de la ligne droite vers Wacapou. Tu vois le site quand tu arrives en avion, juste avant de te poser. J’en ai vues d’autres aussi plus bas. J’avais vu la même chose en novembre 2017 à la confluence de la Litani et de la Oulemali, en amont de Pidima le village wayana le plus au sud», racontait encore cet habitant.

Sur la photo de fin juin 2019 (ci-dessus), la boue y était nettement moins visible que vers fin septembre la même année : «C’est souvent plus sale en saison sèche parce que le courant ne rabat plus les boues sur le bord», expliquait alors cet habitant.

«Cela fait des années qu’il y a ce type de barges sauf que là ils sont en train de dénaturer les abords, ils modifient les rives, ils sont en train de changer les contours du fleuve. Ils rentrent à l’intérieur des rives, là où il y a de l’or. Ils exploitent l’or alluvionnaire. Ils se sont aperçus que ça payait donc ils y vont, la pollution ce n’est pas leur problème», notait, de son côté, courant 2019, l’opérateur minier bon connaisseur du secteur.

Pour sa part, la branche guyanaise de l’ONG de défense de l’environnement, WWF (Fonds mondial pour la nature) s’était rendue en mission d’observation dans le sud-ouest guyanais durant une semaine fin septembre 2019.

WWF en avait profité pour aller photographier ces barges plutôt face à Papaïchton.

L’ONG de défense de l’environnement notait alors sur son mur Facebook : «Les « skalians », ou barges au Suriname s’attaquent désormais méthodiquement à la rive du fleuve. Après avoir abattu, déraciné puis brûlé les arbres en bordure de l’eau, des pelles mécaniques, à terre, dégagent le terrain pour permettre l’action des barges. Le panache de boues (et d’eaux contaminées) ainsi créé est alors énorme.»

Abattis Cottica, septembre 2019 (photo WWF)

Questionné ces dernières semaines sur le sujet, WWF ne nous a pas indiqué s’il comptait retourner sur les lieux pour constats très prochainement.

Depuis les alertes et les indignations médiatiques de 2019, plusieurs réunions bilatérales se sont tenues entre autorités étatiques françaises et autorités du Suriname sur le sujet.

Dans les tout derniers jours d’avril 2020, «lors de consultations avec les autorités surinamaises, la France (via son ambassade à Paramaribo, ndlr) [avait] fait part de son inquiétude concernant les barges sur les rivières frontalières» dont le nombre avait alors «fortement augmenté depuis février.»selon De Ware Tijd.

Dans cette période de montée de l’épidémie de Covid-19 les autorités du Suriname avaient alors décidé de geler cette activité en raison du verrouillage de la frontière fluviale avec la Guyane.

Avant une période d’eau dans le gaz dans les relations franco-surinamaises sur le sujet dès le mois de juin suivant matérialisée par une passe d’armes entre l’ambassadeur de France au Suriname et le gouvernement Bouterse, alors dans sa dernière ligne droite (voir cet article de Guyaweb).

Antoine Joly avait alors déploré, dans la presse de ce pays, un brusque changement de position du Suriname, selon lui, au sujet des barges exploitant l’or.

L’ambassadeur français réagissait à l’époque aux déclarations de la numéro 2 de la direction de la sécurité nationale du Suriname, Gwendoline Babel, au cours d’un point presse relatif à la situation sanitaire dans ce pays, l’intéressée estimant, pour sa part, que cette activité devait continuer dans cette période censée pourtant, à cette date, être une période de grande prudence dans le cadre de la lutte anti-Covid.

Gwendoline Babel -comme d’autres- a quitté son poste depuis le changement de gouvernement.

Aujourd’hui les relations bilatérales sur le sujet semblent converger, indiquait-on fin octobre, si l’on en croit l’ambassadeur Joly qui avait affirmé à Starnieuws puis à Guyaweb il y a deux semaines que le nouveau gouvernement du Suriname s’engageait à mettre fin dans un très court délai à ces exploitations polluantes.

«Le Vice-Président Ronnie Brunswijk m’a informé que les skalians opérant dans le fleuve Maroni doivent arrêter leurs activités d’ici la fin du mois d’octobre», avait, en effet, déclaré Antoine Joly au cours d’un entretien avec Starnieuws le 22 octobre.

A cette date, «41 barges» aurifères étaient toujours actives rives du Suriname à la frontière guyanaise selon l’ambassadeur.

Ces 41 barges actives sur le fleuve frontière de la Guyane étant comptabilisées «sur tout le fleuve Maroni plus le Lawa, d’Albina à Antecume Pata », avait précisé samedi 24 octobre à Guyaweb, Antoine Joly.

Antoine Joly avait toutefois ajouté dans cette période, à Starnieuws, qu’il comprendrait que les activités des barges ne soient pas stoppées stricto sensu fin octobre, mais quelque part au début du mois de novembre, tablait-il.

Mais pourquoi donc Ronnie Brunswijk aurait-il décidé de mettre fin à l’activité de ces barges ?, avait-on alors demandé à un bon connaisseur du dossier au Suriname.

«Ces barges appartiennent toutes à des soutiens de Bouterse et la majorité des Noirs marrons en ont plus qu’assez des barges des Brésiliens.», notait cette source.

Un patron orpailleur bushinengué célèbre, ayant à la fois un passeport français et surinamais, dont le domaine est installé, à la suite d’une déforestation saisissante, rive surinamaise entre Papaïchton et Maripasoula depuis environ 25 ans, y avait reçu Desi Bouterse, il y a quelques années, alors en campagne pour les Présidentielles au Suriname.

Sous le gouvernement Bouterse, ces barges étaient de fait autorisées à exploiter et sans doute au-delà du périmètre d’un possible permis selon nos informations.

Toutefois, en l’état, selon nos informations, les autorités actuelles du Suriname auraient donc choisi la voie de la procédure administrative contraignante pour s’attaquer à ces barges, selon une source bien informée : «les sociétés qui exploitent ces barges se font notifier ou doivent se faire remettre, à la fois à Paramaribo et le long du fleuve, ces mises en demeure de cesser leur exploitation ».

Pour ces barges de fait «autorisées» au Suriname, il ne devrait donc pas s’agir, en l’état actuel, d’opération saisies-destruction de matériel comme celles qui ont cours côté français.

Mais bel et bien d’une procédure administrative de mise en demeure d’arrêter cette exploitation au motif, selon cette même source, d’ «activités sans autorisations adéquates».

Qui vivra verra si le chercheur dort… signé Farine Fefarini (FF)

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