réactions à l’arrivée de SHEIN / avis partagé
Alors que Shein prévoit l’ouverture de ses premiers magasins permanents en France dès novembre 2025, notamment au BHV Marais et dans plusieurs Galeries Lafayette régionales, Philippe Berlan, porte-parole de la start-up textile EverDye, exprime son inquiétude face à une situation devenue incohérente :
« On ne peut pas prôner la transition écologique tout en laissant prospérer des modèles fondés sur l’hyperconsommation jetable et les énormes distorsions de concurrence. »
L’industrie textile est responsable d’environ 8 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre (source : ADEME), un chiffre supérieur à ceux combinés de l’aviation civile et du transport maritime. Et la tendance ne faiblit pas : entre 2000 et 2014, la production mondiale de vêtements a doublé, tandis que leur durée de vie a chuté de 36 % (source : Ellen MacArthur Foundation).
Dans un marché saturé par l’ultra-fast fashion, où des plateformes comme Shein, Temu ou AliExpress déversent quotidiennement des centaines de milliers de vêtements à bas coût, la concurrence devient intenable pour les marques engagées dans une production responsable.
EverDye, qui développe des teintures textiles à faible impact environnemental, en est le témoin direct. Il ne faut pas oublier que 20 % de la pollution mondiale des eaux est liée aux procédés de teinture, de finition et de traitement des textiles d’habillement » (source : Parlement européen).
La ultra-fast-fashion, en multipliant les collections et en imposant des rythmes de production effrénés, aggrave directement cette pression sur les ressources en eau et la pollution qu’elles subissent. En privilégiant des volumes massifs à bas coût et des chaînes d’approvisionnement opaques, ce modèle alimente les procédés de teinture et de finition intensifs qui représentent déjà une part considérable de la contamination mondiale des eaux. Cette logique de surproduction et d’irresponsabilité environnementale entre ainsi en contradiction frontale avec les engagements climatiques de l’Union européenne et avec les fondements mêmes d’une économie circulaire et durable.
Pour Philippe Berlan d’EverDye, l’heure est à la cohérence et à l’action.
La loi anti-fast fashion, adoptée quasi unanimement par le Sénat en juin 2025, marque un tournant politique important face à l’impact environnemental de l’industrie textile. Toutefois, son avenir reste incertain car la Commission européenne a rendu un avis nuancé sur ce texte. Bruxelles salue les intentions louables de la France en matière de lutte contre la mode éphémère, mais pointe plusieurs failles juridiques qui pourraient rendre la loi vulnérable à des contestations devant les tribunaux.
Parmi les préoccupations évoquées : le risque d’atteinte à la libre circulation des biens au sein de l’Union européenne, des critères jugés trop flous pour identifier les acteurs de la fast fashion, ou encore des restrictions publicitaires potentiellement contraires au droit européen.
« Une loi sans assise juridique solide est une porte ouverte aux reculs. Si l’Europe veut réellement affronter les dérives de la fast fashion, elle ne peut se contenter de déclarations d’intention. Elle doit traduire ses ambitions en actes : taxer les colis de moins de 150 euros à hauteur de leur impact environnemental, renforcer ses règlements déjà en vigueur, imposer la transparence sur les chaînes de valeur et soutenir l’innovation textile durable. C’est à ce prix qu’elle pourra bâtir une industrie résiliente et crédible. » Philippe Berlan, porte-parole EverDye