Yann Wehrling ne représentera pas la France à la COP 15.Qui le fera?

Démissionner l’ambassadeur à l’environnement à quelques mois des grandes COP c’est une mesure grave . A Nagoya en 2010 nous avions un ambassadeur très performant et très préoccupé des questions de la Haute mer, des relations avec le Brésil sur la déforestation et du lien général avec les questions climatiques . Ce fut loin d’être inutile .

Yann Wehrling a été remercié Mercredi . Nous n’avons pu le joindre. Il va retrouver ses occupations politiciennes sans problème puisqu’il soutient V. Pecresse et vient de fonder son parti (un de plus dans la sphère écolo! )

Il confère à cet engagement politique la raison de son départ. Mais peut être, la raison est elle aussi directement liée à sa position très conservationniste de la biodiversité ?

Sur le plan climatique son absence à Glasgow ne pose pas de souci , les chercheurs français et la diplomatie dans son ensemble sont rodés à l’exercice . Ce n’est pas le cas pour la COP 15 : depuis fort peu de temps la biodiversité trouve enfin une expression majoritaire .Elle se complexifie et épouse davantage les questions économiques. C’est récent. Mais les chercheurs ne font pas encore front uni entre conservateurs et membres de l’IBPES. Les questions climatiques laissent peu de place à la deep ecology qui reste encore très présente dans les rangs des protecteurs de la nature. Le congrès de l’UICN en sera le test.

D Martin Ferrari

Faute d’un entretien direct, retrouvez ici l’IT du JDD:

INTERVIEW – Le Conseil des ministres a mis fin mercredi à la mission de Yann Wehrling comme ambassadeur français délégué à l’Environnement. L’intéressé revient sur cette décision et parle « d’incorrection humaine ». « Je soutiendrai quand cela va dans le bon sens et alerterai quand ça ne sera pas le cas », affirme-t-il désormais.

Yann Wehrling, ex-ambassadeur français délégué à l'Environnement.
Yann Wehrling, ex-ambassadeur français délégué à l’Environnement. (AFP)

Comment avez-vous appris la fin de votre mission comme ambassadeur français à l’Environnement?
J’ai été convoqué par l’administration du quai d’Orsay. La directrice générale de l’administration m’a remis en mains propres, lundi 31 mai, un courrier très sommaire qui tenait en deux lignes. On m’informait que le Président de la République envisageait de mettre fin à ma mission. Je n’ai eu aucune explication ni à ce moment-là ni plus tard quand j’ai cherché à en avoir. A l’incorrection de fond, il y a aussi une incorrection humaine. Je ne demande pas à ce que le Président m’appelle mais quelqu’un dans la sphère élyséenne aurait pu le faire pour en discuter.

Votre soutien à Valérie Pécresse (Libres, ex-LR) pour les régionales en Ile-de-France, et non à Laurent Saint-Martin (LREM-MoDem), en est-elle la raison?
C’est une hypothèse mais elle ne m’a pas été confirmée. Je n’ose pas y croire, et beaucoup de mes amis de la majorité présidentielle non plus. Ce genre de sanctions est assez rare. Surtout que nous ne sommes pas sur les mêmes niveaux : ce sont des élections locales, alors que les fonctions d’ambassadeur sont internationales. Il y a un décalage. Il y a une autre hypothèse. J’ai lu dans la presse, et eu des échos de cabinets ministériels, que c’était lié à la création du Parti de la nature que j’ai créé il y a deux mois avec des amis élus locaux et parlementaires. Il ne serait pas possible d’être ambassadeur à l’environnement, soit un diplomate, et faire de la politique en utilisant son mandat d’ambassadeur pour défendre ses opinions personnelles sur des questions liées à la thématique portée.

Ce sont eux qui ont décidé à un moment donné qu’un écologiste de plus pouvait s’en aller sans que cela les ennuie

Qu’en pensez-vous?
Il y a deux ans et demi quand le Président est venu me chercher pour occuper cette fonction, certes d’habitude dévolue à des hauts fonctionnaires du quai d’Orsay, c’était précisément pour mon profil politique et environnemental. Me le reprocher deux ans après, c’est saugrenu. Je ne suis pas un diplomate qui tout à coup s’est découvert un militantisme environnemental. Je suis un militant environnementaliste qui est devenu ambassadeur au service très loyal du Président qui me remercie de manière assez particulière.

Vous avez aussi été suspendu du MoDem?
Oui, mais cela me paraît normal. J’avais expliqué ne pas être d’accord avec la stratégie du parti d’aller contre Valérie Pécresse en Ile-de-France, alors que nous avions co-dirigé la Région ensemble dans la dernière mandature. Malgré cela, le MoDem a tranché et décidé de soutenir Laurent Saint-Martin (LREM). J’étais minoritaire. 

