L’anthropocéne , à l’Agora des savoirs (Montpellier)

l’Anthropocène est un concept très, très compliqué et très vaste . Avec certitude , il introduit la rupture d’avec une période de grande stabilité que l’on a nommé Holocène. Moins certain et sollicitant plusieurs interprétations, quelle est la cause de ce basculement ?

Certes ce basculement est lié à l’action humaine. D’où « l’Anthropos » , ce préfixe est venu à l’esprit de Paul Crutzen alors qu’il essayait désespérement , durant la réunion du Programme International géosphère-biosphère à Mexico en 2000 , de trouver un mot qui exprimerait son irritation croissante face à la sempiternelle évocation « du changement global dans l’Holocène » au cours de la Révolution industrielle.Le prix Nobel propose de faire débuter ce nouvel âge en 1784. date du brevet de James Watt sur la machine à vapeur, symbole du commencement de la révolution industrielle et de la « carbonification » de notre atmosphère. Car pour des chimistes de l’atmosphère comme Paul Crutzen ou pour des climatologues comme l’Australien Will Steffen et le Français Claude Lorius, c’est dans l’air que se trouve l’arme du crime qui a mis fin à l’Holocène . Mais en lien avec quoi ? la démographie, le capitalisme, la géo politique, avec….??? Là l’Anthropocéne n’est plus seulement un fait de science Il devient politique. Quand commence l’Anthropocène ? à l’apparition de l’homme, ou en 1950 avec ses mille milliards de tonnes de dioxyde de carbone supplémentaires envoyées dans l’atmosphère? Dorénavant le devenir de la Terre et de l’ensemble de ses êtres est en jeu. Et ce devenir incertain, truffé d’effets de seuil, ne ressemble guère à l’avenir radieux promis par les idéologies progressistes des deux siècles passés, qu’elles soient libérales, social-démocrates ou marxistes.

l’Anthropocène est politique en ce qu’il implique d’arbitrer entre différents intérêts, entre divers forçages humains antagonistes sur la planète, entre les empreintes causées par différents groupes humains (classes, nations), par différents choix techniques et industriels, ou entre différents modes de vie et de consommation. Il importe alors d’investir politiquement l’Anthropocène pour surmonter les contradictions et les limites d’un modèle de modernité qui s’est globalisé depuis deux siècles, et explorer les voies d’une descente rapide . Selon le philosophe Bruno Latour. « l’Anthropocène est le concept philosophique, religieux, anthropologique et politique le plus décisif jamais produit comme alternative aux idées de modernité ». Prolongeant l’écologie systémique qui avait, il y a quarante ans, inscrit les activités humaines dans une analyse du fonctionnement des écosystèmes et de la biosphère, l’idée d’Anthropocène annule la coupure entre nature et culture, entre histoire humaine et histoire de la vie et de la Terre. (cf l’évenement Anthropocène, La Terre, l’histoire et nous de Christophe Bonneuil et Jean Baptiste Fressoz, ed. du Seuil)

Encore fallait-il le démontrer. En publiant l’Atlas de l’Anthropocène ( ed sciencesPO, Les Presses) François GEMENNE et Aleksandar RANKOVIC ont tenté de relier entre elles les crises qu’habituellement on traitait séparément : climat, biodiversité, couche d’ozone. Toutes ces crises sont profondément liées les unes aux autres, elles s’influencent mutuellement , s’interpénètrent, et surtout relèvent d’une seule et même transformation. C’est essentiellement à la perception de cette imbrication et de sa dimension profondément politique que notre avenir citoyen devra faire ses choix collectifs pour répondre aux défis. « L’Anthropocène fait ressortir notre immense responsabilité, mais crée aussi l’opportunité de redéfinir notre rapport à la Terre? IL faut nous y confronter à présent et apprendre à agir dans ces temps nouveaux ».

D Martin-Ferrari

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