La route la plus chère du monde (à La Réunion) sera t elle un jour achevée?

Lors du voyage de presse organisé par D Martin Ferrari et le SER pour l’AJE nous avions emprunté cet ouvrage pharaonique et rien ne laissait supposer qu’il risquait de rester inachevé .Voilà ce que nous disait Fabienne Couapel Sauret conseillère régionale en charge des transports et de l’intermodalité : « Vous êtes le premier groupe à rouler sur cette route sur la mer ». Fabienne est fière de nous conduire sur cette route qui a fait couler tant d’encre ! Le chantier environnement à lui seul est évalué à 80M d’euros pour ces 13 km largement financés par les fonds européens. Le chantier a été évalué à la bagatelle de 1,6 milliard d’euros, soit 130 millions d’euros par km, à comparer aux 6 millions que nécessitent en moyenne un km d’autoroute en plaine de l’hexagone. Deux de ses 6 voies doivent être réservées à un réseau de transport collectif en site propre. Ce sera une des pièces majeures du plan mobilité réunionnais, thème arrivé en tête des préoccupations ultramarines.  La voie réservée renforcera l’incitation aux déplacements collectifs qui devraient passer à 14% en 2028 contre 7% aujourd’hui. La mise en service de trois bus à étage, très prisée, est en discussion. L’annonce la plus attendue a été officialisée un mois après notre visite : un run rail de 10km pour 30M d’euros va relier en 2023, Sainte-Anne à la route littorale et on espère ainsi désengorger Saint-Denis de 8000 voitures jour

Des mois plus tard …….ARTICLE , journal CAPITAL

Les quatres voies de l’actuelle route du littoral, qui relient la capitale Saint-Denis et la ville de La Possession au nord-ouest de l’île, sont empruntées par environ 65 000 conducteurs chaque jour. En période de fortes pluies, cette portion de route s’avère particulièrement dangereuse en raison des houles cycloniques et australes et des éboulements pouvant être parfois mortels. Depuis 1976, cet axe a causé la mort de 22 personnes. Le premier gros effondrement remonte à 1980, environ 35 000 mètres cubes de roches se sont effondrés causant la mort de trois personnes. La route a fermé pendant huit jours et c’est depuis cet événement que les premières réflexions autour d’un nouveau tracé sécurisé entre Saint-Denis et La Possession ont vu le jour. Ce projet titanesque est donc le fruit de plusieurs décennies de réflexions aboutissant à la construction d’une nouvelle voie rapide de 12,5 kilomètres directement sur la mer. L’ouvrage comprend à l’heure actuelle un viaduc de 5,6 kilomètres ainsi qu’une digue de 6,9 kilomètres. Mais la réalisation d’un tel projet soulève de nombreux défis techniques, en plus des enjeux environnementaux et financiers. L’attribution de certains marchés fait même l’objet d’une enquête judiciaire.

La route la plus chère du monde !

La Nouvelle Route du Littoral est à ce jour la route la plus chère du monde. Le montant initial s’élevait à 1,6 milliard d’euros, soit 133 millions d’euros le kilomètre. La NRL accumule à ce jour plus de 300 millions d’euros de surcoûts. Cela porte le montant final à plus de 2 milliards d’euros, soit environ 160 millions d’euros le kilomètre ! C’est 20 à 30 fois plus qu’une simple autoroute dont le prix de construction pour un kilomètre s’élève en moyenne à 6,2 millions d’euros selon le SETRA – Service d’études sur les transports, les routes et leurs aménagements. D’autres projets, comme l’axe Macao-Hong Kong en Chine ou la route des jeux Olympiques de Sotchi en Russie, ont coûté davantage mais il s’agit d’axes routiers avec postes de péage ou dotés d’infrastructures annexes telles que des tunnels, des voies de chemin de fer ou même des îles artificielles. La NRL est quant à elle une route en accès libre qui comprend un viaduc et une digue, son prix découle principalement des prouesses techniques exigées par une route directement construite sur l’océan Indien.

