LETTRE OPTIONS FUTUR 145 : / 15 nov 2022 / D Martin Ferrari Enmetamorphose.com / La lettre sera désormais mensuelle, diffusée le 15 de chaque mois. Prochain envoi 15 Décembre

MONDE

Trois enjeux en débat pour l’avenir de l’économie et du monde demain : le climat ; les nodules polymétalliques et l’ exploitation des fonds marins ; Le pari sur la production d’hydrogène.

Charm el Sheikh, COP 27 `

« Sortir nos économies du chaos et aider les émergents à en faire autant » a proposé Macron. On lui a reproché d’avoir parlé comme un banquier alors que les émissions cette année sont encore en hausse.  

Mais n’est-ce pas ce qui est attendu? L’argent…. Tandis que les dommages s’accélèrent, la réforme de la banque mondiale ou du Fmi, même si nécessaires, ne se feront pas en quelques mois. Certes il faut « être inventif, trouver des mécanismes applicables au 21° siècle alors que tout l’arsenal législatif international  date du 20° » Mais que faire. Certains spécialistes pensent qu’entrer dans une réforme des institutions internationales aujourd’hui, nous ferait encore perdre du temps au détriment de la lutte climatique ?

Les risques se sont matérialisés, les solutions deviennent urgentes. Les engagements actuels laissent la planète sur la trajectoire de 2,8° (au lieu de 1,5, seuil que d’ailleurs certains pays cherchent à faire disparaitre a révélé John Kerry)

COP 27 pour l’instant tout va bien pour les pays développés, relativement dans les clous. Mais ils doivent s’occuper du sud
« Chaque tonne de CO2 va faire une différence, il n’y a aucune action contre le changement climatique qui soit inutile« , ainsi 29 états ont renforcé leurs efforts , dont le Mexique  qui est passé d’un objectif de réduction de 22% à 31% d’ici à 2030. 
Et pour gagner des tonnes, il faudra poursuivre cet effort de réduction et travailler sur des secteurs encore mal pris en compte. 
Au niveau local, les territoires peuvent répondre présents à cet objectif. Nous savons ce qu’il faut faire et les bonnes solutions fleurissent. Trop peu. E. Macron a confié aux cinquante principaux pollueurs français leur feuille de route. Ils peuvent et doivent faire mieux et seront aidés pour cela. A une condition : que les résultats s’affichent. Il faudra y veiller. Plus que jamais l’écologie va devoir prouver sa bonne gestion économique ! 
Au niveau global, faire entendre raison aux grands majors, ce n’est pas gagné ! Les multinationales se rient des états, les partisans des fossiles résistent. Jamais une COP sur le climat n’avait accueilli autant de lobbies pro fossiles (https://www.enmetamorphose.com/?p=4426 ) Que vaudra en face de cela, la belle décision du pacte de non prolifération des ONGs? Les états du G20 qui se réuniront à Bali le 16 nov sont attendus sur ce point
Assiste-t-on à un recul ? Non parce que des accords bilatéraux se signent. Que des pans entiers de l’industrie s’attellent à la transformation, mais on découvre que les rapports scientifiques ont pêché par optimisme, que le réchauffement s’accélère et que les dix ans qui nous sont octroyés se réduisent à 7. La pauvreté prime encore sur la menace climatique, peu de pays peuvent se targuer d’une économie florissante et pour l’instant aucun des pays responsables de l’accumulation des GES n’a respecté son engagement à financer les pertes et dommages (Europe, chine, USA , Inde…aucun)

Le 12 novembre à mi-temps de la COP et selon la tradition  des manifestations et temps forts ont eu lieu dans le monde entier. Mais à Charm El Cheikh, le régime de Fattah Al Sissi a interdit la manifestation et les participants ont du se résoudre à un rassemblement en zone bleue autour de la sœur du prisonnier politique égypto britannique Alaa Abdel Fattah

Alimentation : 
Un exemple de secteur trop peu  considéré
Le manque de réfrigération entraine la perte de 526M de tonnes de produits soit 12% de la perte totale et 2% des émissions mondiales de GES à cause des émanations de méthane. 
Les chaînes alimentaires du froid sont essentielles pour relever le défi de nourrir deux milliards de personnes supplémentaires d'ici 2050 et d’aider les petits agriculteurs qui peinent à commercialiser leurs produits. Cette modernisation est nécessaire tout en évitant l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre. L'adoption de l'Amendement de Kigali au Protocole de Montréal et de la Déclaration de Rome sur « la contribution du Protocole de Montréal au développement durable de la chaîne du froid pour la réduction du gaspillage alimentaire » savent dire comment déployer des chaînes du froid alimentaires durables, tout en respectant le non usage des CFC. Encore faut- il le faire….

