« Le problème n’est pas la présence, mais le nombre ! » Arrivés à la nage, les sangliers envahissent les îles du Var


Les sangliers envahissent aussi les îles ! Les habitants et touristes de celle du Levant, près d'Hyères en font le triste constat.
Les sangliers envahissent aussi les îles ! Les habitants et touristes de celle du Levant, près d’Hyères en font le triste constat. • © Frédéric Capoulade – iledulevanthodie.fr

Écrit parHélène France et Anne Le HarsPublié le10/08/2025 à 06h05Provence-Alpes-Côte d’Azur

La baignade en mer n’est pas réservée aux seuls nageurs. Les sangliers sont aussi bons à la brasse et ainsi, envahissent aussi les îles à la nage ! Les habitants et touristes de celle du Levant, près d’Hyères, n’osent plus sortir la nuit de peur d’une méchante rencontre. Cette invasion est dénoncée sans que pour autant les mesures soient prises par les autorités.L’actu des régionsChaque jour, un tour d’horizon des principales infos de toutes les régions.votre adresse e-mails’inscrireFrance Télévisions utilise votre adresse e-mail afin de vous envoyer la newsletter « L’actu des régions ». Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité

François est un habitué de l’île du Levant où il passe ses vacances depuis des années. Il a vu les conditions de l’île se dégrader au fil du temps. 

« J’ai une amie qui ne sort plus le soir par peur de se retrouver face à face avec des sangliers qui sont encore plus agressifs s’il y a des marcassins….et un de ses voisins ne répare plus ses clôtures à force de les voir labourées et détruites chaque matin suivant ! »  

Même son de cloche du côté de Frédéric Capoulade l’adjoint spécial de la fraction de commune d’Hyères qui représente le maire.  Il vit sur l’île depuis une vingtaine d’années avec son épouse et constate plusieurs changements.

« Il y a moins de champignons, moins de guêpes et moins de cigales, car îles sangliers adorent creuser le sol pour y trouver des larves. Le cycle de reproduction des cigales est très long. Les larves de cigales sont dans 80 cm sous terre pendant 5 ou 6 ans et lorsqu’elles commencent à remonter, les sangliers les sentent. Ils vont là où elles sont, aux pieds des murs de restanques et ils fouillent le sol pour les dénicher et les manger. »A terre, le sanglier est une véritable bête de course, capable de parcourir plus de 30 km en une nuit. mais il nage aussi très bien et est extrêmement résistant à l’hypothermie grâce a son potentiel graisseux. • © Frédéric Capoulade – .iledulevanthodie.fr

L’opportunisme du sanglier n’est pas une légende

L’espèce le démontre depuis des décennies sur l’ensemble de l’hexagone où son aire de répartition n’a cessé de croître. Toujours plus haut, toujours plus loin, jusque dans des lieux improbables et des régions où il n’avait jamais pointé son groin. Et tant pis si pour cela, dans le Var, il a fallu se jeter à l’eau ! 

Une rapide histoire 

Ce sont des moines qui sont les premiers occupants connus de l’ile au Vᵉ puis au XIIe siècle.  Après maintes péripéties historiques, en 1931, le naturisme, concept novateur et un peu rustique, est instauré sur le domaine civil du Levant, volontairement à l’écart de toute emprise extérieure. Héliopolis vient de naître et procurera une renommée mondiale au lieu. 

En décembre 1993 est créée la réserve naturelle volontaire du domaine des Arbousiers : 19,28 ha en accès libre, mitoyen du domaine naturiste d’Héliopolis. 

Enfin, entre 1951 et 1960, l’armée installe le Centre d’essais d’engins spéciaux nommé le Centre d’Essais de lancement de Missiles. D’abord géré par la Marine, c’est la Direction Générale de l’Armement qui est désormais gestionnaire du site, ce qui s’accompagne de mesures de restrictions pour les civils, c’est-à-dire, l’interdiction totale d’accès aux terrains militaires et aux plages qui s’y trouvent. Idem pour l’accès au périmètre maritime et aérien. 

Exceptionnelle et sauvage grâce à sa faible fréquentation touristique du fait de son statut militaire pour sa plus grande partie, l’île est désormais devenue, au-delà de son image de petit paradis, le terrain de jeu de hordes de sangliers.

Un contexte de forte expansion européenne et régionale 

Les populations de sangliers sont en constante augmentation à travers toute l’Europe. Leur augmentation dans les années 60 et 70 a été suivie d’une période de stabilisation dans les années 80 mais, leur nombre s’accroît à nouveau et dans des proportions spectaculaires depuis les années 90. 

En France, on décompte un peu plus de 800 000 individus abattus en 2021, contre 35 000 environ au début des années 1970, c’est-à-dire, 20 fois plus.

