Albioma à la Réunion abandonne complètement le charbon

Albioma annonce ce jour l’abandon total du charbon sur son site historique de Bois-Rouge à La Réunion, après délibération de la Commission de Régulation de l’Énergie (CRE). Cette dernière a validé le 3 décembre 2020 la compensation induite par la signature d’un avenant au contrat d’achat d’électricité signé par EDF pour la conversion à la biomasse de la centrale.

Les travaux de conversion débuteront dès 2021 pour que la centrale fonctionne 100 % à la biomasse au second semestre 2023, en privilégiant les gisements locaux de biomasse disponibles (bagasse, bois forestier, bois d’élagage, etc.), complétés par des granulés de bois importés issus de forêts certifiées type FSC et PEFC, dont la procédure de traçabilité sera en conformité avec le règlement bois UE (RBUE).

A terme, la conversion fera passer la part renouvelable du mix énergétique de La Réunion de 35 % à 51 % et permettra de réduire les émissions de gaz à effet de serre d’environ 640 000 tonnes équivalent CO2 par an, soit une baisse de 84 % des émissions directes par rapport au fonctionnement actuel de la centrale.

La délibération de la CRE prévoit également une enveloppe d’investissements nécessaire à la prolongation de 15 ans de l’exploitation de l’unité la plus ancienne du Groupe (ABR1) ; le contrat d’achat de vente d’électricité a été en conséquence prolongé de 2027 à 2043 pour ABR1.

Comme indiqué dans la délibération, « la filière biomasse constitue un enjeu important pour la réussite de la transition énergétique à La Réunion. La Programmation Pluriannuelle de l’Energie de La Réunion (PPE) en vigueur établit des objectifs de substitution du charbon dans la production électrique par les énergies renouvelables ou de récupération à hauteur de 481 GWh de production annuelle supplémentaire en 2023 par rapport à 2013. La conversion à la biomasse de la centrale de Bois-Rouge, qui devrait être effective sur l’ensemble des unités au second semestre 2023, contribuera à l’atteinte de cet objectif de politique énergétique, avec une production d’électricité à partir de biomasse estimée à environ 530 GWh. »

Frédéric Moyne, Président-Directeur Général d’Albioma, déclare : « Après avoir innové en 1992 à La Réunion en mettant en service la première centrale hybride bagasse/charbon, nous sommes heureux d’annoncer ce jour une nouvelle ère en faveur de la transition énergétique : l’abandon du charbon sur Bois-Rouge et la prolongation du contrat de vente d’électricité de la centrale jusqu’en 2043. Inscrite dans le cadre de la Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE), la conversion au 100 % biomasse de notre centrale permettra à la part de renouvelable du mix réunionnais de devenir majoritaire.

A l’échelle d’Albioma, le 20 novembre 2020, la centrale Albioma Le Moule (ALM3) en Guadeloupe a été remise en service, pour fonctionner à la biomasse. Aujourd’hui, notre site de Bois-Rouge entame à son tour sa révolution verte. Le mix énergétique d’Albioma ne cesse de faire la part de plus en plus belle au renouvelable : notre stratégie vise à atteindre près de 100 % d’ENR au plus tard en 2030 ».

La centrale Albioma Bois-Rouge, d’une puissance installée de 108 MW, produit environ 25 % de la consommation du territoire.

Il y a quelques mois nous écrivions dans le numéro spécial ENERGIE de l’outremers en metamorphose « La BIOMASSE NE COMBLERA PAS LA SORTIE DU CHARBON. L’engagement d’Albioma peut nous prouver le contraire . Qu’il nous fasse mentir. Wait and see

Même si le schémas se répète à peu prés à l’identique aux Antilles, restons à la Réunion où nous avons rencontré les acteurs du CIRAD, du CESER, de l’ONF pour évoquer le dossier biomasse. Partout, sur le papier, le recours à la biomasse remplit les espoirs et s’inscrit comme la solution finale à la substitution du charbon importé. A la Réunion ce sont 650.000 T qui sont nécessaires pour faire tourner les deux centrales Albioma du Gol et de Bois Rouge qui fournissent 56% de l’électricité réunionnaise

Sur le terrain, il en est tout autrement. On sent le sujet politiquement sensible puisqu’il remet en question le débat sur les subventions de la canne qui couvre 60% de la surface et fait vivre 30.000 emplois directs ou indirects

Avec la bagasse « la Réunion ne fournit que 5% de la biomasse dont elle a besoin » rappelle Eric Jeuffraut  directeur du CIRAD, suivant ainsi les chiffres avancés par Albioma.  Le Directeur de l’ONF est plus optimiste , car il inclut d’autres végétaux, et parle de 30%,  tout en restant scrupuleusement garant de la protection des forêts « remparts contre les glissements de terrains, des ressources hydrologiques et du recul du trait de côte sur la côte ouest » Pour atteindre ce chiffre, il ajoute 100 à 114 000 t de déchets verts , les produits de la lutte contre les envahissantes , la bagasse et les ressources provenant des éclaircies des bois d’œuvre (les « bois de couleurs »).  Pour stabiliser durablement l’usage de cette biomasse, il souligne qu’il faudra auparavant développer les filières Celle des scieurs pourrait donner naissance à  un bassin de 8 000 emplois.

Mais même dans ce cas on ne répond pas aux besoins d’Albioma. Or le territoire ne peut monter en puissance sa capacité d’autonomie, s’il remplace le charbon importé par de la biomasse venue d’ailleurs, s’il déstabilise les filières en construction par l’importation de plaquettes d e bois venues d’Afrique du sud ou d’Amérique du Nord. « Avec la capacité d’innover, nous pouvons faire beaucoup : il y a 5000 hectares de friches, des terres non exploitées. On peut également jouer sur le non enfouissement avec des centres de traitement réversibles (actuellement les déchets sont enfouis et ce jusqu’en 2021) « 

Dans tous les cas, les acteurs cherchent à limiter les déchets, ensuite àvaloriser les matières, et enfin à considérer la valeur énergétique de certaines comme le sucre. En terme de gazéification  par exemple, deux  unités réunionnaises ont fait des propositions à partir du bois. La Commission de l’ Océan Indien avance plus vite que la région et soutient la fabrication des biocarburants. Rodrigues composte les espèce invasives et replante des endémiques  dans un programme « changer la forêt » , Madagascar , gère les d’espèces invasives pour les transformer en charbon de bois…. Les acteurs ne veulent pas subir l’urgence, et repondre en 2023 à une seule exigence : remplacer le charbon. Ils préfèreraient voir se dessiner un vrai plan biomasse conjuguant développement durable, émancipation et  valeur locale.  Eric PREVOST chef de projet à l’ONF propose aussi de structurer les filières bois énergie en petites unités de méthanisation ou de gazéification. L’épandage est également attendu sur environ 5000 hectares, les exemples internationaux ne manquent pas et les projets sont alléchants 

Ailleurs le branlebas de combat a aussi sonné

En Guyane, le groupe Voltalia a démarré en 2018 la construction d’une centrale biomasse, sur la commune de Roura. D’une puissance de 5,1 MWe, cette centrale de Cacao produira de l’électricité à partir de déchets de bois en provenance d’exploitations forestières ou de scieries à proximité. en Martinique, à Trinité,  le groupe Albioma a inauguré une centrale Galion 2. D’une puissance de 40 MW, brûlant un mélange de bagasse et de biomasse-bois L’usine fournit déjà 15% de la consom-mation totale de l’île. Cette centrale porte ainsi la part des EnR dans le mix à 22%  

Dominique MARTIN FERRARI

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