L’océan va mal, la surpêche se poursuit et Claire Nouvion se bat avec bLOOM .
Parfois la lutte incessante conduit à la fatigue et même à l’extrémisme . Il suffit de le reconnaitre, comme vient de la faire Claire Nouvion et merci à elle pour les questions posées, n’oublions jamais que les mots ou images mal utilisés font désormais partie d’une guerre hybride.
En tout cas les questions posées par la dénonciation du poisson dans le plat du loup ne nous conduira pas à dire du mal de la pub qui nous a fait rêver. Mais nous ne tomberons pas pour autant dans la naïveté de l’écologie positive, qui n’est que l’expression d’ une bonne ou d’une mauvaise gouvernance
Voici la lettre de Claire Nouvion
| « Chers soutiens, Notre dénonciation du conte de Noël d’Intermarché auprès du Jury de déontologie de la publicité et notre demande de retirer les plans de poisson ont suscité des interrogations sincères, des attaques provenant de nos adversaires habituels, mais aussi des raids d’une violence inouïe orchestrés par une armée de trolls d’extrême droite — et heureusement, également un soutien massif de vous, notre noyau dur indéfectible.Mais j’ai commis une erreur : je ne vous ai pas tout dit. Car cette histoire remonte à 2006, au moment où je sortais mon livre ABYSSES.C’était le coup d’envoi de notre lutte contre la destruction du milieu marin le plus fragile et merveilleux, mais aussi le plus vierge et le plus urgent à protéger : les grandes profondeurs océaniques.De 2006 à 2016, j’ai engagé ma vie entière, chaque minute, chaque geste, chaque soirée, chaque congé, pour protéger les profondeurs fragiles de l’océan. |
| Dix années de lutte, démarrée seule puis rejointe par de précieux collègues et citoyens au sein de BLOOM. Dix années de combat incessant, dont sept d’un face-à-face violent avec les industriels de la pêche : des individus sans foi ni loi.J’ai tout eu : les menaces de mort répétées, les humiliations, l’ostracisme (je ne calcule pas le nombre de fois où l’industrie m’a fait « débrancher » d’une programmation de conférence ou d’une intervention médiatique), les insultes misogynes, la diffamation, le discrédit…En 2016, contre vents et marées, ensemble nous avons gagné : nous avons arraché l’interdiction du chalutage en eaux profondes, une technique de pêche dévastatrice qui détruisait tout sur son passage : des écosystèmes multimillénaires plus vieux que les pyramides d’Égypte, des animaux exceptionnels, des éponges fragiles, des poulpes à oreilles aux membranes délicates, des requins centenaires…Nous avons réussi à préserver les écosystèmes multimillénaires de l’océan profond au-delà de 800 mètres dans toute l’Union européenne et l’Atlantique Nord-Est. C’était une victoire historique obtenue grâce à une mobilisation citoyenne hors-normes: vous aviez été près d’un million à signer notre pétition, qui avait notamment été propulsée par la génialissime Pénélope Bagieu. Contre quel acteur de la grande distribution avons-nous lutté corps et âme pendant ces longues années ?Intermarché et sa flotte de pêche, la Scapêche : la plus importante de France. |
| © Pénélope Bagieu |
| Intermarché, le principal opposant à la protection des océans profonds |
| Pour toutes celles et ceux qui ont rejoint nos combats après cette bataille épique, gardez cela à l’esprit : Intermarché a été l’opposant principal à l’interdiction de la pêche ravageant les animaux fragiles des profondeurs avec d’immenses filets tractés, des chaluts de fond.Intermarché était la principale force de blocage à la loi européenne visant la protection des grandes profondeurs de l’océan. C’est donc devenu notre principal adversaire. Intermarché nous a mené la vie dure. Mais nous ne lui avons laissé aucun répit. – Dès 2012, nous faisions retirer une publicité mensongère d’Intermarché faisant croire qu’ils étaient engagés pour une pêche « responsable » (1). – En 2015, sous une pression citoyenne