La biomasse toujours en question. Les mauvais choix énergétiques de la Réunion

Les journalistes de l’AJE en voyage de presse sur l’énergie à la Réunion l’avaient écrit : « la biomasse locale ne suffira pas aux projets envisagés par la PPE« . J’ecrivais alors dans Outremers 360 ce papier:https://outremers360.com/bassin-indien-appli/energies-a-la-reunion-la-biomasse-ne-comblera-pas-la-sortie-du-charbon

A quoi bon se la jouer vert quand pour remplacer le pétrole il faudra faire encore plus de kilomètres (donc émettre des GES) et couper du bois . A l’époque on parlait de plaquettes venues d’Afrique du sud et maintenant de bois venu des Etats Unis !…ET pendant ce temps à la bourse, Albioma roule sa bosse d’industrie verte et enregistre les aides des green deal. Quelle rigolade….

Aujourd’hui la mobilisation bat son plein sur l’ile et le message semble passer cf l’article ci dessous de ce jour dans clinacoo:

« A l’horizon 2023, la centrale thermique de Bois Rouge passera au 100% biomasse (source d’énergie renouvelable) et abandonnera le charbon. Un projet porté par l’entreprise Albioma, en charge de cette conversion. Près de 70% de cette biomasse seront importés, des Etats-Unis dans un premier temps. Cette proportion a poussé plusieurs organisations non gouvernementales (ONGs) à tirer la sonnette d’alarme. Elles s’inquiètent de l’empreinte carbone d’un tel transport et de la dépendance énergétique qui sera créée pour l’île

La conversion des centrales de Bois Rouge et du Gol fait partie des grands projets énergétiques de La Réunion pour les prochaines années. Le producteur Albioma, à la tête de ces travaux et qui assure environ 46% de l’électricité de l’île, envisage un passage au 100% biomasse à l’horizon 2023 pour Bois Rouge (Saint-André) et 2024 pour Le Gol (Saint-Louis).

A ce jour, les centrales thermiques de l’île fonctionnent en hybride à savoir au charbon et à la bagasse, résidu fibreux de la canne à sucre. Mais le charbon occupe encore une place majoritaire dans les sources énergétiques utilisées, à savoir environ 70%.

Dans deux ans donc, Bois Rouge ne devrait plus utiliser cette ressource et le charbon sera remplacé par du bois. Une ressource bien plus écologique, certes, mais qui a un coût de transformation et d’importation. Si l’utilisation de la bagasse, et d’autres ressources locales minoritaires, est dans la balance, la majorité du bois utilisé viendra des Etats-Unis.

– Le bois pas totalement neutre –

Un choix pointé du doigt par 19 ONGs (organisations non gouvernementales) qui ont saisi l’Agence française de développement afin de demander une reconsidération de ce projet, pour une conversion plus écologique basée sur les énergies renouvelables comme le solaire ou l’éolien.

Reclaim France, à la tête de cette contestation, « contrairement à ce qu’affirment les promoteurs de ce projet, la combustion du bois n’est pas neutre pour le carbone (…) la conversion d’une centrale à charbon en biomasse forestière entraîne 2 à 3 fois plus de carbone dans l’atmosphère en 2050 ».

Pour Albioma, le choix de la biomasse est pourtant le plus logique et témoigne d’une approche environnementale plus douce. « L’objectif c’était d’arrêter le charbon, d’arrêter d’importer une énergie carbonée » rappelle Pascal Langeron, directeur général adjoint d’Albioma et responsable des activités pour la zone océan Indien. « La biomasse bois est une énergie renouvelable, personne ne le conteste. Après c’est l’exploitation de cette biomasse qui doit être regardée et qui doit être durable. Notre biomasse sera importée de zones où les forêts sont exploitées durablement, en respectant les directives européennes » affirme-t-il.

La transformation du bois en « granulés », appelés « pellets » n’est cependant pas totalement neutre. « Le résidu est chauffé, séché, il demande un peu d’énergie » reconnaît le directeur.

Quant à leur fournisseur Enviva, bien qu’il soit visé par plusieurs associations et ONGs pour « exploitation intensive par coupe rase des forêts naturelles de la façade Est des Etats-Unis » note Reclaim, il reste « le plus adapté aux normes » estime Albioma.

