« Le fleuve Maroni se meurt »: le cri d’alarme des scientifiques du Parc Amazonien de Guyane ( source:RHYZOM)

Le Maroni couleur orange dans ce secteur orpaillé
Le Maroni couleur orange dans ce secteur orpaillé • ©Jocelyne Helgoualch

Ce lundi 19 décembre 2022, les scientifiques du Parc amazonien ont fait part de leur extrême inquiétude. Ils font le constat « d’une dégradation catastrophique de la biodiversité du fleuve frontière, le Maroni ». En novembre dernier, le conseil scientifique du parc a adopté une motion. Il demande la mise en place d’une coopération technique et politique entre la France et le Suriname.Ludmïa Lewis • Publié le 19 décembre 2022 à 14h36, mis à jour le 19 décembre 2022 à 14h43

C’est l’une des nombreuses conséquences de l’orpaillage. Dans une motion adressée à l’ensemble des pouvoirs publics et ONG ce 19 décembre, les scientifiques du Parc Amazonien de Guyane font part de leur extrême inquiétude quant à l’état actuel du fleuve Maroni.

« De récentes missions scientifiques conduisent au constat d’un appauvrissement drastique du fleuve, en termes de diversité et de quantité des espèces rencontrées.« , expliquent-ils. Cette perte de biodiversité « est en lien direct avec les boues charriées par le fleuve, conduisant à une pollution sédimentaire d’amont en aval du fleuve« .

Les scientifiques sont catégoriques : ces boues proviennent des sites d’orpaillage situés sur le bassin versant, de part et d’autre de la frontière, en bordure immédiate du fleuve ou sur les affluents du Maroni.

Déversement d’un affluent orpaillé du territoire surinamais dans le Maroni, en aval de Maripasoula en juillet 2022 • ©Arnaud ANSELIN – Parc Amazonien de Guyane
Une coopération France – Suriname demandée

Alors que la COP15 prend fin ce même jour, au Canada, ils demandent, en urgence, la mise en place d’une coopération technique et politique entre la France et le Suriname pour enrayer la dégradation du Maroni-Lawa. « Même si du côté français, il y a eu des efforts […] on constate que, côté Suriname, il n’y a pas grand chose de fait et ce n’est pas de l’orpaillage illégal« , précise Pierre-Yves Le Bail, président du conseil scientifique du Parc Amazonien de Guyane.

Ce problème ne peut être résolu que si la France et le Suriname, ensemble, se mettent d’accord et ont une volonté politique forte pour pouvoir enrayer cette situation. Je rappelle que l’on vient de signer la COP15, à Montréal, sur les engagements historiques de la biodiversité et que la France et le Suriname ont fait partie des discussions. Là, il faut qu’ils passent aux actes. Pierre-Yves LE BAIL, président du conseil scientifique du Parc Amazonien de Guyane.

Selon des travaux récents, le Suriname se place à la 16éme position mondiale en termes de superficies totales dédiées aux activités minières. Plus de la moitié de celles-ci sont localisées sur le bassin versant du Maroni. Les activités – légales soit dit en passant – de notre voisin sont donc en cause. « Le rejet systématique des boues dans le fleuve est déjà inacceptable« , estime Pierre-Yves Le Bail.

« En 2021, plus de 600 km2 de ce bassin versant ont été lourdement impactés par les activités minières depuis plus de 20 ans, avec respectivement 172 km2 touchés du côté guyanais et 427 km² du côté surinamais« , décrivent les scientifiques du Parc Amazonien. Plus de 3 000 km de rivières rejoignant le Maroni ont, d’ores et déjà, été totalement et durablement détruits

Des conséquences sur la faune aquatique et sur les habitants

Les auteurs de la motion indiquent que ces pollutions entraînent : « d’importants dépôts de sédiments sur les substrats et les végétaux aquatiques provoquant ainsi une asphyxie des habitats de la faune aquatique et une partie importante des premiers maillons de la chaîne trophique. »

Ce phénomène expliquerait la diminution « très significative » du nombre d’espèces de poissons observées sur certains secteurs, comparé à d’autres fleuves (moins impactés) comme l’Approuague. Des espèces consommées par les Guyanais sont d’ailleurs concernées : acoupa, torche, aïmara, pakou. Les scientifiques nomment, pour preuve, la raréfaction d’oiseaux piscivores le long des berges.

Dépôt de sédiment sur la végétation aquatique dans les Abattis Cottica en novembre 2022 • ©Hadrien Lalagüe – Parc Amazonien de Guyane

Enfin, dans certains villages amérindiens, les habitants ne peuvent plus boire l’eau issue directement ou indirectement de la rivière et se tournent vers l’eau minérale conditionnée en bouteille en plastique. « Ce qui accroît les pollutions déjà criantes sur le fleuve« , notent les scientifiques. Un facteur de plus alimentant le sentiment d’abandon de ces communautés.

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