Des débuts sous tensions

En 2011, Didier Robert, alors président du conseil régional de La Réunion, a rencontré les maires de Saint-Denis, Gilbert Annette, et de La Possession, Roland Robert, au sujet de la Nouvelle Route du Littoral afin de déterminer comment seraient établis les chemins d’accès de part et d’autre de la NRL. Mais, rapidement, les discussions ont mené à des tensions entre D. Robert et R. Robert. Lors d’un rassemblement à Saint-Denis en 2015, le Président de la Région a ainsi affirmé, “du côté de Saint-Denis, c’est l’absence d’un projet clairement identifié. Il y a une difficulté financière, le maire de Saint-Denis a voulu faire financer des aménagements du front de mer de Saint-Denis qui n’avaient rien à voir avec la NRL”. En 2012, un décret a jugé d’utilité publique la Nouvelle Route du Littoral permettant au chantier de débuter un an plus tard.

Le chantier touché par une enquête judiciaire

Au début du mois d’octobre 2013, le Conseil Régional de la Réunion a attribué le chantier du viaduc au groupement Vinci-Bouygues. La digue a quant à elle été confiée à deux entreprises réunionnaises, la GTOI – Grands Travaux de l’Océan Indien – et la SBTPC – Société Bourbonnaise de Travaux Publics et de Construction. Mais l’attribution du marché à Vinci-Bouygues a laissé un grand perdant : Eiffage. Ce dernier a contesté l’appel d’offres dès fin octobre et a lancé deux recours au tribunal administratif de Saint-Denis. La société pointait notamment une “procédure entachée de nombreuses irrégularités”. Malheureusement pour Eiffage, les deux recours ont été rejetés en décembre 2013. En réponse, le groupe de construction français a déposé deux pourvois au Conseil d’Etat, également rejetés le 5 mars 2014. Les travaux ont donc finalement pu débuter quelques semaines plus tard et doivent alors s’achever en 2020. Mais une nouvelle enquête est lancée, pour favoritisme cette fois, par le Parquet National Financier qui vise les conditions dans lesquelles le marché de la NRL a été négocié.

Dans le cadre de cette enquête, plusieurs perquisitions furent menées en octobre 2015, en particulier aux domiciles de Didier Robert et de Dominique Fournel – délégué à la Nouvelle Route du Littoral (NRL) et membre de la commission permanente de la Région au moment de la passation du marché – ainsi que de plusieurs autres élus. Pendant deux années, les perquisitions s’enchaînent et une série d’auditions réalisée en 2017 par les enquêteurs du Parquet National Financier aboutit à la mise en garde à vue de Dominique Fournel. L’enquête est à ce jour toujours en cours…

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Un enjeu environnemental discuté

La question environnementale autour de la NRL fait débat depuis son lancement. Des associations telles que la SREPEN – Société réunionnaise pour l’étude et la protection de la nature – et la SEOR – Société d’Etudes Ornithologiques de la Réunion – ont formé le collectif de protection de l’environnement “Touch pa nout roche” afin de lancer des recours pour interdire l’utilisation de la carrière de Bois-Blanc à Saint-Leu. Cette dernière devait fournir les 7 millions de tonnes de roche nécessaires à la construction des 2,7 kilomètres de digue qui manquent encore. Ce collectif s’opposait par ailleurs à la construction de la digue qui devait traverser l’habitat d’une espèce végétale protégée depuis 2017, le bois de Paille-en-queue. Le CNPN – Conseil National de la Protection de la Nature – leur a finalement donné raison en refusant d’accorder une dérogation au Conseil régional concernant l’utilisation de cette carrière.

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Le Conseil régional et le groupement, qui ont misé sur la carrière de l’île pour finir la digue, n’en sont pas restés là. Et entre 2018 et 2020, des recours en justice entre les parties ont encore retardé la reprise du chantier. A cela s’ajoute la crise sanitaire survenue en 2020 qui a, elle aussi, empêché la reprise du chantier pendant quelques mois. Depuis septembre dernier, les travaux ont repris mais à un rythme extrêmement lent en raison des conditions sanitaires.

La NRL est aujourd’hui achevée à 80%, le viaduc étant déjà prêt à l’usage, mais les doutes au sujet de son aboutissement ne faiblissent pas. Les surcoûts et les retards se sont accumulés portant le coût total à près de 2 milliards d’euros. Malgré toutes ces incertitudes, Didier Robert annonce la mise en service de la NRL pour 2023 désormais.

LOÏS LARGES

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