« Si Le pen élue, la france isolée. » Si vous vous abstenez vous votez pour Le Pen . N’oubliez pas le choix possible des législatives et le retour d’une démocratie parlementaire

Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, évoque l’agenda international du prochain président. L’élection de Marine Le Pen serait selon lui un danger pour notre sécurité.

Après cinq années, et de nombreuses crises, passées à la tête de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian évoque la guerre menée par la Russie en Ukraine. Et les choix de politique étrangère que l’élection de dimanche va conditionner. Si Marine Le Pen l’emporte, plus qu’une alternance ce serait une rupture d’alliance qui si profile. Sur l’Europe, sur l’Otan.

Attaque sur le Donbass

Les Russes ont lancé hier leur offensive dans le Donbass, quelle est votre réaction ?

Cela ne me surprend pas. La situation militaire actuelle, malgré le siège de Marioupol qui se poursuit dramatiquement, était en fait une réarticulation des forces russes pour se préparer à l’attaque massive du Donbass. Donc la guerre russe continue. Cette offensive majeure va se poursuivre, dans un cortège d’atrocités. Au-delà de cela, l’objectif de Poutine reste le même, il ne faut pas se leurrer. La guerre risque de se poursuivre tant qu’il n’estimera pas avoir atteint ses objectifs.

Qu’est-ce qui peut l’arrêter ?

Je suis frappé par la force de la résistance ukrainienne et par la détermination de l’armée ukrainienne. Fondamentalement, nous devons poursuivre ce que nous avons déjà engagé, c’est-à-dire le soutien par des livraisons d’armes à l’Ukraine. Nous l’avons fait et nous continuerons à le faire et à renforcer cette action. Et le renforcement des sanctions que nous avons déjà annoncées et qu’il va falloir mener à leur terme, y compris sur le pétrole. Le président de la république, alors que la France exerce la présidence du Conseil de l’Union, a dit à plusieurs reprises qu’il n’avait pas de tabou à cet égard, et la question de l’embargo sur le pétrole doit être posée.

L’agenda diplomatique après l’élection

Si Emmanuel Macron est battu dimanche, quel impact diplomatique envisagez-vous ?

Il y aurait trois moments décisifs si Marine Le Pen était élue. Le premier, ce serait le 25 avril. Nous serons en pleine guerre au Donbass, avec l’intensité à laquelle il faut s’attendre. Et là, il n’y aurait qu’une question : la France maintiendrait-elle sa position de leader en Europe face à l’agression russe ? Soutiendrait-elle les Ukrainiens confrontés à cette nouvelle phase très brutale ? Est-ce que la France continuerait son appui militaire à l’Ukraine et les sanctions ? Il y a là une interrogation forte à laquelle elle doit répondre. C’est lundi. Elle doit répondre à la question centrale : il y a dans ce conflit un agresseur et un agressé, nous sommes du côté de l’agressé et nous l’aidons à combattre son agresseur. Nous soutenons Zelenski et nous devons le dire. Sinon, on risque d’assister en spectateurs au développement de crimes de guerre.

Au niveau européen, quelles sont les prochaines échéances ?

C’est le Conseil européen du mois de mai. Ce sera un conseil essentiel. C’est là que la question des sanctions supplémentaires doit être décidée au niveau européen. Et la question posée à Marine Le Pen, si elle était alors présidente de la France mais aussi du Conseil de l’union européenne, serait de savoir si elle est favorable à un embargo pétrolier pour augmenter la pression sur la Russie. Serait-elle favorable à la proposition que fera la Commission pour acquérir l’autonomie énergétique à l’égard de la Russie, en particulier concernant le gaz et le pétrole ? Et sur le développement des énergies renouvelables ? Est-elle favorable à des achats groupés en matière énergétique pour avoir des prix moins élevés comme on l’a fait pour les vaccins ? Ferait-elle alors, le choix du blocage européen ? En réalité, c’est ce qu’elle annonce. Donc l’inaction de Marine Le Pen signifierait, au Conseil européen, à la fois l’isolement de la France mais aussi son affaiblissement. Est-ce que les Français veulent que la France soit spectatrice ?

Sommet de l’Otan à Madrid

Marine Le Pen prône un rapprochement entre l’Otan et la Russie. Comment réagissez-vous ?

Il y a un sommet de l’Otan, à Madrid, fin juin. Et conformément à ses engagements, Marine Le Pen devrait y annoncer la sortie de la France du Commandement intégré de l’Otan. Donc à annoncer, de facto, le retrait de nos forces en Roumanie et en Estonie. En pleine poursuite de la crise ukrainienne, elle annoncerait une alliance avec la Russie ? Dans ce cas-là, la France serait seule. Sans aucun poids sur les décisions qui auront un impact sur notre sécurité. Pour toutes ces raisons, l’élection de Marine Le Pen est un danger pour notre sécurité.