massive, Intermarché prenait l’engagement d’arrêter la pêche en eaux profondes « d’ici 2025 » (2).La science demandait une interdiction totale de la pêche au chalut au-delà de 400 mètres de profondeur, au minimum, mais Intermarché a négocié : 800 mètres ou rien, sans quoi, l’enseigne continuerait à bloquer le règlement européen. Notez au passage la PUISSANCE des industriels. Pendant les négociations européennes, les politiques aux responsabilités étaient, comme trop souvent, une simple chambre d’enregistrement de la volonté des lobbies ! – En 2016, nous obtenions le règlement « pêche profonde » qui interdit le chalutage de fond au-delà de 800 mètres de profondeur dans les eaux de l’Union européenne et de tout l’Atlantique Nord-Est. – En 2022, nous obtenions la protection supplémentaire de 16 000 km2 d’écosystèmes fragiles, désormais épargnés des pêches profondes destructrices.Mais ensuite, nous avons découvert ceci. |
| Le bras d’honneur du plus fort |
| Début 2025, après plus d’une année de recherche, nous avons révélé dans une étude publiée dans la prestigieuse revue scientifique Science Advances, plus de 400 cas de fraudes massives de navires qui continuaient à pêcher allègrement dans des écosystèmes profonds extrêmement fragiles qui leur étaient pourtant interdits en vertu du règlement que nous avions gagné en 2016 (3).Et parmi ces fraudeurs, nous avons identifié — grâce à une analyse des données satellites — deux navires appartenant… à la flotte du groupe d’Intermarché : la Scapêche. Nous étions tout simplement écœurés. Parce que c’est très éprouvant d’assister à une destruction si déterminée des océans et des animaux marins. Parce que ces fraudes massives étaient un « bras d’honneur du plus fort » qui signifiait ceci : même quand nous remportons des victoires législatives au bout de sept années de combat citoyen, la flotte d’Intermarché et les industriels de la pêche continuent à dévaster l’océan et les animaux marins sans contrôle, et en toute impunité. Or, l’urgence est là. L’océan est à la fois le poumon et le thermostat planétaire : il capte près de 30% du CO2 et a déjà absorbé plus de 90% de nos excédents de chaleur. Mais l’océan est en train de se retourner contre nous. |
| Le rouleau compresseur des industriels contre l’océan et le climat |
| Ses fonctions de régulation et de stabilisation du climat mondial sont mises en péril par les activités humaines destructrices. La biodiversité marine est en train de s’effondrer. Et la première cause historique de destruction de l’océan est la pêche industrielle. Elle inflige d’immenses dégâts à l’océan et aux animaux marins : alors que la masse totale des humains sur la Terre représente environ 0,4 giga tonne, nous sommes responsables de la disparition d’environ 2,7 gigatonnes de vie dans les océans.Dans l’océan, « la catastrophe a déjà eu lieu » (4) dit le professeur Daniel Pauly : nous avons fait disparaître plus de 90% des grands poissons au niveau mondial. On a vidé l’océan. C’est la raison pour laquelle depuis 20 ans, nous menons avec BLOOM une lutte acharnée contre les industriels pour empêcher cet anéantissement de masse et protéger l’océan. Une armée citoyenne contre les industriels destructeursAvec vous, nos soutiens citoyens, notre armée citoyenne, nous avons remporté des victoires immenses : l’interdiction du chalutage en eaux profondes (2016) ou encore l’interdiction de la pêche électrique (2019). Nous avons révélé le scandale du mercure dans le thon (2024) et tenu tête à Emmanuel Macron en révélant la supercherie des Aires Marines Protégées « à la française » (2025).Depuis 20 ans, nous menons une lutte sans répit contre la grande distribution et les lobbies de la pêche industrielle dans un face-à-face violent avec des individus infréquentables, sans respect de rien, ni de la vérité, ni des faits, ni des générations à venir à qui ils laissent un cadeau empoisonné et une planète ravagée. Nous connaissons leurs méthodes brutales et leurs stratégies pour maintenir leur impunité mieux que quiconque. Les lobbies de la pêche industrielle sont même allés jusqu’à me menacer à mon domicile pour me faire taire. |
