L’ensemencement des nuages

Les inondations terribles dont a été victime la ville de Dubaï ont relancé la polémique concernant l’ensemencement des nuages . 127 mm de pluie sont tombés en 24 heures, soit l’équivalent de plus d’un an et demi de pluie, et localement deux ans de pluie pour d’autres villes (plus de 250 mm).

Une théorie explique qu’En regardant les images satellites, on peut voir que plusieurs orages à la suite ont traversé les Émirats arabes unis. Ces cellules ultra-violentes ont puisé leur énergie dans les eaux anormalement chaudes du golfe persique. La veille, l’Algérie avait d’ailleurs aussi été concernée par des pluies exceptionnelles liées à la même situation météo avec, là aussi, aussi l’équivalent d’un an de pluie tombé à Ghardaia et Ouargla.

Une autre théorie retient la possibilité des conséquences de l’ensemencement des nuages. Ces précipitations diluviennes seraient-elles  liées à un ensemencement des nuages qui aurait dégénéré ? 

L’ hydrologue Hemma AZIZA répond  à ces questions dans sa chronique quotidienne  au micro de France inter: https://www.youtube.com/watch?v=xkI5L8-YXig de 1 29 à 3 57

Aujourd’hui, ; après études scientifiques il semblerait que ces inondations sont dues uniquement aux orages , mais l’accident a permis de réinterroger une pratique contestée de longue date.

Les Etats Unis connaissent le réensemencement depuis 1946 alors qu’un grave épisode de sécheresse menaçait New york . Cette technologie fut ensuite utiliser pour disperser les brouillards, diminuer la grosseur des grélons ou augmenter la pluie . ON agit sur les nuages en ajoutant des aérosols ou des petites particules de glace . Le phénomène se produit naturellement quand soufflent les vents du désert et que le sable rejoint les nuages. En 2004 l’OMM (organisation météorologique mondiale) recensait 100 projets de cet ordre dans le monde surtout dans les régions arides ou semi arides Le plus grand projet actuel est mené en Chine. La technique est aussi pratiquée en Australie depuis plus de 50 ans, dans le sud de l’Italie (Sicile et Sardaigne), au Brésil et au Canada (Alberta) pour faire crever des nuages avant que la grêle ne tombe.

L’ensemencement des nuages ne peut être une solution miracle aux problèmes de sécheresse car cette technique ne crée pas des nuages mais améliore le rendement en précipitation.

Pour des pays où la majeure partie de la population boit l’eau de pluie, les risques de contamination à l’iodure d’argent deviennent préoccupants. Un ensemencement de nuages régulier, année après année se traduira par un effet cumulatif de l’iodure d’argent dans les écosystèmes. L’iodure d’argent est très toxique pour les espèces aquatiques surtout les plus petites dont il bloque le stade de reproduction. 

Dubaï : inondations mortelles et désinformation massive (Bon Pote)

Thomas Wagner

Dubai Bloomberg

©Crédit Photographie : Bloomberg / Dubaï

Les 14 et 15 avril 2024, des régions entières de la péninsule arabique ont été touchées par des précipitations extrêmes. Il est tombé plus de 14cm de pluie à Dubaï en 24h, l’équivalent d’une année et demie de précipitations ; ce qui constitue la plus forte chute de pluie dans les Emirats arabes unis depuis le début des relevés en 1949.

D’après le World Weather Attribution, ces pluies ont provoqué la mort d’au moins 19 personnes à Oman, dont dix enfants morts lorsqu’un bus scolaire a été emporté par les eaux. Aux Émirats arabes unis, quatre personnes sont mortes dans des voitures emportées par les eaux. Dans ces deux pays, les précipitations ont causé d’énormes dégâts aux bâtiments et aux voitures, des pannes d’électricité et des inondations.

Plus de 1 000 vols ont été annulés et retardés de plusieurs jours après l’inondation de la piste d’atterrissage de l’aéroport de Dubaï, l’aéroport international le plus fréquenté au monde.

