Sauvetage de nombreuses espèces par la plate forme Stella mare (Corse): une nouvelle victoire

En 2021, après la maîtrise de la reproduction de la langouste rouge, les chercheurs de l’Université de Corse et du CNRS ont à nouveau démontré leur savoir-faire en maîtrisant la reproduction d’une nouvelle espèce protégée.

Après la maîtrise de la reproduction de l’huître plate, du homard européen, de l’oursin violet, du denti, du corb et l’obtention des premiers juvéniles de langouste rouge, les équipes de Stella Mare ont maîtrisé le cycle complet de reproduction de la grande araignée de Méditerranée.

Les travaux de recherche sur la grande araignée ont été initiés en 2019 dans le cadre de la diversification des travaux de l’unité Stella Mare sur les grands crustacés de Méditerranée. La première année, 75% du développement larvaire a été effectué. Un an plus tard, le stade juvénile est atteint avec 7 individus produits dans l’écloserie. Cette année, les équipes ont réussi à obtenir plus de 1200 juvéniles et à garantir la survie de plus de 70 % du lot à ce jour. Les individus (entre 2 et 3 cm) sont actuellement élevés dans les aquariums de Stella Mare où ils démontrent déjà leurs exceptionnelles capacités de camouflage.

Au cours des expérimentations de développement larvaire plusieurs stades ont été franchis. À la suite des pontes de géniteurs récupérés par les pêcheurs du Cap Corse, les larves Zoé 1 (premier stade) avec leur épine dorsale caractéristique sont émises. Après 4 jours d’élevage apparaissent les premières larves Zoé 2 (deuxième stade). Une transformation profonde a lieu au 10ème jour avec l’apparition du stade mégalope (troisième stade) et ses yeux pédonculés. Le stade juvénile – ou crabe 1 –  qui ressemble déjà à une araignée adulte a été obtenu au 19ème jour d’élevage. Les araignées sont actuellement âgées de plus de 4 mois (stade crabe 8).

Il s’agit d’une nouvelle avancée scientifique pour la Corse.

Endémique de Méditerranée, l’espèce Maja squinado est protégée au niveau européen (annexes III des conventions de Berne et Barcelone). Depuis les années 80, sa taille légale de capture est de 12 cm. Elle a longtemps été confondue avec sa cousine d’Atlantique Maja brachydactyla. À l’automne, les araignées migrent vers le fond et vers le large pour hiverner. Au printemps, elles remontent vers la surface en se rapprochant très près des côtes. Les pêches sont effectuées à cette période.

Depuis la fin des anne?es 70, la baisse des rendements fait craindre aux pe?cheurs et aux scientifiques un e?puisement des stocks et une mise en danger de l’espe?ce. À la fin du XXème siècle, en Méditerranée, la pression de pêche sur cette espèce était assez importante pour justifier la mise en place d’une protection. Malgré l’abondance de l’espèce dans les années 50-60, le déclin des stocks a été si important qu’elle est quasiment absente de certaines zones de Méditerranée. Aux Baléares par exemple, elle est totalement absente depuis plus de 20 ans hormis autour de l’île de Formentera où seuls quelques spécimens sont prélevés chaque année*. Des expérimentations ont d’ailleurs été menées dès les années 2010 afin de maîtriser la reproduction de cette espèce et étudier son comportement lors de relâchés expérimentaux de faible ampleur. En Corse, les captures de Maja squinado ont diminué de moitié entre 2011 et 2019**.             Le statut UICN de Maja squinado n’est pour l’instant pas défini.

Des études comportementales et des expérimentations de relâché d’individus sont d’ores et déjà envisagées par les chercheurs de Stella Mare. Cette nouvelle avancée ouvre la voie à des méthodes de restocking et de compensation de l’activité de pêche afin de préserver la présence de la grande araignée de Méditerranée sur son aire de répartition originelle. Les enjeux en matière de préservation de la biodiversité sont au cœur de la réflexion qui a fortement mobilisé les scientifiques de l’Université de Corse et du CNRS.  

Sur le plan économique, la maîtrise de la reproduction de la grande araignée de Méditerranée pourrait aider à endiguer le déclin des captures en Europe dû à la surpêche (la technique étant potentiellement transférable sur l’espèce présente dans l’Atlantique Maja brachydactyla).

Cette réussite matérialise à nouveau la volonté de la plateforme de transformer la recherche en richesses : favoriser une pêche éco-responsable et une aquaculture durable, valoriser et diversifier les productions issues des différentes espèces marines, gérer les ressources naturelles en vue d’une exploitation raisonnée.

L’obtention de ces juvéniles d’araignée atteste de la qualité scientifique des recherches menées au sein de Stella Mare en collaboration étroite avec les pêcheurs et aquaculteurs corses. L’ambition fixée dès l’origine de la plateforme se concrétise à nouveau : assurer des recherches permettant d’induire des innovations d’excellence en prise avec les grands défis sociétaux.

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