Autre révélation en amont de la réunion sur le méthane qui se tiendra le 17nov à la COP 27, les émissions de méthane cumulées de cinq des plus grandes entreprises mondiales du secteur de la viande et de dix des plus grandes entreprises mondiales de produits laitiers, dont Danone et Lactalis en France, dépassent de loin l’empreinte méthane de nombreux pays, dont celles de la Russie, du Canada, ou encore de l’Australie, selon un nouveau rapport préparé par l’Institute for Agriculture and Trade Policy et la Changing Markets Foundation. Au cours de cettte réunion, 40 pays doivent dévoiler des mesures de réduction de leurs émissions de ce puissant gaz à effet de serre. 

EXPLOITATION DES FONDS MARINS                                                       Les bonnes nouvelles existent aussi

Emmanuel Macron a réaffirmé au nom de la 2° puissance maritime mondiale refuser l’exploitation des grands fonds La France rejoint donc une coalition de pays se positionnant contre l’exploitation minière des océans, ou au moins pour une pause de précaution ou moratoire, comprenant l’Allemagne, le Chili, la Nouvelle-Zélande, le Costa-Rica, l’Espagne, le Panama et suivant les déclarations de certains Etats du Pacifique comme Palau, les Fidjis et Samoa.

A Kingston, en Jamaïque, le Conseil de l’AIFM (autorité internationale des fonds marins) devait négocier le futur code minier permettant de réglementer l’exploitation minière en eaux profondes. Le rendez- vous est reporté à juillet 2023. Malheureusement, pendant ce temps en l’absence de réglementation minière, The Metals Company (canadienne) poursuit son action dans la faille de Clarion-Clipperton. (https://www.enmetamorphose.com/?p=4363,)

 Longue de 7 240 kilomètres, cette faille court au fond de l’océan Pacifique. Elle est un enjeu fondamental pour cette industrie émergente, suscite un vif intérêt commercial et est devenue l’une des principales menaces pour l’intégrité des fonds marins.

Guyane

Les dossiers sur l’avenir énergétique de la Guyane manquent d’un pilote dans l’avion. Que font les politiques ?

C’est le chaos. La centrale du Larivot semble se décider puis enregistre un avis contraire par deux fois ( ministère de l’environnement, ong, experts….) Sur le petit village de Prospérité, les mobilisations amérindiennes privent l’ouest guyanais de la production énergétique nécessaire au développement du secteur de Saint Laurent qui désengorge un peu Cayenne. IL suffit d’un article mal informé dans le Canard Enchainé pour mettre le feu à la plaine hexagonale. 40.000 ha ont été rendus aux amérindiens par les accords de Guyane (2015): pour l’instant statut quo, rien n’a été fait. Or, oui le projet d’HDF de développement de la centrale hydrogène gèle des territoires de chasse amérindiens mais cette innovation pourrait être exemplaire pour le développement de l’hydrogène, et pour l’autonomie énergétique de la Guyane. Une révolution que pourrait s’attribuer un DOM (le Chili y travaille aussi d’ailleurs car il faut de l’eau si on veut de l’hydrogène vert et la Guyane en regorge) Pour l’instant, le projet en est seulement à l’étape recherches. Pour leur avenir énergétique, peu de bons choix s’offrent aux guyanais entre une centrale thermique sur une zone humide classée, un grand barrage comme celui de petit saut au détriment de la forêt tropicale, ou ce projet qui effectivement gêne une petite centaine d’indiens sur 75 ha. A rapprocher des luttes villageoises contre les éoliennes terrestres. IL faudra faire des choix……

Elon MUSK a racheté TWITTER

Nous sommes entrés dans le « western libertarien américain » et si twitter était déjà le lieu par excellence des fake news, il était aussi soumis à une certaine modération. Depuis quelques jours c’est la panique ! Sans relayer la polémique ou les discrédits qui sévissent depuis le rachat, rappelons le coté peu adapté à la pensée complexe et les défauts de l’immédiateté des réactions de cet outil.