| Maintenant que vous connaissez le contexte, revenons à la publicité du « loup mal aimé ». |
| Une fake news délibérée |
| Évacuons immédiatement un mensonge éhonté — propagé massivement et délibérément par nos adversaires : non, nous n’allons pas « encombrer les tribunaux » puisque notre démarche n’est pas une action en justice, c’est une plainte auprès du Jury de déontologie publicitaire qui dépend de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité, l’ARPP. Un organe d’auto-régulation des professionnels de la publicité.Faire passer notre démarche pour une « procédure judiciaire » coûteuse est une FAKE NEWS destinée à discréditer BLOOM. Merci de nous aider à la rectifier en partageant largement ce message. Par ailleurs, porter plainte contre tout ou partie d’une publicité devant l’ARPP ne nécessite pas d’avocats. C’est une démarche gratuite, ouverte à toutes et tous. Il suffit de lire très attentivement les règles déontologiques que sont supposés respecter les annonceurs. |
| La créativité publicitaire au service du monde |
| Ensuite, nous devons reconnaître que les communicants d’Intermarché ont été géniaux de créativité machiavélique : pour redorer le blason d’Intermarché qui a vécu grâce à VOUS, à votre ténacité incroyable à l’époque de la bataille des grands fonds en 2016, la pire crise réputationnelle de son existence, les publicitaires ont abandonné le marketing « à l’ancienne ».Ils ont inventé une nouvelle forme de storytelling, complètement décorrélée de la promotion directe de produits : c’est ainsi qu’apparaissaient en 2017 les formats longs d’Intermarché, qui racontent « des belles histoires », très bien réalisées, avec des musiques iconiques. Une révolution publicitaire.Objectif : attendrir les gens, faire en sorte qu’ils baissent leur garde, qu’ils associent la marque à une intention bienveillante, qu’ils oublient qu’ils sont en train de regarder une publicité. Facile, puisqu’il n’y a aucune injonction commerciale directe : on est ici dans la communication subliminale, la manipulation cognitive.C’est exactement ce qu’il s’est produit avec le « loup mal aimé » : les communicants ont brouillé la frontière entre un véritable conte de Noël et une publicité commerciale. Ils ont pu s’abriter derrière l’alibi de la « fiction » pour se protéger des critiques et faire passer les messages de leurs choix sans contestation. Le risque, désormais, c’est que cela donne des idées à d’autres multinationales tout aussi problématiques qu’Intermarché, voire plus dangereuses encore pour notre santé et notre avenir. |
| La question cruciale |
| La question qui se pose à la fin est celle-ci : si TotalEnergies ou Monsanto font un conte de Noël, faudra-t-il arrêter de les dénoncer ? Faudra-t-il applaudir leurs publicités sans émettre de critiques ? Ce à quoi nous faisons face aujourd’hui, collectivement, découle directement de VOS ACTIONS à nos côtés en 2015-2016. Nous sommes toutes et tous responsables de la nouvelle stratégie de communication d’Intermarché. Cela nous rend également responsables de ne pas accepter la confusion qu’Intermarché installe. |
| Alors, voit-on le mal partout ? |