Le rapport scientifique est intéressant à plus d’un titre. Cet article va non seulement parler du rapport du World Weather Attribution (WWA), mais aussi et surtout de la désinformation terrible qui a suivi cet évènement, avec des milliers de trolls (et quelques “experts médiatiques”) qui ont profité de l’occasion pour parler d’ensemencement des nuages, qui aurait été la cause principale de ces précipitations.

Que dit le rapport du World Weather Attribution sur les inondations à Dubaï ?

Depuis 2014, une initiative menée par une collaboration paneuropéenne de scientifiques spécialistes de l’attribution, le World Weather Attribution (WWA), a réalisé un certain nombre d’études d’attribution rapides. Pourquoi “rapides” ? Avant, cela prenait des mois, voire des années pour avoir une étude d’attribution. Il fallait aussi que les études soient revues par les pairs.

Ici, une étude rapide du WWA nous dit que les fortes précipitations des années El Niño, comme celles qui ont frappé les Émirats arabes unis et Oman la semaine dernière, sont devenues de 10 à 40 % plus importantes.

Figure 2 : Pluies sur 24 heures le 15 avril 2014 dans le MSWEP (Multi-Source Weighted-Ensemble Precipitation). La boîte rouge indique la région étudiée.

Les observations indiquent également qu’El Niño joue un rôle important dans la probabilité d’épisodes de fortes pluies dans cette partie du monde. Pour tout savoir sur El Niño, lisez cet article synthétique.

Rappelons également ce que nous dit le 6e rapport du GIEC :

Le changement climatique d’origine humaine affecte déjà de nombreux phénomènes météorologiques et climatiques extrêmes dans toutes les régions du monde. Les preuves des changements observés dans les phénomènes extrêmes tels que les vagues de chaleur, les fortes précipitations, les sécheresses et les cyclones tropicaux, et, en particulier, leur attribution à l’influence humaine, se sont renforcées depuis le cinquième rapport d’évaluation.

La part d’incertitude

Bien que les chercheurs n’aient pas pu déterminer avec précision la part de l’augmentation due au changement climatique causé par l’homme, ils estiment que le réchauffement, causé par la combustion de fossiles, est l’explication la plus probable de l’augmentation des précipitations.

Le titre de cet article aurait par ailleurs pu être “les inondations mortelles auraient été favorisées par le changement climatique d’origine humaine”. Un titre avec une certitude plus nette aurait été plus vendeur, comme le propose par ailleurs le communiqué de presse du WWA. Mais cela n’aurait pas été factuel et n’aurait pas été en ligne avec ce que dit leur étude.

Selon le WWA, le changement climatique anthropique reste tout de même l’explication la plus probable, et pour plusieurs raisons :

  • Une atmosphère plus chaude peut contenir plus d’humidité, la relation Clausius-Clapeyronindique qu’à 1,2°C de réchauffement global, l’atmosphère peut contenir environ 8,4 % d’humidité en plus.
  • La modification des schémas de circulation induite par le réchauffement climatique peut augmenter l’intensité des précipitations dans certaines régions.
  • Enfin, il n’y a pas d’autres explications pour expliquer l’augmentation des précipitations dans la région.

Il faudra donc d’autres études d’attribution pour affiner ici les résultats. A noter qu’il est plutôt rare que le World Weather Attribution soit si prudent dans les termes employés. Vous pouvez lire d’autres études intéressantes où le signal était beaucoup plus clair.

Ensemencement des nuages et désinformation

Dès que les inondations ont eu lieu à Dubaï, des milliers de comptes ont tout de suite déclaré que cela n’avait rien à voir avec le changement climatique mais plutôt du “cloud seeding”, l’ensemencement des nuages.

Il existe en effet un programme d’ensemencement des nuages dans les Émirats arabes unis qui vise à améliorer les précipitations provenant des nuages chauds en les ensemençant avec des particules suffisamment grandes pour activer le processus de collision-coalescence (Bruintjes et al, 2012), ainsi qu’en utilisant des charges électriques pour tenter d’améliorer ce processus.

