L’arctique: terre de compétition, enjeu de civilisation. Audition au Sénat 13/01/2021

Mercredi 13 Janvier 2021, une audition au Sénat nous a permis de faire le point sur un sujet délicat, celui de l’Arctique par Dominique Martin Ferrari

Parmi les « auditionnés » notre nouvel ambassadeur des pôles, O Poivre d’Arvor l’expert  M Mered et la glaciologue H Sevestre. Ils ont d’un commun accord regretté nos dix années d’absence à toutes les instances officielles de cette région du globe puisque Ségolène Royal nommée après la mort de Michel Rocard n’a jamais considéré cette tâche avec sérieux.

Or comme nous l’a répété la glaciologue Heidi Sevestre  « 2021 va être une

année cruciale car le pôle se réchauffe plus vite que le reste du monde. La chaleur augment de 6 à 7 fois plus vite que sur le reste de la planète. La banquise pourrait complétement disparaître d’ici 2030 et les observations actuelles offrent des conséquences plus graves que les pires scenarii du GIEC»

La cryosphère est en plein bouleversement, la banquise a du mal à se reconstituer en hiver du fait de l’acidification de l’océan. Cette fonte aura des conséquences sur la montée des mers en France . Le Havre, la Rochelle, Bordeaux sont concernés. Les feux de permafrost qui émergent en été continuent de brûler souterrainement, sur 100 m de profondeur,  pendant l’hiver. Très sensibles aux flashes de température le permafrost peut dégeler en quelques heures. Les feux géants de l’arctique russe dégagent autant de CO2 en une semaine que l’Espagne en un an, et libèrent des virus depuis longtemps emprisonnés. On a suivi avec inquiétude ce relâchement de l’Anthrax dans un village de Sibérie.

Au dérèglement climatique s’ajoute un dérèglement géopolitique encore mal perçu comme une évidence, alors qu’il y a quelques années déjà Michel Rocard prédisait « l’arctique sera notre 2° moyen Orient ». Pour l’instant c’est encore autour d’une table que se gèrent les conflits même si déjà l’OTAN a conduit un déploiement d’activités marines et aériennes dans la région

L’Arctique enjeu de civilisation

La France ne dispose pas de terres frontalières, ni de statut international comme dans l’Antarctique. Mais elle défend la liberté de circulation et d’exploitation. Alors que nous étions absents à la table, la Russie a déjà annoncé ses priorités et développé ses bases.

Selon le nouvel ambassadeur Olivier Poivre d’Arvor, la France 2° puissance maritime mondiale , membre du Conseil de Sécurité , négociatrice de la Convention sur le droit de la Haute mer se doit de participer aux réunions , aux groupes de travail comme observateur « Sans faire de catastrophisme , la zone boréale pourrait devenir un lieu de confrontation. L’enjeu consiste entre défendre des intérêts nationaux et veiller au respect des biens communs. La liberté de circulation en est un »  

L’arctique est un enjeu de civilisation,  car dans 20 ans il sera peut être une très grosse zone de marché.  Notre force tient à la qualité des notre recherche scientifique et à nos grandes figures exploratrices. Rappelons qu’en 1609 c’est un français qui découvrait le passage du Nord Est. « En 2022 nous aurons la présidence de l’UE. Le moment d’organiser une grosse réunion à Bruxelles pour réhabiliter l’UE dans le débat et positionner la France dans les opportunités commerciales qui s’ouvrent, la mise en œuvre de gestion d’éventuelles pollutions marines ; le moment aussi d’ouvrir une aide au populations autochtones et bien sûr mettre en œuvre le plan climatique et les accords de Paris. L’enjeu climatique et politique doivent être traités ensemble diplomatiquement. En 2021 nous aurons déjà à débattre des aires marines protégées et il est important que l’UE s’engage sur la question de la pêche. » Les scientifiques savent que dès à présent le problème est important en ce qui concerne les homards et les morues.

L’arctique terre de compétition

En tant qu’expert Mikaa Mered  nous a rappelé que si l’arctique était un territoire de compétition, il était aussi territoire de coopération « 80% du gaz russe en est extrait » et ce sont les jeunes d’aujourd’hui qui verront cette terre sans glace  « Ils auront une autre vision du monde, un monde vertical,  et dèjà  la Chine regarde la carte du monde autrement que nous »

Plusieurs routes vont s’organiser : une bleue et une centrale. De l’Arctique au Pacifique et de l’Arctique à l’atlantique. Côté Russe, on pense militaire avec 14 bases, côté Canada, exploitation. Obligatoirement ces nouvelles routes amèneront la création de ports de transbordement. « En France il n’existe pas de consensus pour ne pas exploiter l’arctique. Déjà les pétroliers sont en place »

Par ces questions le sénateur R. Dantec rappelait les grands enjeux : comment sauvegarder la biodiversité menacée par les grands incendies ? Ne pourrions nous prêter main forte ? Le Groenland : va t il quitter l’UE pour rejoindre les USA ? Comment le garder ? Trouverons nous un moyen pour réduire l’exploitation pétrolière, véritable schizophrénie climatique avec cette abondance d’énergie fossile ?.

En ce qui concerne le Groenland selon O Poivre d’Arvor ce sera l’affaire du Danemark quand il assurera en 2023 la présidence de l’UE et selon M Mered le Svalbard reste une vraie protection de neutralité. Quant à la Russie même si elle tente de connaître les limites de ses partenaires circumpolaires, elle restera plus proche d’eux que de la Chine. Rappelant également que tout n’était pas perdu pour le climat, la Norvège par exemple, profite des fonds liés aux exploitations fossiles pour travailler au développement de l’hydrogène.

En conclusion il fût rappeler que la question de l’Arctique est une question qui engage les 20 prochaines années, que la France doit retrouver sa place dans les discussions  et que la gouvernance mondiale doit s’organiser face à la montée des mers qui adviendra quoique l’on fasse.

Dominique Martin Ferrari En savoir plus :« Les mondes polaires, » de Mikaa Mered,  ed PUF

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