| La réponse est OUI. Parce que le mal est partout où les industriels prospèrent. Intermarché et les principales enseignes de la grande distribution sont au cœur d’un système agro-industriel qui détruit nos campagnes, nos écosystèmes, la paysannerie, nos paysages, nos océans, nos nappes phréatiques et notre santé. La grande distribution a écrasé les producteurs, cassé les prix, asservi les agriculteurs, les éleveurs et les pêcheurs en pratiquant une guerre des tarifs sans merci. Les supermarchés ont marché main dans la main avec les industries chimiques et empoisonné nos écosystèmes et nos enfants. Les cancers des enfants augmentent chaque année depuis 30 ans (5) pour des raisons multiples qui pointent toutes vers le modèle que l’agro-industrie et la grande distribution ont imposé dans nos vies, notamment via la publicité : obésité croissante, pollution, perturbateurs endocriniens, alimentation (6)…Les mêmes enfants qu’ils attendrissent aujourd’hui avec un joli dessin animé sont les victimes des stratégies de marques comme Intermarché.Donc dans le conte de Noël d’Intermarché, nous ne voyons pas un dessin animé, mais une publicité. Nous ne voyons pas un épiphénomène, mais un système. Un système qui nous broie. Nous ne pouvions pas ratifier cette opération de greenwashing sans vous informer et vous alerter. |
| Nous refusons l’impunité des multinationales |
| C’est notre mission historique, la raison pour laquelle vous nous soutenez : être le grain de sable qui fait dérailler le système, qui parfois ébranle les certitudes et les conformismes, pour défendre l’intérêt général. Donc oui, nous le disons clairement : nous refusons de vivre dans un monde où des multinationales pétrolières ou les enseignes de l’agro-business peuvent s’acheter une immunité en payant des agences de pub qui leur feront des jolis contes de Noël pour les rendre intouchables et dissimuler leurs méfaits. Nous refusons de vivre dans un monde où nous devrions taire nos critiques par peur de briser l’unanimisme ambiant. Les gens ont le droit de considérer que cette publicité est intouchable, et nous avons le droit de considérer qu’elle ne l’est pas, et qu’elle pose un certain nombre de problèmes qui méritent d’être exposés dans l’espace public. Notre volonté, par-dessus tout, c’est d’être fidèles à notre promesse envers vous, nos soutiens : nous saisir de toutes les modalités — recherche scientifique, plaidoyer institutionnel, enquêtes, signalements déontologiques, mobilisation citoyenne, actions en justice, campagnes de sensibilisation… — pour atteindre notre but ultime : mettre fin à la destruction de l’océan et des animaux marins. Agir sur tous les fronts. Ne rien laisser passer. Dénoncer les manipulations. Combattre la corruption. Poursuivre les fraudeurs. Encore et toujours. Pour protéger l’océan, le climat et l’humanité. Nous avons mis le doigt dans un engrenage qui nous a remis face au cynisme absolu de la grande distribution, de ses défenseurs d’extrême droite et leurs armées de trolls, mais nous n’avons pas peur d’être un petit poisson à contre-courant des autres. C’est toujours ainsi que nous commençons : un noyau déterminé qui, par fidélité à ses principes, se trouve au fur et à mesure renforcé, comme dans les illustres vers de Corneille : « Nous partîmes cinq cents, mais par un prompt renfort, nous nous vîmes trois mille en arrivant au port ».Gardons le cap. La lutte ne fait que commencer. Hauts les cœurs.Claire et toute l’équipe BLOOM |
| Aidez-nous à lutter contre les destructeurs de l’océan |
| Notes et Références1. https://bloomassociation.org/la-plainte-de-bloom-contre-intermarche/2. https://www.lexpress.fr/economie/peche-en-eau-profonde-intermarche-promet-d-arreter-d-ici-2025_1777578.html#:~:text=Actualit%C3%A9.,L’ONG%20Bloom%20se%20f%C3%A9licite 3. https://bloomassociation.org/plus-de-400-cas-de-fraude-suspectes-bloom-porte-plainte-pour-peche-illegale-dans-des-zones-protegees/4. Emission La Terre au Carré – https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-terre-au-carre/l-invite-au-carre-91619415. https://www.aphp.fr/vous-soigner/les-cancers/les-cancers-de-lenfant-et-de-ladolescent#:~:text=C’est%201%20enfant%20sur,en%20Europe%2C%20depuis%2030%20ans6. https://www.gustaveroussy.fr/fr/news-comprendre-et-prevenir-augmentation-des-cancers-chez-les-20-40-ans#:~:text=Les%20chercheurs%20avancent%20plusieurs%20explications,certains%20traitements%20et%20agents%20environnementaux |