Vous avez tweeté un dessin où l’on voit Nicolas Hulot, Matthieu Orphelin, Cédric Villani et vous quitter le bateau de la majorité présidentielle, qui fonce ensuite vers un iceberg. Que faut-il comprendre?
Depuis le début de la mandature, nous avons été un certain nombre d’écologistes qui n’avions pas envie d’être dans la ligne d’Europe Ecologie – Les Verts très ancrée à l’extrême gauche. Nous voulions construire quelque chose au centre. Nous avons cru pouvoir faire des choses dans cette majorité présidentielle. Mais nous nous sommes éloignés. Soit volontairement comme les trois premiers de mon dessin. Moi j’ai voulu tenir bon jusqu’au bout. Je voulais continuer à rester dans l’action à l’intérieur de cette majorité pour la faire évoluer. Je n’ai jamais été partisan de la désertion. Ce sont eux qui ont décidé à un moment donné qu’un écologiste de plus pouvait s’en aller sans que cela les ennuie. 

Je dis au gouvernement : ‘Attention, sur la thématique de l’écologie, vous risquez le naufrage’

Que signifie cet iceberg sur l’action du gouvernement en matière d’écologie?
Cela veut dire qu’à un moment donné, il peut ne plus du tout être convaincant sur les questions d’écologie, ne plus du tout répondre à ce qu’on attendait de lui en matière d’ambition écologique. Aujourd’hui, l’image du gouvernement sur ces dossiers n’est pas bonne. C’est pour ça que j’ai dessiné cet iceberg. Je leur dis : « Attention, sur la thématique de l’écologie, vous risquez le naufrage. » C’est une alerte que je leur envoie. Ils ne sont pas sur la bonne voie pour répondre aux enjeux environnementaux.

Que faudrait-il que le gouvernement fasse pour se remettre « sur la bonne voie »?
Je m’étais astreint à une certaine retenue que je n’ai plus aujourd’hui. Je pense qu’il faudrait rapidement revenir sur la question des néonicotinoïdes. La situation est dramatique. Cette décision m’a vraiment heurté, et je le dis maintenant franchement. Il y a la question de la surpêche. J’avais fait un rapport, qui peut-être les a dérangé, sur l’échouage des dauphins qui est la partie émergée de l’iceberg d’une situation des fonds marins métropolitains dramatique. Nous n’avons que très peu d’aires hautement protégées, nous ne permettons pas le repos biologique des espèces. Le gouvernement est resté sourd à cette situation de la biodiversité marine. Il y a aussi les revendications de la Convention citoyenne pour le climat. La commande initiale était de proposer des solutions afin de réduire de 40% les émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2030. Les mesures prises ne répondent pas à cette ambition de départ. Ce n’est pas à la hauteur des enjeux. La France est dans le discours, pas dans l’action. Puis, j’ai regretté que la taxe carbone ne figure pas dans les débats. Il ne faut pas l’enterrer, elle doit être équilibrée socialement et fléchée vers l’écologie. C’est une erreur d’y renoncer.

Je veux faire du Parti de la nature la force politique écologiste centrale qui manque à l’échiquier politique français

Vous aviez été nommé en décembre 2018. Quel regard portez-vous sur votre action?
Une grande fierté. J’ai eu à préparer la COP15 pour la biodiversité (qui doit se tenir en deux temps en Chine, en octobre puis au premier semestre 2022, NDLR) qui sera très importante, notamment sur la question des 30% d’aires protégées marines et terrestres. Plus d’une cinquantaine d’Etats ont rejoint cet engagement porté par la France. Nous pouvons obtenir que la communauté internationale se prononce en sa faveur. J’ai initié un travail de recherche en avril 2020 qui a abouti à l’écriture d’un rapport scientifique de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB) qui a établi qu’il y avait un lien entre l’augmentation des zoonoses comme le Covid-19 et la dégradation des milieux naturels. J’étais fier d’obtenir à la convention Cites qui porte sur les espèces menacées par le commerce l’interdiction du prélèvement d’éléphanteaux dans la nature pour alimenter les zoos. J’aurais voulu continuer de me battre sur l’interdiction du commerce de l’ivoire au niveau européen. Normalement, j’aurais dû finir l’année. Le congrès de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) se tient en septembre à Marseille. Changer d’ambassadeur maintenant, c’est se priver de l’expertise et des réseaux préparés pour la réussite de ce Congrès. 

Qu’allez-vous faire désormais? Continuez-vous de soutenir Emmanuel Macron?
Je veux faire du Parti de la nature la force politique écologiste centrale qui manque à l’échiquier politique français : un parti écologiste réaliste, pragmatique, en un mot « les Grünen à la française ». Quant à savoir si c’est pour aider Emmanuel Macron ou pas, ce sera à lui de le dire. Mon éviction est une première réponse. Maintenant c’est à lui de voir ce qu’il veut faire avec des écologistes dont il pourrait se sentir proche. S’il n’en veut pas qu’il le dise! Je me sens aujourd’hui très libre d’avancer et de dire ce que je pense tout en restant constructif. Je soutiendrai quand cela va dans le bon sens et alerterai quand ça ne sera pas le cas.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *