La hausse des températures de l’eau en Méditerranée est-elle annonciatrice de tempêtes à l’automne ?

Par Jeanne DURIEUX La mer Méditerranée affiche des températures bien supérieures à la normale, en cet été 2022. Cette vague de chaleur marine pourrait conduire à une multiplication des tempêtes sur la grande bleue, à l’automne. Explications avec Jean-Michel Soubeyroux, climatologue à Météo France.

La mer Méditerranée est en surchauffe. En témoignent les températures anormalement élevées de l’eau cet été, qui sont supérieures aux normales de saison : « Un pic à 30,7 °C » a ainsi été enregistré fin juillet au large de la Corse, selon l’observatoire Keraunos. Et les conséquences induites par cette canicule marine pourraient aggraver les risques de tempêtes à l’automne. Explications avec Jean-Michel Soubeyroux, climatologue à Météo France.

Un été sec, chaud et sans vent

La hausse des températures est liée à deux facteurs essentiels : la chaleur exceptionnelle de cet été, et l’absence de vent. « Si la Méditerranée est aussi chaude », explique le scientifique, « c’est aussi parce qu’il y a très peu de brassage de l’eau depuis la fin du printemps ». Car habituellement, le mistral refroidit les eaux en les brassant.Dans le cas de la Méditerranée, qui est « une mer fermée, de petite dimension », les températures de l’eau montent rapidement en l’absence de vent.

Quelles pourraient être les conséquences de cette canicule marine ? « Il y en a plusieurs, détaille Jean-Michel Soubeyroux. C’est déjà la biodiversité marine qui souffre de cette situation extraordinaire ». Face à ces fortes chaleurs, « les algues et les animaux qui vivent normalement en milieu tropical peuvent, en outre, gagner la Méditerranée, et créer ainsi une situation de compétition entre les espèces. La faune et la flore marine [locales, NdlR] s’en trouveraient menacées ».

Un facteur aggravant dans l’apparition de tempêtes méditerranéennes

Au-delà des impacts sur la biodiversité, cette hausse des températures pourrait également aggraver le risque de tempêtes à l’automne. « Les évènements orageux sont provoqués par des éléments dynamiques de circulation atmosphérique », explique Jean-Michel Soubeyroux. La canicule marine méditerranéenne permet le maintien de masses d’air chaudes au-dessus de la mer. Or, « plus une masse d’air est chaude, plus elle peut contenir de vapeur d’eau ».

L’air très chaud et très humide rencontre des dépressions avec de l’air froid, qui arrivent notamment d’Espagne au cours de l’automne. Cela favorise l’instabilité climatique, et donc la formation de nuages, de pluies violentes ou encore d’orages.

« Il faut bien comprendre que la température plus élevée de la Méditerranée ne justifie pas un risque fort de tempêtes à elle seule, précise Jean-Michel Soubeyroux. À l’automne, la situation climatique entraîne, à la base, des dépressions et des pluies plus importantes : la température de la Méditerranée peut jouer un facteur aggravant dans la fréquence et la violence de ces épisodes. »

Dans certains cas, ces épisodes climatiques peuvent provoquer la formation de Médicanes, phénomènes dont le nom vient de la contraction des termes de langue anglaise Mediterranean et Hurricane, pour « Méditerranée » et « ouragan » en français. Ces systèmes dépressionnaires revêtent une apparence assez similaire aux ouragans tropicaux dans leur comportement.

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Tout peut encore changer d’ici l’automne

« Pour qu’il y ait des Médicanes, il faut surtout qu’il y ait des dépressions d’altitude », explique le climatologue. « Effectivement, si ces dépressions en question venaient surplomber une mer plus chaude, les épisodes climatiques violents pourraient s’en trouver renforcés. » Cependant, la dynamique d’altitude reste l’agent essentiel dans la formation de ces phénomènes. « La température de l’eau est un facteur certes aggravant, mais certainement pas le responsable majeur de l’évènement. »

Ces phénomènes seront-ils de plus en plus fréquents ? « Le Giec [Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat] affirme que chaque fois qu’on gagne un degré sur le mercure du thermomètre, les précipitations extrêmes augmentent de 7 %, prévient Jean-Michel Soubeyroux. Il est certain qu’avec la hausse des températures et le réchauffement de la planète, les épisodes climatiques extrêmes sont voués à se répéter. »

Toutefois, le scientifique reste prudent : « Si la circulation atmosphérique favorisait l’apparition de mistral, la température de l’eau baisserait assez rapidement. » En clair, beaucoup de choses peuvent encore changer d’ici l’arrivée de l’automne.

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