France

Forum de Paris pour la Paix (11/12nov) :
Le forum pour la paix est une manifestation internationale portant sur les questions de gouvernance mondiale et de multilatéralisme, Chaque année depuis 2018, il met en lumière des projets ou initiatives de gouvernance en proposant des solutions et des actions concrètes face aux défis mondiaux. Il s’était donné pour objectif cette année d’analyser comment  surmonter la multi crises, et comment neutraliser l’empreinte sociale des politiques climatiques. Il se déroulait dans un contexte nouveau, celui du retour de la guerre sur le continent européen, au moment où les tensions se polarisent à l’est entre Chine, Russie, Corée, japon et les USA ; le fossé Nord/Sud s’aggrave. Le monde est de plus en plus fracturé. En matière de Santé (vaccin) , alimentation (céréales et engrais bloqués par la guerre d’Ukraine)  , climat (incapacité à payer les dommages )… le nord est trop hypocrite et la solidarité difficile . Comment alors retrouver un effort collectif ? En favorisant un ordre mondial coopératif et un multilatéralisme renouvelé répondent les participants. Une refonte de l’ONU pour le 21° siècle ?

Mix énergétique : lancement d’une grande consultation nationale

Une grande concertation nationale sur le mix énergétique intitulée « Notre avenir énergétique se décide maintenant » a été  lancée le 20 octobre 2022. Annoncée par le président de la République en février dernier, elle est organisée pour recueillir l’avis des citoyens sur les orientations de la politique énergétique française dans le contexte plus global de révision de la Stratégie française sur l’énergie et le climat (SFEC), qui constitue notre feuille de route pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Elle répond à deux grands objectifs :

discuter des enjeux de la transition énergétique – atteindre la neutralité carbone en 2050 et sortir de notre dépendance aux énergies fossiles – et de ses implications concrètes sur nos modes de vie ;

permettre à chacun de s’exprimer sur les mesures prioritaires à mettre en œuvre dans un esprit de souveraineté énergétique, de justice sociale et d’égalité territoriale.

Cette concertation est un moment démocratique important. Elle doit permettre à chacun de s’exprimer sur les conditions de réussite et les mesures prioritaires pour réussir notre transition énergétique, c’est-à-dire sortir des énergies fossiles et atteindre la neutralité carbone. Les conclusions de cette concertation seront versées au débat parlementaire, qui se tiendra en 2023, sur la future loi de programmation sur l’énergie et le climat, et alimenteront les choix stratégiques pour notre pays.

-Du 20 octobre au 31 décembre 2022, se tient la première phase de concertation « grand public », au cours de laquelle chaque citoyen peut donner son avis via la plateforme participative en ligne, en parallèle, un « Tour de France des régions », avec des réunions dans tout le territoire, est organisé pour faire émerger les priorités territoriales. .(Donnez votre avis sur notre avenir énergétique : concertation-energie.gouv.fr )

-Du 19 au 22 janvier 2023, un « Forum des jeunesses » sera organisé, rassemblant 200 jeunes, de 18 à 35 ans. Cette initiative inédite permettra de donner la parole à ceux qui sont les premiers concernés par les décisions de long-terme prises aujourd’hui.

MONTPELLIER

REPRISE de l’agora du savoir :                                                                         La promesse faite par le maire de Montpellier lors de notre colloque du 29 Septembre est tenue. L’agora du savoir a repris ses rendez-vous salle Rabelais ; Le premier rendez-vous était consacré à l’Afrique, celui du 23 Novembre à 19h sera consacré à « l’homo migrans » et conduit par Jean Paul DEMOULE, archéologue et auteur « De la sortie d’Afrique, au grand confinement » ed ; Payot 2022. Il y a deux millions d’années sortirent d’Afrique les Homo erectus. Les Homo sapiens firent de même, inventèrent l’agriculture et peuplèrent la planète. Depuis, l’Histoire a été une longue suite de conquêtes, d’exils et de brassages de populations. Nous n’avons cessé, selon lui, de cheminer et de migrer. Aujourd’hui, qu’elles soient « économiques » ou « politiques », les migrations de détresse se poursuivent, et ne sont guère différentes de celles du passé. En affirmant que nous avons toujours été des migrants, Jean-Paul Demoule en profite pour tordre le coup à quelques (mauvaises) idées reçues…L’actualité est riche sur ce terrain …

EN OCTOBRE EST PARU L’AVIS DU CODEV 2022 : impossible d’en résumer ici les 111 pages. Mais c’est un devoir citoyen de le lire, notamment l’avis de la commission CLIMAT qui rend compte de la Révision du Plan Climat Air Energie Territorial p 4 à 28.                                                                                  Dans nos prochains numéros, nous  reviendrons sur le chapitre CONTRIBUTION de la commission TERRITOIRE et celles des Commissions Santé et Innovation. Ces travaux s’appuient sur Le master PROJET qui dépend de la Faculté des Sciences Humaines et des Sciences de l’Environnement de l’Université Paul Valéry. C’est une formation récente. Mais elle s’inscrit dans le prolongement des formations universitaires exigeantes, comme celle imaginée jadis par Jean- Paul Volle et Jean-Marie Miossec. La première promotion s’interrogera – avec les membres du CODEV – sur l’avenir du territoire. Climat, habitat ou santé sont au centre des discussions. Reste à les mettre en interaction, de sorte qu’ils soient constitutifs d’un projet de territoire allant bien au-delà de nos intérêts de court terme.

