Vu dans les Echos: Comment la France s’inspire de la Norvège pour capter et stocker le carbone

Un accord est en préparation avec Oslo et plusieurs industriels français sont en discussion pour réserver des capacités dans le gigantesque projet Northern Lights, en Mer du Nord. Mais les exportations de CO2 ont leurs limites.Ajouter à mes articlesCommenterPartagerChimieEnergies alternatives

La Norvège est le seul pays européen, aujourd'hui, à opérer des sites de stockage de carbone.
La Norvège est le seul pays européen, aujourd’hui, à opérer des sites de stockage de carbone. (Alexiane LEROUGE/AFP)

Par Nicolas RaulinePublié le 2 nov. 2023 à 7:15

La France aura longtemps hésité sur la stratégie à suivre en matière de captage et de stockage de carbone – le « CCS ». Mais elle est bien décidée à montrer que le sujet fait partie de ses priorités. Roland Lescure était ainsi, en ce début de semaine, en Norvège, pour visiter Northern Lights , premier site de stockage de CO2 offshore opérationnel en Europe, et préparer avec son homologue norvégien Jan Christian Vestre un accord bilatéral qui pourrait être finalisé pour janvier, lors d’un forum franco-norvégien sur l’industrie verte.

« Il s’agira d’un accord à la fois technique et industriel », explique-t-on au cabinet du Ministre délégué chargé de l’Industrie. Pour pouvoir envoyer son CO2 vers un pays étranger, la France devra en effet signer un avenant sur le protocole de Londres, qui interdit l’exportation et l’immersion de déchets à moins qu’un accord ne soit signé entre les deux parties.

Une coopération industrielle pourrait aussi être engagée, la Norvège ayant une longueur d’avance et ayant donné l’autorisation d’exploiter plusieurs sites, en mer du Nord et mer de Barents. Derrière les Etats-Unis, c’est aujourd’hui le deuxième pays dans le monde en termes de capacités de stockage de CO2, avec 26 millions de tonnes par an entre les différents projets annoncés.

Des capacités déjà réservées

Roland Lescure et la délégation française ont notamment visité Northern Lights. Ce gigantesque projet opéré par trois pétroliers, le Français TotalEnergies, le Norvégien Equinor et l’Anglo-Néerlandais Shell, permettra de stocker jusqu’à 1,5 million de tonnes de CO2 par an à partir de l’an prochain, puis 5 millions à partir de 2026.

La demande est déjà forte : la première phase du projet est remplie à pleine capacité. Northern Lights a notamment rendu publics deux contrats, l’un avec le fabricant d’engrais norvégien Yara, l’autre avec le producteur de renouvelables danois Orsted, qui l’utilisera pour stocker du carbone capté sur un site fonctionnant à la biomasse, conduisant à des émissions négatives.

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Pour la deuxième phase, plusieurs industriels ont manifesté leur intérêt. TotalEnergies pourrait utiliser des capacités pour séquestrer du carbone issu de certains sites de production, tout comme le fabricant belge de chaux Lhoist, qui pourrait envoyer vers Northern Lights une partie du carbone capturé sur son site de Réty, dans le Pas-de-Calais, ou encore le cimentier Eqiom.

Avec des engagements qui commencent à affluer, la décision finale d’investissement du consortium, à Northern Lights, pourrait intervenir prochainement. Et des études sont déjà menées pour étendre les capacités, peut-être jusqu’à 12 millions de tonnes par an.

Objectif 20 millions de tonnes

Ce serait davantage que les objectifs français de captage et de stockage, fixés entre 4 et 8 millions de tonnes en 2030, la fourchette haute représentant 10 % des émissions industrielles et 20 % des efforts de décarbonation que le secteur devra réaliser. En 2050, ce sont 20 millions de tonnes par an qui sont prévues.

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Ces objectifs doivent être précisés lors de la publication de la « stratégie CCUS » (le U désignant les utilisations industrielles du carbone, comme la combinaison avec de l’hydrogène pour créer des e-carburants). Prévue d’abord à la rentrée, celle-ci a pris du retard. Elle est désormais espérée avant la fin de l’année. La définition d’un cadre de régulation du transport de longue distance, dans les mains de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) n’est, elle, pas attendue avant 2025.

Un système à deux vitesses ?

« Notre doctrine est que le CCS doit être la technologie de décarbonation en dernier recours », explique-t-on au Ministère de l’Industrie. En d’autres termes, l’Etat n’accompagnera les industriels dans cette démarche, notamment par des contrats pour différence comme en Norvège, que si aucune autre solution ne s’offre à eux. Ce serait le cas des émetteurs d’ « émissions fatales », producteurs de chaux, cimentiers (Lafarge et Vicat faisaient aussi partie de la délégation en Norvège), ou métallurgistes.

Le Danemark et TotalEnergies accélèrent sur le stockage de CO2

Pour le moment, la stratégie du gouvernement cible les plus gros émetteurs, ceux réunis notamment sur quatre bassins : Dunkerque (que GRTgaz envisage de relier à Northern Lights par un pipeline), Le Havre , Saint-Nazaire et Fos-sur-Mer. Essentiellement des grands groupes, pour qui les exportations sont envisageables.

« Les exportations restent des solutions coûteuses. Pour éviter l’accélération de la désindustrialisation des territoires, il faudra proposer des solutions à tous, y compris des industriels très émetteurs, répartis sur le territoire », prévient Dominique Mockly, PDG de Terega. L’opérateur de transport et de stockage de gaz mène ainsi des essais sur des sites de gaz déplétés, onshore, le long de la chaîne pyrénéenne. « L’option de sites sur le territoire français n’est pas exclue », avance-t-on au Ministère de l’Industrie, qui devra toutefois passer la barrière de l’acceptabilité.

Nicolas Rauline

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