Vive la récession, c’est très sûrement un mal nécessaire et la France sera moins touchée que ses voisins

Beaucoup de banquiers le pensent, certains économistes aussi, mais personne n’osera le dire haut et fort. Et pourtant la récession est un mal nécessaire, un levier d’opportunités et de changement pour tous les acteurs : consommateurs et producteurs.Jean-Marc Sylvestre

Dire que la récession est souhaitable et que de toute façon, la France sera mieux protégée que la plupart des autres pays occidentaux est tellement politiquement incorrect que lorsque le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, prévoit que la France ne devrait pas entrer en récession en 2023, l’opposition politique ricane et l’opinion publique retourne à son scepticisme, voire sa colère.

Sur le cadrage macro-économique du budget 2023, le ministre de l’économie prévoit un ralentissement sérieux de la croissance aux alentours de 1%. C’est un ralentissement sévère certes, mais par calcul économique ou politique, il se refuse à penser que nous tomberons en récession comme l’Allemagne ou la Grande Bretagne.

Les économistes qui travaillent sur cette prévision, dont ceux de l’Insee, estiment que la demande restera forte (principalement grâce au bouclier tarifaire) et que le choc sur l’offre sera amorti principalement grâce à notre appareil de production électrique (nucléaire et hydraulique) dont on devrait retrouver la maitrise. Sans trop le dire, les services de Bercy espèrent aussi une météo clémente pour l’hiver prochain. Pourquoi pas ?

En réalité, le ministère de l’économie compte aussi sur trois phénomènes :

– Un plafonnement de l’assistanat dont une majorité de Français commence à reconnaitre qu’il est souvent excessif, donc un plafonnement des dépenses courantes.

– La résilience des grandes entreprises françaises qui leur permet d’être beaucoup plus innovantes qu’on ne le sait, donc des entreprises fiscalement productives alors que les taux d’imposition ont baissé.

-Enfin une capacité d’endettement public gagée principalement sur la capacité d’épargne disponible anormalement importante. 

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Ce décryptage macro-économique est absolument inaudible parce que trop optimiste. Mais il se passe aujourd’hui exactement ce qu’il s’était passé au début du Covid, quand la quasi-totalité des analystes, des économistes nous annonçaient une crise économique mondiale plus sévère encore que celle de 1929, avec une vague de défaillances d’entreprises, des cortèges de faillites industrielles et des millions de chômeurs. Sans parler des risques de faillites liées à l’endettement abyssal consécutif du fameux quoi qu’il en coute.

La réalité des choses, c’est que le Covid est passé, beaucoup de familles ont été touchées, beaucoup de victimes ont été dans les hôpitaux, cette pandémie a mis en évidence des défaillances de l’administration de la santé mais il n’a pas mis par terre les systèmes de production. Dès que le Covid a été dompté (plus vite que prévu d’ailleurs grâce à la vaccination plus rapide qu’annoncée), la vie a repris et la croissance a explosé, la demande et l’emploi, les recettes fiscales elles-mêmes ont mécaniquement augmenté.Tous les analystes qui nous avaient annoncé la fin du monde ne se sont pas excusé, mais passons.

Par conséquent le pessimisme actuel sur le diagnostic n’est pas surprenant. Il est d’autant moins surprenant que la récession annoncée est à la fois le facteur de risque le plus redouté, mais c’est aussi le remède le plus probable pour faciliter la sortie de crise.

Et l’aspect nécessaire de la récession est incompréhensible, voire inacceptable, et pourtant ce mécanisme est expliqué dans tous les manuels d’économie. C’est un mécanisme lié au fonctionnement même de l’économie de marché.

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La situation actuelle est une situation d’inflation liée principalement à l’augmentation des prix de l’énergie – du gaz, du pétrole et de l’électricité. Cette augmentation est certes imputable à la guerre en Ukraine, mais pas seulement. Elle est imputable au rebond d’activité au lendemain du covid (la demande a explosé), elle est aussi liée à l’épuisement relatif des ressources d’énergies fossiles.

Cette inflation entraine de facto un ralentissement de l’activité parce que le prix joue son rôle de variable d’ajustement, dissuade de consommer mais incite aussi les entreprises à investir pour trouver des solutions alternatives.

La mécanique de marché est très cynique mais efficace. Si le prix monte, la demande baisse et si la demande baisse, les prix se calmeront. Nous avons sans doute, sur la plupart des énergies, atteint des pics d’inflation. C’est la conviction des économistes qui travaillent sur le prochain budget.

A noter que les banques centrales encouragent ce mouvement de stabilisation et de baisse de l’activité en remontant les taux d’intérêt. Les banques centrales font le pari que le ralentissement et même la récession vont purger les hausses de prix.

La récession est donc le mal nécessaire, à condition qu’elle soit limitée et contrôlée, à condition qu’elle n’entraine pas des dégâts sociaux importants qui nécessiteraient des dépenses de solidarité difficiles à financer.

A noter d’ailleurs que la France sera sans doute moins touchée que ses voisins européens, les Allemands et les Anglais, par cette récession parce que ses boucliers sont plus généreux et alimentent la demande intérieure, le poids de notre industrie et de notre capacité d’exportation étant structurellement moins lourd. En période de croissance, c’est un inconvénient mais en période de ralentissement, c’est presque un avantage. Revers de la médaille, notre endettement est évidemment beaucoup plus conséquent et pervers.

Pervers parce que c’est un endettement courant et pas un endettement qui finance des investissements. La différence est majeure. L’endettement d’investissement génère son remboursement, il produit de la richesse. L’endettement courant sert à financer la consommation court terme, il faudra trouver de l’épargne pour le rembourser. Quelle épargne ? Celle de nos enfants et de leur travail.

Dans la situation actuelle, mieux vaudrait peut-être aider les foyers à engager des travaux de rénovation thermique de leur logement afin d’économiser de l’énergie plutôt que de continuer à subventionner massivement la consommation actuelle.

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