Statu quo » institutionnel à La Réunion : 40 ans perdus

Manuel Marchal / 24 septembre 2020

Le rapport de la Délégation sénatoriale aux outre-mer analyse le « statu quo » réunionnais en matière institutionnelle. Dans un rapport appelant à une remise à plat des relations entre la France et les anciennes colonies intégrées à la République, cette analyse permet de constater que La Réunion a perdu près de 40 ans à cause d’une campagne de désinformation sur le projet proposé par le PCR : donner aux Réunionnais la possibilité de gérer eux-mêmes leurs affaires. Résultat : 40 ans perdus.

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Photo Toniox.

Dans son rapport sur la différenciation déposé le 21 septembre dernier, la Délégation sénatoriale aux Outre-mer, fait un état des lieux de la situation à La Réunion sous le thème le « Statu quo » réunionnais. Voici comment le rapport des sénateurs analyse ce blocage institutionnel qui persiste depuis la création avortée du Conseil régional et départemental de La Réunion, ou assemblée unique.

« Si La Réunion est aujourd’hui considérée comme attachée au statu quo institutionnel, il convient de rappeler qu’historiquement elle a eu à connaître elle aussi un débat institutionnel.
M. Paul Vergès, avait en effet porté l’idée d’un régime autonome pour l’île jusqu’au début des années 80.
La loi du 12 juin 2001, modifiant l’article L. 5911-1 du code général des collectivités a, par la suite, supprimé le congrès des élus régionaux et départementaux de La Réunion, faisant disparaître cet espace du débat institutionnel.
L’affirmation de l’attachement au statut départemental s’est ensuite exprimée à travers l’alinéa 5 de l’article 73 de la Constitution qui exclut la région et le département de La Réunion de la possibilité de bénéficier de la procédure d’habilitation, qui permet aux collectivités de fixer elles-mêmes les règles applicables sur leur territoire, dans un nombre limité de matières du domaine de la loi.
Comme le rappelle M. Stéphane Diémert, président assesseur à la Cour administrative d’appel de Versailles et ancien conseiller pour les affaires juridiques et institutionnelles de deux ministres de l’outre-mer, cet alinéa a fait l’objet de nombreuses querelles doctrinales portant sur la faculté ou non pour La Réunion de bénéficier par ailleurs des voies institutionnelle et statutaire offertes par l’article 73 de la Constitution. Pour M. Ferdinand Mélin-Soucramanien, professeur de droit public à l’Université Montesquieu-Bordeaux IV, directeur du CERCCLE-GRECCAP, cette « identité renforcée » ne fait en réalité pas obstacle à l’application des alinéas organisant l’adoption d’un statut différencié. »

Près de 40 ans de perdus

Les sénateurs confirment qu’à la différence des pays ayant le même statut, La Réunion n’a aucune possibilité de fixer eux-mêmes les règles applicables sur leur territoire. Cette impossibilité découle d’un amendement déposé en 2002 par un sénateur de La Réunion, au prétexte qu’appliquer à La Réunion les mêmes règles qu’en Guadeloupe, Guyane et Martinique pourrait conduire à l’indépendance de La Réunion.
Manifestement, sénateurs et juristes ramènent cette initiative à sa juste proportion : un verrou qui prive les élus réunionnais de moyens pour assumer plus de responsabilités.
Ce rapport donne également une idée du temps perdu en raison de cette campagne de désinformation sur la réalité du projet proposé par les communistes aux Réunionnais, qui n’est pas l’indépendance, mais le droit pour les Réunionnais de gérer les affaires qui les concernent.
La réalité finit toujours pas s’imposer, et près de 40 ans après le refus d’accorder aux Réunionnais une assemblée unique mieux à même de faire face aux problèmes, le débat autour de la responsabilité est bien réel, et présent pas seulement chez les communistes.
La proposition d’une conférence territoriale élargie, lieu d’élaboration d’un projet réunionnais à partir duquel seront identifiés les compétences supplémentaires nécessaires que devront assumer les Réunionnais.

M.M.

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