le backlash écologique comme guerre sociale Par Mickaël Correia , Mediapart

On avait beau s’y attendre, l’ampleur du champ de ruines est impressionnant. La première mouture du budget 2026 présenté par le gouvernement Lecornu le 14 octobre, actuellement examinée par la commission des finances à l’Assemblée nationale, continue de saper scrupuleusement l’action climatique.

Le chantier de démantèlement du frêle édifice de politiques écologiques du pays a débuté à l’été 2024, lorsque les gouvernements Attal, puis Barnier à l’automne et Bayrou cet hiver ont élaboré un budget 2025 où les dépenses publiques vectrices de transition ont été sabrées. Résultat, comme le souligne l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE), « alors qu’ils étaient engagés sur une dynamique positive de 2021 à 2023, les investissements climat marquent le pas ». Ces derniers stagnent depuis deux ans à hauteur de 103 milliards d’euros par an alors qu’ils devraient atteindre les 190 milliards d’euros annuels pour que la France atteignent ses objectifs climat d’ici 2030. 

Or, en la matière, le pays glisse doucement mais sûrement sur une mauvaise pente. Au premier semestre, les émissions françaises de gaz à effet de serre sont restées stables et pourraient diminuer d’à peine 0,8 % en 2025. C’est six fois moins que les 5 % annuels nécessaires pour respecter nos engagements climatiques. 

Mais qu’importe ce ralentissement inquiétant de notre rythme de décarbonation, ou encore les canicules et les mégafeux qu’a subis la France cet été : Sébastien Lecornu persiste et signe dans la continuité de ses prédécesseurs à Matignon en proposant pour exemple de quasi diviser par deux les crédits alloués au Fonds vert, une enveloppe destinée aux collectivités pour financer la transition écologique. Sa dotation pourrait fondre de 2,5 milliards d’euros initialement prévus fin 2023 à 650 millions d’euros en 2026. Idem sur le front de la rénovation énergétique : le dispositif d’aide MaPrimeRénov serait de nouveau réduit de 500 millions d’euros. En deux ans, son crédit pourrait donc être réduit de moitié, passant de 3 à 1,5 milliard d’euros. 

Deux derniers exemples de ce budget qui confine au déni climatique : le gouvernement veut taxer plus les centrales photovoltaïques installées avant 2021 et prévoit dans son projet de budget de raboter de 32 millions d’euros les programmes de conservation de la biodiversité. 

Ce blacklash écologique qui s’exprime à travers l’austérité budgétaire n’éclaboussera en aucun cas les plus aisé·es, mais au contraire les plus précaires : les habitant·es des communes désindustrialisées sans moyens financiers pour transitionner, les près de 12 millions de Français·es qui vivent dans des passoires énergétiques, les ruraux et banlieusard·es dépendant·s de leur voiture faute de transports en commun, ou encore celles et ceux des territoires dits d’Outre-mer qui vivent sans eau courante et sont intoxiqué·es par les algues brunes. 

En dépeçant le volet écologique du budget 2026, Sébastien Lecornu s’inscrit ainsi dans la droite ligne du projet d’Emmanuel Macron depuis son arrivée à l’Elysée en 2017 : celle d’une guerre sociale, sur tous les fronts, même vert. Partager  

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