Retrait de facto de Roumanie et d’Estonie, pourquoi ?

Elle veut une alliance avec la Russie, sortir du commandement intégré de l’Otan. Or, actuellement, la France a le commandement d’une partie de la force de réaction rapide de l’Otan. Cela ne tient pas debout.

En quoi notre présence au commandement intégré pèse ?

Nous sommes dans la détermination des choix. Parce que la France est leader, elle a les moyens militaires, c’est une puissance qui affirme ses capacités et est reconnue comme participant à l’ensemble de la posture défense et de dissuasion et est porteuse de la solidarité à l’égard de ses alliés européens, notamment sur le flanc est. Ce serait donc une rupture fondamentale. Cela voudrait dire qu’on lâche nos partenaires, entraînant une perte totale de crédibilité. La France serait seule, sans aucun poids sur des décisions qui concernent notre propre sécurité.

La fin du franco-allemand?

Sur l’Allemagne, Marine Le Pen parle de « stratégies irréconciliables » entre Paris et Berlin et annonce la rupture des coopérations militaires engagées depuis 2017 ?

La volonté de Marine Le Pen, même si elle avance masquée, c’est bien de fait de quitter l’Union européenne pour la transformer dans un concept qu’elle appelle Alliance européenne des nations. C’est donc une véritable déconstruction progressive qu’elle veut mener. Un retour en arrière de soixante-dix ans. Dans ce cadre, elle s’attaque à ce qui est le moteur, la proximité franco-allemande, en identifiant un pays avec lequel elle veut changer profondément les relations. Ce qui remettrait en cause l’équilibre européen, fondamentalement. Et le fait d’annoncer la diminution de la contribution européenne, le fait d’annoncer qu’elle veut sortir de Schengen, la suppression des quatre libertés fondamentales de l’UE, le fait de toucher aux fondamentaux du droit européen en matière de respect des étrangers et des droits de l’homme… Tout cela contribue à une sortie de l’Europe sans le dire et sans l’avouer. Tout cela se passerait dans les semaines qui viennent. Avant l’été, la France serait isolée, affaiblie, dans une Europe qui elle-même serait fragilisée et divisée par le positionnement de la France.

Si Macron est réélu, quelles seront ses priorités en matière européenne ?

Avec la crise ukrainienne, l’Europe n’est plus la même que celle qui existait avant le 24 février. Elle a renforcé sa puissance de fait, et elle en a pris pleinement conscience. Les enjeux essentiels pour l’Europe de demain, ce sont les enjeux de souveraineté. Au niveau énergétique, pour avoir une autonomie stratégique grâce à une diversification des approvisionnements, le renforcement des énergies renouvelables. C’est aussi la souveraineté alimentaire, environnementale en atteignant les objectifs du Green Deal. Tout l’enjeu principal du quinquennat qui vient, c’est de faire en sorte que l’Europe puissance puisse renforcer ses capacités et sa souveraineté collective. Si on suit la logique de Mme Le Pen, on a une Europe déstructurée, divisée, où les puissances du monde, Russie, Chine, États-Unis, viendront faire leur marché. C’est exactement ce dont nous ne voulons pas. Nous avons déjà vécu l’expérience du populisme avec Trump.

Redoutez-vous un axe entre la Russie et la Chine ?

Je pense que la Chine est dans l’embarras, face à cette situation. Pour deux raisons. D’abord, elle a toujours prôné le respect des souverainetés nationales, le multilatéralisme et toujours voulu au niveau international trouver les compromis. Et puis elle a tout fait pour éviter que les conflits ne perturbent les échanges internationaux dont elle dépend énormément. Et donc, cette logique russe aujourd’hui perturbe la Chine. Mais, pour permettre d’éviter une synergie entre la Russie et la Chine, il faut précisément que l’Europe soit forte. C’est la seule riposte possible. Or, dans la logique de Mme Le Pen, on est dans la déstructuration de l’Europe.

La suppression du corps diplomatique suscite beaucoup de réactions chez les diplomates. Comment répondez-vous à ces inquiétudes ?Présidentielle 2022. Et vous, quelles sont vos idées pour la France ?Je contribue

Dans le cadre de la réforme de la haute fonction publique, voulue par le président de la république pour en renforcer l’ouverture, il est évident que la diplomatie reste un métier spécifique, au sein duquel on a vocation à dérouler une carrière. Le maintien du concours d’Orient garantit le recrutement des spécialistes dont la France a besoin.

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