Aires marines en Méditerranée : «Il faut augmenter les niveaux de protection»

Par Margaux Lacroux — 27 avril 2020 à 08:28

En métamorphose partage tout à fait cet article de Libération

C’est pourquoi il est prévu que nous nous retrouvions le 21 Janvier 2021 à 20h à la gazette café pour un débat sur ce thème avec Gilbert David (chercheur à l’IRD) et un(e) représentant(e) de Medpan pour évoquer ce thème. La création d’une aire protégée ne s’évalue pas seulement à l’aune de la conservation mais aussi redétermine les usages, dont la pêche .

En 2010 à Nagoya , les états du monde s’engageaient sur une mise en protection de 10% de l’espace maritime. Où en est on actuellement? Est ce pertinent de réclamer 30% comme cela sera fait à la COP 15 ? A t on les moyens de ces mises en protection? Sont elles de simples « papiers »? Autant de questions auxquelles nous tenterons de répondre ce 21 Janvier prochain. D Martin Ferrari , journaliste, présidente de En métamorphose

La Méditerranée concentre environ 10% des espèces marines mondiales. Mais les ressources sont fragilisées par la surexploitation. Une équipe de recherche dirigée par le CNRS a évalué les 1 062 aires marines protégées de la mer Méditerranée, censées aider à la conservation de la biodiversité marine. Dans leur étude, ils estiment que seulement 0,23% du bassin bénéficie de niveaux efficaces de protection. Une goutte d’eau. Joachim Claudet, directeur de recherche CNRS au Centre de recherches insulaires et observatoire de l’environnement (Criobe), explique pourquoi les efforts actuels sont insuffisants.

Pourquoi est-ce primordial de s’intéresser aux aires marines protégées en Méditerranée ?

La Méditerranée est une zone très importante au plan mondial car beaucoup d’espèces y sont spécifiques, c’est un point chaud de biodiversité, il y a 17 000 espèces marines. C’est aussi une des zones les plus affectées par les activités humaines. Il y a une forte densité humaine sur le pourtour méditerranéen, beaucoup d’activités différentes, avec des problèmes liés à la pêche plus présents que dans d’autres mers. Dans le monde, la biodiversité marine est de plus en plus touchée car il est de moins en moins coûteux d’aller loin, profond et vite. C’est pourquoi en 2010, lors de la COP biodiversité, les pays se sont engagés à recouvrir leurs eaux côtières et marines de 10% d’aires marines protégées d’ici à 2020.

Vous constatez que cet objectif de protection est loin d’être atteint en Méditerranée…

Seulement 6% de la Méditerranée a un statut dit «protégé», c’est proche de la couverture mondiale. Or, pour 95% de la superficie de ces aires, il n’y a pas davantage de réglementations qu’à l’extérieur, donc on peut difficilement en attendre une efficacité. Plus alarmant encore : à peine 0,23% de la Méditerranée bénéficie d’une protection «haute» (pêche limitée et pratiques très durables) ou «intégrale» (aucune activité extractive), qui sont réellement efficaces. On est loin de l’objectif de 10%. La protection est le plus souvent partielle, avec des réglementations variées. Les pays délimitent un périmètre et décrètent qu’une zone est privilégiée pour une gestion intelligente des usages, il y a des comités de gestion où les gens se parlent. Mais l’objectif se limite souvent à ne pas créer de nouvelles activités, pas à changer ce qu’il y a déjà. On est loin de ce qu’il faudrait faire pour protéger la biodiversité. Comme les niveaux de protection ne sont pas assez stricts pour qu’il y ait des bénéfices écologiques, il n’y a pas non plus de bénéfices socio-économiques et cela peut donner l’impression que ces aires ne servent à rien.

Comment avez-vous obtenu ces conclusions ?

Pour notre étude, nous avons pris l’intégralité des aires marines protégées en Méditerranée, et regardé les plans de gestion, les textes de loi, contacté les pays. Nous ne sommes pas allés les évaluer sur place mais nous leur avons attribué cinq niveaux de protection, établis à partir d’une classification développée auparavant : intégrale, haute, modérée, basse et non-protection. Ensuite, en croisant la classification avec la littérature scientifique, nous avons montré que la «protection intégrale» et «haute» conduit à des bénéfices écologiques. Les poissons y sont plus nombreux et plus grands, et cela engendre ensuite un effet de débordement et donc des bénéfices à l’extérieur de la zone pour la pêche. Pour la protection «modérée», si elle est située à côté d’une zone de protection intégrale, cela fonctionne. Pour une protection «faible» ou «non protégée», il n’y a pas d’efficacité. 

Y a-t-il des différences entre pays au sein même du bassin méditerranéen ?

La protection est plus fréquente dans les eaux côtières et marines européennes car il y a plus d’argent, une conscience environnementale peut-être un peu plus grande et des cadres légaux qui encouragent plus les pays à le faire. Plus on va vers le nord-ouest, et plus il y a de la protection. Mais le fort niveau de protection n’est pas l’apanage des pays européens. L’Albanie ou la Turquie ont une part de zones en protection intégrale beaucoup plus importante. Mais se pose toujours la question du respect des règles, de la surveillance, de la coercition…

Qu’est-ce qui peut être amélioré dans la protection des eaux méditerranéennes ?

Dans certaines zones où il y a déjà beaucoup d’aires protégées revendiquées par les pays, il faut arrêter de vouloir en créer plus et d’abord augmenter les niveaux de protection. C’est uniquement ainsi qu’on pourra en retirer des bénéfices socio-économiques. Cela est difficile à mettre en place au début, mais cela fonctionne. Il y a urgence car l’impact sur les écosystèmes augmente à une vitesse phénoménale, et en Méditerranée en particulier, c’est catastrophique. Les aires protégées ne sont pas non plus la solution miracle, cela n’arrêtera pas la pollution par les hydrocarbures, les plastiques, les espèces invasives, le réchauffement climatique. Mais pour tout ce qui est de limiter les prélèvements de biodiversité et de préserver les habitats, cela marche très bien. Ce qu’il nous faut, c’est une volonté politique.

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