À partir de là, on estimait en 2022 que la population de sangliers pourrait compter aujourd’hui plus d’1 million d’individus ! 
Si autrefois le sanglier était surtout présent dans les forêts, on le retrouve aujourd’hui dans tous les milieux : en bord de mer, en plaine, en montagne jusqu’à 3 500 mètres d’altitude, dans les villes (en période de sécheresse, où il profite des parcs et jardins arrosés), au bord des routes ou il est responsable de près de 30 000 collisions routières chaque année.  
L’animal, omnivore, possède une très grande capacité d’adaptation. Il est farouche et dangereux. Dans la mythologie grecque, combattre un sanglier était d’ailleurs l’un des 12 travaux d’Hercule ! 

Si leur potentiel de reproduction et l’activité humaine sont pointés du doigt, concernant le Levant par exemple, il est évident que pour arriver sur cette île, les sangliers ont dû nager.

Ils sont très à l’aise dans l’eau, nagent excellemment vite et bien. Les zones humides sont des repaires qu’ils apprécient et qu’ils recherchent. 

Une présence qui pose problème

En mars 2008, un article de nos confrères du Parisien faisait état de traces d’un sanglier découvertes avec stupéfaction par les habitants de Port-Cros qui avaient d’abord cru à un canular. Une arrivée qui s’est faite à la nage !  
Dans un contexte de fort accroissement des densités de populations dans le sud de la France depuis 2015, c’est désormais une réalité : le sanglier Sus scrofa a colonisé avec succès, en l’absence de chasse, ces trésors naturels que sont les îles d’Hyères, Port-Cros (à 8,2 km de distance du continent) Porquerolles (à 2,3 km) et le Levant.

Et cette colonisation fait suite à des observations isolées d’individus traversant ces bras de mer à la nage depuis le milieu des années 1970. 
Depuis, les densités n’ont cessé d’augmenter. L’espèce y est installée et prospère au point qu’un plan de régulation mettant en œuvre différents modes de prélèvements a permis de prélever 200 bêtes entre 2017 et 2019. 

Mais sa présence exponentielle continue de poser nombre de problèmes

« Les terrasses et les jardins sont détruits, explique Frédéric Capoulade, et beaucoup d’habitants sont obligés de poser des clôtures anti-sangliers avec de profonds ferraillages en béton dans le sol. Moi, j’ai tenté des clôtures électriques, mais cela tient juste quelques mois et encore. Après ça ne marche plus, ils ont la peau dure ».

Quelles solutions ? 

« Il y a des opérations ponctuelles de louvetiers. Du côté de la base militaire qui correspond à 95 % de l’île du Levant, plus de 200 bêtes ont été tuées.  C’est plus difficile côté des civils, car il y a beaucoup de petites maisons, mais malgré tout, une douzaine de bêtes ont été tuées cet hiver.  
On a aussi sur place un chasseur agréé par autorisation préfectorale et il en élimine à l’aide de grosses cages dans lesquelles sont placées des graines pour faire un piège. Mais une laie, c’est deux portées par an et jusqu’à huit petits par portée ! », précise Frédéric. 
Les habitants du Levant demandent une opération commune ; civils et militaires réunis. 

Les sangliers circulent entre Port-Cros et le Levant à la nage… Je sais que dans certaines régions les femelles sont stérilisées, mais pour éradiquer ces animaux, il faut vraiment une opération conjointe parce que les sangliers passent allègrement d’une partie à l’autre en creusant sous les grillages militaires.Frédéric Capoulade.

Sophie-Dorothée Duron est la directrice du Parc National de Port-Cros. Le Parc National couvre de La Garde à Ramatuelle et toutes les îles d’or.  

Le but est de réduire leur présence au maximum en utilisant les techniques les moins impactantes pour la diversité dont je suis garante.Sophie-Dorothée Duron, directrice du Parc National de Port-Cros.

Il y a 1 an, le Conseil Scientifique du Parc a estimé qu’il y avait autour d’une centaine de bêtes. C’est une espèce qui mange tout y compris les oiseaux, leurs nids et les œufs et donc on travaille sur deux techniques pour juguler le plus possible cette invasion :  les battues et les cages avec des pièges photos qui nous préviennent dès qu’une bête ou plusieurs sont à l’intérieur.  Entre les deux techniques, une soixantaine de sangliers ont été tués sur la centaine estimée. 

Et la Directrice du Parc National de Port-Cros de conclure : « Le problème n’est pas la présence des sangliers, c’est le nombre !  Je dois réguler cette cohérence, la compatibilité entre la biodiversité et les gens et on travaille donc sur cet équilibre, sur ce qui est acceptable ». 

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