Dans ce cas précis, le Centre national de météorologie des Émirats arabes unis, qui supervise les opérations du pays, a indiqué qu’aucune mission d’ensemencement des nuages n’avait été effectuée pour lutter contre la tempête. Et compte tenu de la taille massive du système orageux, nous aurions eu des précipitations extrêmes indépendamment de l’influence éventuelle de l’ensemencement des nuages.

La conclusion du WWA est très claire :

Enfin, l’ensemencement des nuages n’a pas été mis en œuvre dans le cadre de cet événement et, en outre, même en cas de mise en œuvre, il n’a aucune influence sur la quantité d’humidité atmosphérique disponible, qui a été la principale variable anormale précédant l’épisode de précipitations. Nous pouvons donc conclure que l’ensemencement des nuages n’a pas eu d’influence significative sur l’événement.

Trolls et experts médiatiques

Même si certains scientifiques ont tout de suite communiqué et écarté l’hypothèse de l’ensemencement des nuages, des milliers de trolls (en anglais principalement) ont insisté pour dire que cela n’avait rien à voir avec le changement climatique, que c’était Dubaï, qu’ils étaient coutumiers du fait, etc.

L’information a même été suggérée par Bloomberg, donnant du crédit à la théorie puisque leur article était opposé à quiconque évoquait le changement climatique d’origine humaine.

Le sujet a même été évoqué publiquement par des experts médiatiques et autres “experts” sur Linkedin et Instagram, qui ont propagé leur désinformation avec parfois un ton complotiste “bizarre, la presse française n’en parle pas”. Et bien heureusement qu’elle n’en parle pas, et si elle en parle, qu’elle précise que ce n’est pas la cause de ces précipitations extrêmes !

Le plus inquiétant est en revanche la vitesse et la force avec laquelle s’est propagée la désinformation. Nous ne sommes qu’au début de l’ère de la désinformation de masse sur le climat, comme l’évoque le chercheur David Chavalarias :

La ville de Dubaï n’est pas prête au changement climatique

Le rapport du WWA permet de comprendre les facteurs de risque et d’impact des inondations d’avril 2024 dans les Émirats arabes unis et à Oman, en donnant des clefs de lecture sur les facteurs de vulnérabilité, d’exposition et de capacité d’adaptation en jeu lors de ces précipitations extrêmes.

En effet, la planification urbaine dans les Émirats arabes unis et à Oman se trouve à un moment critique, jouant un rôle décisif dans l’exacerbation ou l’atténuation des risques d’inondation dans le contexte d’une urbanisation rapide et du changement climatique.

Inégalités face au changement climatique, y compris dans une même ville

Aux Émirats arabes unis, notamment dans des villes comme Dubaï et Abu Dhabi, le rythme du développement côtier s’est accéléré sur des terres situées à quelques mètres seulement au-dessus du niveau de la mer, rendant plus de 85 % de la population et 90 % des infrastructures vulnérables à la montée du niveau de la mer et aux phénomènes météorologiques extrêmes.

La prolifération de surfaces imperméables en béton et l’insuffisance des infrastructures de drainage amplifient les inondations en cas de fortes pluies, une vulnérabilité aggravée par la concentration de grands bâtiments dans les zones urbaines.

Rappelons enfin que les personnes âgées, les personnes handicapées, les femmes qui s’occupent d’enfants, les minorités raciales et ethniques, les travailleurs migrants et les personnes à faible revenu sont particulièrement vulnérables face aux risques d’inondation et que les pertes matérielles et humaines sont probablement sous-estimées.

Cela pourrait-il servir d’avertissement aux Émirats arabes unis afin qu’ils réduisent leur production et exportation de pétrole ? Compte tenu de la présidence de la COP28 et de ses déclarations, il est permis d’en douter.

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