vignes et réchauffement
ADAPTATION. Partout dans le monde, la vigne est en danger. Les modifications du climat bouleversent sa phénologie. Ses dates de floraison, de fructification et de maturation sont bousculées par la hausse des températures, des sécheresses plus importantes, des gels tardifs. « Or, les cépages les plus plantés au monde sont aussi les plus fragiles face à ce changement climatique », statue Elisabeth Wolkovich, chercheur à l’Université de Harvard (USA)
L’étude constate en effet que plus de la moitié de l’industrie du vin s’appuie sur 12 cépages seulement. Pire, les vignobles du nouveau monde (Chili, Australie, Nouvelle Zélande, Chine) sont plantés à 80% de quelques variétés célèbres comme le chardonnay ou le pinot. Or, ces cépages réputés réclamés par les consommateurs sont aussi les plus fragiles face au réchauffement climatique. Aujourd’hui, l’essentiel des variétés plantées dans le monde provient ainsi d’Europe.
Difficile de déménager vers le nord les vignobles existants !
RESISTANCES. La viticulture est coincée. «On pourrait imaginer à l’instar d’autres plantes cultivées comme le blé de suivre la hausse des températures en plantant de la vigne plus au nord, expose Inaki Garcia de Cortazar-Atauri, chercheur à l’Inra et co-auteur de l’étude. Seulement, l’économie du vin s’appuie fortement sur la notion de terroir et il est difficile d’imaginer qu’on abandonne les vignobles du Médoc ou des Côtes-du-Rhône pour le nord de la France». Il faut donc adapter la plante. L’étude qui vient d’être publiée déplore qu’aujourd’hui la recherche se focalise sur la création de nouveaux hybrides capables de résister à la nouvelle donne climatique. L’idée dominante est en effet de créer de nouvelles variétés dans lesquelles on a inséré un ou plusieurs gènes de résistance aux maladies ou à la sécheresse présents dans des variétés sauvages de Vitis vinifera. C’est ce que s’emploie à faire l’Inra avec son observatoire des cépages résistants.
Sans s’opposer à cette solution, les auteurs préconisent d’explorer également la voie de la biodiversité. Apparue au quaternaire, la vigne est une plante sexuée qui a connu de multiples hybridations. On dénombre aujourd’hui entre 6000 et 10 000 variétés différentes de Vitis vinifera dont 1100 sont cultivées pour faire à une écrasante majorité du vin et plus marginalement du raisin de table. Depuis la première domestication de la plante il y a 8000 ans, l’homme n’a ainsi cessé de sélectionner des individus dont le rendement et la qualité en goût des fruits les rendaient aptes à être exploités. « Or, aujourd’hui seulement 1% de ce patrimoine est réellement cultivé et la grande majorité de ces variétés sélectionnées soit ne sont plus que marginalement cultivées, soit ne sont plus présentes que dans les conservatoires », déplore Inaki Garcia de Cortazar-Atauri.
Une coopération approfondie entre chercheurs et viticulteurs
L’idée des chercheurs est d’inciter les vignerons du monde entier à planter quelques ares d’espèces oubliées qui ne sont aujourd’hui plus présentes que dans les conservatoires, ainsi que de tester des cépages peu utilisés poussant dans des régions très sèches (comme les îles grecques par exemple) afin de tester leur adaptation dans des climats plus septentrionaux. Restera ensuite à convaincre le consommateur qu’il n’y a pas que le chardonnay ou le cabernet-sauvignon dans la vie, mais une multitude de variétés nouvelles susceptibles de produire des vins délicieux.