La diplomatie française et les limites d’un exercice solitaire

Sous la présidence Macron, la personnalisation classique de la politique étrangère ne s’est pas accompagnée d’une pédagogie efficace, instaurant une défiance entre le pouvoir et les journalistes.

Par Piotr Smolar Publié hier à 18h00, mis à jour à 05h23 

Emmanuel Macron, lors d’une conférence de presse après une réunion du G5 Sahel, à l’Elysée, le 9 juillet 2021.
Emmanuel Macron, lors d’une conférence de presse après une réunion du G5 Sahel, à l’Elysée, le 9 juillet 2021. JEAN-CLAUDE COUTAUSSE POUR « LE MONDE »

« Quelle est votre définition du leadership ? » Fin septembre 2020, la rencontre entre Emmanuel Macron et des étudiants lituaniens touchait à sa fin, à l’université de Vilnius, lorsqu’une jeune femme interrogea ainsi le président français. Ce dernier vanta d’abord la prise de risque. « C’est proposer des idées nouvelles, c’est savoir dire la vérité, c’est parfois avancer pour pousser, bousculer. (…) Il faut accepter, au moment de la prise de risque, d’être parfois seul, pour briser la glace, mais il faut ensuite rassembler à soi les autres et les amener à cette position. » La politique étrangère conçue comme une entreprise personnelle de transgression-séduction. Mais l’intendance suit-elle ?

Dans le bilan international d’Emmanuel Macron, une interrogation porte sur le faire-savoir, plus que le savoir-faire. Le dialogue stratégique engagé en août 2019 avec la Russie, sans concertation avec les Européens, en était une illustration. Il ne s’agit pas d’évoquer ici la pertinence des orientations ou la connaissance évidente des dossiers, mais la force d’entraînement, auprès des autres dirigeants et dans l’opinion.Article réservé à nos abonnés Lire aussi La campagne russe d’Emmanuel Macron : retour sur le pari diplomatique le plus incertain du quinquennat

Lorsqu’on se sent incompris, ce n’est pas nécessairement la faute de l’auditoire ou des réseaux sociaux mal intentionnés. La communication est un métier de haute précision, de réactivité et d’interactions avec les journalistes, que l’aisance oratoire d’un homme, fût-il président et friand de citations littéraires, ne peut combler.

Or, l’Elysée et le Quai d’Orsay, de manière différente, n’intègrent pas la communication dans la politique : ils la voient comme un emballage ou un tuyau.

Enjeu démocratique

Ni maison de verre ni bunker, l’Etat a besoin parfois d’évoluer dans le secret, la zone grise. Mais songeons à ce paradoxe : un président si jeune, qui souhaitait à l’origine la compagnie de journalistes familiers des affaires internationales dans ses déplacements, et qui préfère finalement les tenir à distance. Il existe pourtant un enjeu démocratique évident dans la façon dont un Etat comme la France, qui ne se départit jamais d’une ambition universaliste, fait la pédagogie de ses orientations en politique étrangère.

On devine déjà les arguments de l’Elysée. Le président prend régulièrement la parole lors de déplacements hors des frontières ou de conférences de presse (au Liban, fin septembre 2020, ou bien le 10 juin avant les sommets du G7 et de l’OTAN). Il accorde aussi des entretiens de temps à autre, souvent à la presse anglo-saxonne, comme celui sur la« mort cérébrale » de l’Alliance atlantique (The Economist), en octobre 2019.

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