– Travaux importants pour le stockage –

Les pellets seront stockés dans deux dômes de 9.500 m3 installés sur le site de Bois Rouge, une capacité permettant de tenir une semaine environ. Sur les 7 hectares que compte le site, environ 1 hectare correspondant aux actuels stockages charbon sera démonté. L’investissement total pour la conversion de Bois Rouge s’élève à 100 millions d’euros.

Sur le port ce seront 4 dômes qui seront construits, deux par centrale, pour une capacité de 45.000 m3 de stockage en tout.

Photo : modélisation 3D stockage au Port / Albioma

Le Grand port maritime (GPM) a fait le choix d’investir dans une grue de 54 mètres de hauteur pour une capacité de manutention de 800 tonnes. « C’est un vrai défi pour le port » avoue Henri Dupuis, directeur de l’exploitation et des commerces. Les premiers déchargements pourraient commencer dès la fin de l’année 2022. « L’enjeu c’était de moderniser l’espace du quai. Albioma a fait la demande de grues mobiles, nous en avions déjà une première. Celle-ci nous permet une capacité plus forte, pour tourner autour de trois jours de déchargement. » Un enjeu de productivité important.

La structure coûte 5 millions d’euros, et servira au GPM pour d’autres déchargements comme les containers. Par ailleurs, le choix de la grue n’est pas anodin : « il s’agit d’un modèle hybride, qui marche au diesel et à l’électricité. Ainsi nous participons aux enjeux environnementaux de ce projet » indique Henri Dupuis.

– Un coût de transport non négligeable –

Mais ce qui interpelle aussi les ONGs c’est le coût de transport, d’un point de vue écologique, de l’importation d’une telle biomasse. Le producteur Albioma s’est d’abord penché sur l’Amérique du Nord, « parce que c’était là qu’il y avait les plus gros producteurs et où il y avait des données permettant de mesurer l’empreinte carbone, et le cycle depuis l’exploitation forestière jusqu’à la combustion ici sur nos unités ».

Si les directives européennes sont respectées, le trajet reste long. D’autres pays sont envisagés, notamment dans l’océan Indien et l’Afrique du Sud ou le Mozambique pourraient être de prochaines sources d’importation. Mais pour l’heure, leur méthode d’exploitation des forêts ne respecte pas les normes imposées par l’Europe. Pour Albioma le calcul est rapide : il est plus rentable d’importer, certes, de plus loin mais avec une meilleure gestion de l’exploitation.

Environ une dizaine de bateaux pourraient faire le trajet à l’année. Les premiers d’entre eux devraient arriver dès le second semestre 2022 pour permettre une transition durant laquelle le charbon et le bois seront utilisés ensemble, avant que le charbon disparaisse de la circulation.

– Une biomasse locale conservée –

Cette portion de biomasse importée va remplacer celle du charbon et représenter donc 70% des ressources utilisées. Les 30% de bagasse, eux, vont rester et se verront compléter par d’autres ressources locales, minoritaires, mais qui peuvent faire bouger la balance. Albioma espère atteindre les 35 à 40% de biomasse locale.

Sur Bois Rouge, les études montrent que le producteur pourrait alors passer de 300.000 tonnes de bagasse à 350.000 tonnes de biomasse incluant des matériaux divers : paille de canne, broyats de déchets végétaux, plaquettes de bois issues d’espèces envahissantes (en accord avec l’ONF), connexes de scierie ou encore broyats d’emballages en bois à savoir des palettes qui ne seraient pas consignées ou pas réutilisables.

– Difficile autonomie énergétique –

Les ONGs contre ce projet de conversion y voient un autre inconvénient : il irait « à l’encontre de l’objectif d’autonomie énergétique à l’horizon 2030 pour la France d’Outre-mer », dans la loi de transition énergétique pour la croissance verte en date de 2015.

Les organisations, se basant sur une étude de l’ADEME (agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) demandent de se focaliser sur les déchets verts avant de parler biomasse et appellent les financeurs à valoriser le solaire et l’éolien. Des objectifs louables mais pas tout à fait réalisables dans l’immédiat, répond Albioma, qui estime que la ressource locale n’est pas suffisante.

« On part de loin, il faut avant tout regarder ce qui est mobilisable » nous dit Pascal Langeron. « Aujourd’hui l’autonomie se fera tout en sécurisant l’approvisionnement d’électricité. Ensuite la biomasse s’ajustera en fonction de la part d’énergies renouvelables mobilisables sur l’île. On est là pour faire de la production biomasse là où on ne peut pas faire d’autres productions renouvelables et endogènes. »

mm/www.ipreunion.com / redac@ipreunion.com

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