Des mega-bassines dans l’hérault ?

Quand se sont déroulés les événements de sainte Soline, il semblait impensable que de tels projets voient le jour dans le sud de la France , région où l’on sait ce que partager l’eau veut dire. Que nenni ! Un récent article (La Gazette numéro 1795) nous informait que neuf projets baptisés ici « retenues hivernales » étaient à l’étude au Nord et à l’Est de Béziers, sur 120 hectares autour d’un million de m3 d’eau chacune, soit l’équivalent de 300 piscines olympiques afin de pouvoir irriguer 22 500 hectares de vignes d’ici 2030 pour un montant de 310 millions d’euros. Différence notoire, elles ne puiseraient pas d’eau dans les nappes phréatiques. Des alternatives sont proposées, notamment des petites marres dans les domaines concernés, adaptables dans le temps , ou l’usage de cépages résistants à la sécheresse.

AGENDA

–  15 novembre 2022, Paris

Innova’ter 2022 : agissons maintenant pour réussir les transitions

– 16nov : D Cormand au Dôme (MPT)15h30 conf de presse, 18h15 café débat

– 18nov, Paris : Finance verte : imposture ou impact ?

– 23nov : assises européennes sur le journalisme , Bruxelles

-24 nov : Mak’IT (muse) 2° rencontres sciences/société : transformer l’éducation pour accélérer la transition

– 25 nov : mairie de Montpellier, zéro carbone

– 30 nov : Bordeaux , world impact summit parrainé par Bertrand Picard

– 30 nov/2dec : Conservatoire du littoral ST Malo, ADAPTO2022

– 3 au 5dec: Montréal , fin COP 15 biodiversité

– 7 dec, Montpellier Energaia

– 8 dec : Journée mondiale du climat

– 13 dec 20h Gazette café : Mediterranée durable , point sur les EMR

et Au Forum des transitions : « Quelle fiscalité pour une transition juste ? »

Du 7 au 19 décembre : Conférence des Nations unies sur la biodiversité

A LIRE

François Gemenne est politologue. Il publie «L’écologie n’est pas un consensus. Dépasser l’indignation» (Fayard, nov 2022, 126 p., 16 €).

Dans « L’écologie n’est pas un consensus », le politologue, membre du Giec dénonce l’autocentrisme des politiques climatiques nationales et plaide pour une écologie globale.

Pour lui l’échec des COP est un échec des écologistes, et un échec global de la société. « Je n’aime pas les discours défaitistes qui prétendent que rien ne bouge, ou que les gouvernements ne font rien. Mais le fait est : les émissions de gaz à effet de serre progressent d’un peu plus de 1 % chaque année, alors qu’elles devraient décroître depuis longtemps et, en 2035, la température terrestre aura augmenté de 1,5 °C. » La société est divisée, l’état lui-même stigmatise au lieu de défendre un nouveau contrat social. On attend trop des COP qui fonctionne au consensus. Elles ne peuvent résoudre à elles seules les questions climatiques. L’auteur soutient les actions militantes mais pas celles qui se coupent d’une grande partie de la population (on comprend le blocage d’un puit de pétrole mais de la soupe sur un tableau ?) Pour sauver la démocratie il faut savoir transformer les contraintes en bénéfices collatéraux. L’action pour le climat est une action altruiste, on agit pour les autres, elle doit être un choix. Comment faire ? « la démocratie représentative ne permet pas de prendre le virage nécéssaire et avoir recours à l’autoritarisme, si on prend des décisions contre la volonté des gens, ça ne marchera pas. »

Dossier spécial ORWELL, il nous avait prévenu….

LE POINT (à lire absolument 8,60 en kiosque)

Georges Orwell de son vrai nom Eric Blair, nous a laissé un héritage et plus que jamais son roman 1984 résonne. Sa statue érigée devant la BBC est là pour nous rappeler un auteur engagé qui prône la résistance de l’individu face au totalitarisme. IL a passé sa vie à tenter de révéler les mécanismes de domination qui reposent sur le mensonge et la subversion du langage. Une lecture bienvenue au moment où le mensonge menace le monde, où la vérité perd son sens et que les faits deviennent « alternatifs ».

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