INDISPENSABLES NATIONS UNIES, JEAN-MAURICE RIPERT, PRÉSIDENT DE L’AFNU

Quatre-vingts ans après l’entrée en vigueur de la Charte, le 24 octobre 1945, et la mise en place d’une architecture internationale basée sur le respect du droit, de la personne humaine, de l’égalité et de la souveraineté des États, il est indispensable de s’interroger sur l’avenir de l’ONU face aux dérèglements du monde et à la crise de confiance dans l’Organisation qui commence à se manifester.
Malgré les efforts des Nations Unies, les crises se sont multipliées, qu’elles soient d’origine naturelle ou humaine : des guerres et des conflits font rage sur presque tous les continents, les désastres naturels s’accroissent en nombre et en gravité. Le nombre de victimes de ces conflits et de ces crises augmente dramatiquement, en particulier chez les femmes et les enfants. Le terrorisme n’a pas disparu et les espaces de liberté des réseaux sociaux servent aujourd’hui toutes les formes de complotisme, favorisant la montée des populismes, des nationalismes, du repli sur soi et du rejet de l’autre.
Les droits humains sont bafoués par les autocraties, le droit international est violé, l’impunité est de retour, la coopération internationale est mise en pause, ses moyens régressent. Après des avancées majeures durant la deuxième moitié du XXème siècle, les droits des femmes et l’égalité des genres sont menacés, voire contestés ouvertement.
Le multilatéralisme avec le système des Nations Unies en son centre en est victime, décrié, délégitimé, contesté, voire attaqué. Et pourtant son bilan est loin d’être négligeable.
En matière de paix et de sécurité, s’il est vrai que le Conseil de sécurité est trop souvent bloqué par les vétos des trois plus grandes puissances, il a autorisé le déploiement de nombreuses opérations de maintien de la paix, qui, aujourd’hui encore, apportent protection et soutien à des centaines de milliers de réfugiés et déplacés dans plusieurs régions du monde.
En 2024, avec l’ensemble de ses Fonds et Programmes et ses Institutions spécialisées, l’ONU a apporté une aide alimentaire à plus de 120 millions de personnes et de l’aide humanitaire à près de 130 millions de personnes. Elle a soutenu plus de 38 millions de réfugiés et demandeurs d’asile et a fourni 45% des vaccins distribués dans le monde, pour ne citer que ces exemples
Depuis les années 1990, l’œuvre normative des Nations Unies s’est accélérée et son apport est considérable dans tous les domaines de la vie humaine : droit international, droits humains, justice pénale internationale, développement durable, climat et environnement, etc.
L’adoption à l’ONU et au sein des Institutions spécialisées de centaines de normes et de conventions dans ces domaines et le suivi de leur mise en œuvre concrète ont été rendu possibles en partie grâce au travail de grandes conférences internationales qui associent tous les États, des institutions et acteurs non-étatiques, ainsi que les sociétés civiles.
Grâce à ces canaux de dialogue et de négociation, entre États comme entre États et sociétés civiles, les Nations Unies ont contribué à apaiser les tensions du monde, à secourir les victimes de catastrophes, à prévenir certains conflits, à en régler d’autres.
Pourtant, en 2025 et 2026, la vie de plus de 100 millions de personnes est en danger du fait notamment des baisses dramatiques des budgets d’aide au développement et des contributions des États-Unis, et dans une moindre mesure des États européens.
Dans ce contexte, comment se passer de l’ONU ? Qui dispose de la même légitimité fondée sur l’universalité ? Qui prendrait sa place : l’une des trois plus grandes puissances ? Qui pourrait, autant et mieux qu’elle, réunir, faire dialoguer tous les États, toutes les civilisations, tous les peuples ? Où pourrait-on promouvoir des solutions aux défis globaux auxquels fait face la planète : climat, espace, océans, développement durable, lutte contre le terrorisme, protection des droits et libertés fondamentales de la personne humaine.
Rappelons-nous que les principes de la Charte de 1945, comme l’égalité des États et le respect de leur souveraineté et de leur intégrité territoriale, la dignité de la personne humaine et l’égalité des droits des hommes et des femmes, sont les seules bases d’un ordre international garant de la paix et de la justice dans le monde.
Bien sûr, il nous faudra réformer, peut-être même refonder l’ONU et son système pour les relégitimer et les rendre plus efficaces. Il n’y a là rien d’impossible, les objectifs sont clairs, la voie est tracée : élargissement du Conseil de Sécurité et réforme de son fonctionnement, renforcement des pouvoirs de l’Assemblée Générale et du Secrétaire Général, insertion des sociétés civiles dans les processus de décisions, renforcement des mécanismes de mise en œuvre des décisions et accords internationaux, etc.
Tout cela est entre les mains des États membres, donc de nos gouvernements et de nos citoyens. Entre nos mains donc.
Refusons d’admettre qu’il n’y a plus de règles, ou bien que l’on ne peut rétablir la paix que par la force. Affirmons au contraire haut et fort, avec détermination, avec obstination, notre volonté de faire respecter les institutions des Nations Unies, les normes qui y sont élaborées et les valeurs de sa Charte.
Là est le chemin, là doit porter notre effort. C’est en tout cas l’engagement de l’Association Française pour les Nations Unies, que je vous invite à soutenir.
A Paris, 24 octobre 2025,
Jean-Maurice Ripert, Président de l’AFNU
