COP26: L’OUTREMER DEJA VICTIME DE LA MONTEE DES EAUX

(retrouvez cet article sur Outremer 360°)

Cette image  de l’agence Reuters a fait le tour du monde et a frappé les esprits.

Les pieds dans l’eau, le ministre des Affaires étrangères du Tuvalu, Simon Kofe, s’adresse aux autres dirigeants de la Cop26 de Glasgow, afin qu’ils fassent avancer le dossier « pertes et dommages », le troisième pilier de l’Accord de Paris pour le climat. Le Tuvalu brandit une menace juridique,  saisir le Tribunal international du droit de la mer sur les possibles responsabilités des États en matière d’émission de carbone…

Aiguillés par les États insulaires du Pacifique, les pays les plus vulnérables au changement climatique se rebellent. ..

Grave échec de l’accord de paris les 100 milliards promis au sud par les pays du Nord n’ont pas été payés en temps et en heure, alors que des sommes très importantes ont été versées dans le même temps pour le soutien des économies frappées par la Covid . Alors le Nord l’a promis, juré, ils le seront en 2025. 

Mais  le doute porte désormais sur les engagements et ce malgré un grand discours de Barak Obama Le Forum des pays vulnérables (CVF), présidé par le Bangladesh, réclame que la moitié des 100 milliards annuels leur reviennent et qu’un contrôle des sommes soit effectué par le Fonds monétaire international et non par l’OCDE. Ce qui en dit long sur la méfiance du CVF vis-à-vis des nations occidentales.

Les nations insulaires se sont senties particulièrement concernées par la journée consacrée à l’adaptation. De longue date elles reprochent aux pays du nord de faire la part belle à l’atténuation à long terme plus qu’à l’adaptation immédiate. Les trois quart de l’argent (un quart seulement est réservé aux infrastructures de protection) vont principalement à la réduction des émissions de gaz à effet de serre des pays riches ou émergents. Rien pour les lieux de vie perdus, les dégâts des cyclones…

Les pays du Nord ont fait de la non reconnaissance du préjudice, (le 3° pilier de l’accord de Paris, le dossier « pertes et dommages », l’article 8. ) une ligne rouge à ne pas franchir car ce serait le début d’une longue bagarre juridique et d’un puits de versements de dommages.

« Il faut pourtant une clarification sur les financements. Il y en a eu sur la sortie du charbon ou sur la fin de la déforestation. Pas encore sur le cas de ces pertes irrémédiables, qui sont très éloignées du volet adaptation. » Déclare Pierre Cannet du WWF France

Nombreux furent les discours d’alerte et d’anxiété comme celui d’une jeune militante de Papouasie Nouvelle Guinée« Nous ne saurons jamais quand la marée montera et avalera nos maisons. Quand nos cultures, nos langues et nos traditions seront emportées par l’océan. Quand vous dites d’ici 2030 à 2050, comment pouvez-vous avoir des échéances dans 9 à 29 ans alors que mon peuple a prouvé que nous devons agir maintenant et ne plus perdre de temps »- « Imaginez la terreur lente et insidieuse de voir votre communauté perdre du terrain, centimètre par centimètre, face aux eaux envahissantes, érodant tout espoir que vos enfants hériteront de votre maison, de vos lieux de pêche, de vos repères culturels et de la terre où vos ancêtres sont enterrés » , a ajouté le Premier ministre des Fidji, Voreqe Bainimarama. Lequel doit envisager la relocalisation de quarante-deux villages avant 2030. Sur les hautes terres de son archipel, il accueille déjà des voisins du Vanuatu, dont les îles sont devenues inhabitables..

A Paris en 2015 (COP 21) , la députée française de Polynésie, Maïna Sage a conduit,  indépendamment de l’Etat français, le groupe des Etats insulaires  (AOSIS),  réussissant à faire passer l’engagement prévu d’une augmentation à -2° à -1°5 en 2100. 0,5° de moins équivalant à  l’assurance de moins de submersions.

Elle nous déclarait alors « 27 grands territoires océaniques menacés, indépendants, ou associés, dont trois territoires français : la Nouvelle Calédonie, Wallis et Futuna et la Polynésie ont œuvré ensemble….Sur nos atolls, nous ne pourrons pas reculer beaucoup plus loin…Et avant d’assister à la montée des eaux, il y a les effets de l’acidification, le réchauffement qui perturbe le corail… »

Un nouveau cadre législatif : la loi climat et résilience

Entre temps l’état français a adopté un nouveau cadre législatif posé par la loi climat et résilience, n° 2021-1104 du 22 août 2021. Il introduit un changement radical en imposant, pour certaines zones exposées au recul du trait de côte, le choix d’une adaptation par le repli, c’est-à-dire l’abandon de ces zones. Mais pour les territoires îliens, les menaces ne sont pas les mêmes que pour les territoire métropolitains et la négociation menée à  la CNUCC au nom de l’état français peut difficilement faire valoir cette différence. Si en métropole l’Etat préconise de ne plus se protéger  mais de travailler à une relocalisation, outre mer la question du foncier, rare, rend le repli difficile « Nous ne pourrons pas reculer beaucoup plus loin « rappelle Maina Sage

Ce sont donc aux régions de se battre.

Pratiquement tous les territoires ultramarins sont déjà victimes de la montée des eaux. En 2016 déjà, Chantal Berthelot alors députée de Guyane avait fait une proposition de loi sur l’adaptation du littoral . Aujourd’hui à Kourou 400 familles et 1200 personnes sont menacées.; En Guadeloupe, la commune de Petit Bourg a répondu à un appel du Ministère de l’écologie sur « l’expérimentation de la relocalisation des activités et des biens » . A Saint Pierre et Miquelon, malgré les enrochements , désormais les grandes tempêtes coupent la route et isolent Miquelon –Langlade, rendant problématique les évacuations sanitaires éventuelles. La quasi-totalité de la commune a été placée en zone « rouge » non constructible dans le récent Plan de Prévention des Risques Littoraux. Aux îles Tuamotu, Annick Girardin alors ministre de l’outremer promettait la construction d’abris anticycloniques entre 2021 et 2026. Promesse tenue. Avec un budget de 50 millions d’euros, 17 ont été construits et il en reste 27 à édifier.

Plusieurs échéances se dessinent dans lesquelles il faudra inscrire certaines spécificités : les négociations de la COP 15 (Avril/mai 2022)  : quel sera le statut des zones marines ou terrestres protégées ? Celles de la future Convention de la Haute Mer (renégociations de Montego Bay sur les fonds marins internationaux) et de l’amélioration des juridictions des eaux internationales.

D Martin  Ferrari

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *