Guerre en Ukraine : Zelensky dévoile le « compromis territorial » dessiné par Trump
Volodymyr Zelensky a révélé jeudi que Washington proposait un retrait des troupes ukrainiennes de l’ouest du Donbass en échange d’un engagement du Kremlin de ne pas s’y déployer. Les alliés de Kiev évoquent pour la première fois un « compromis territorial

Par Yves Bourdillon, Emmanuel GraslandPublié le 11 déc. 2025 à 17:12Mis à jour le 11 déc. 2025 à 19:29
« Concession territoriale. » Le mot a été lâché pour la première fois par un allié européen de Kiev, le chancelier allemand, Friedrich Merz, jeudi, et évoqué peu après par le président ukrainien. Volodymyr Zelensky n’a pas fermé la porte à un tel compromis, ce qui est inédit.
Il a précisé que les Etats-Unis proposaient le retrait de l’armée ukrainienne des territoires qu’elle contrôle encore dans la région orientale de Donetsk et la création d’une « zone économique libre » et démilitarisée à la place. « Le compromis supposé est que les forces russes ne pénètrent pas dans cette partie » de la région actuellement sous contrôle de Kiev, a-t-il ajouté.
Washington semble toutefois « ignorer qui gouvernerait cette zone », selon le président ukrainien. La Maison-Blanche n’a pas non plus donné de précisions sur les moyens d’empêcher le Kremlin de renier son engagement. Washington propose également un retrait des troupes russes présentes dans les régions ukrainiennes de Soumy, Kharkiv et Dnipropetrovsk (nord, nord-est et centre-est), mais leur maintien dans celles de Kherson et Zaporijjia, au sud.Publicité
Prise de risque majeure
Un tel compromis constituerait une prise de risque majeure, mais peut-être inévitable au vu du taux de désertion dans l’armée ukrainienne en ce moment, pour Kiev. En effet, les parties du Donbass encore sous contrôle de l’armée ukrainienne constituent une ceinture de forteresses verrouillant l’accès à Kiev et Odessa. Et les territoires de Soumy et Kharkiv tenus par l’armée russe sont peu étendus et d’une valeur militaire médiocre.
Le président ukrainien, qui a déclaré « la Russie veut l’intégralité du Donbass, nous n’acceptons pas cela », a souligné que toute question portant sur les territoires de l’est devrait faire l’objet d’un référendum. Il a aussi annoncé avoir parlé de garanties de sécurité, sans autre détail, avec de hauts dirigeants américains.
Surtout, ce plan serait-il accepté par Moscou, ou bien considérera-t-il un éventuel compromis de Kiev comme un signe de faiblesse justifiant de nouvelles exigences ? Déjà, le Kremlin estime que seule l’occupation par ses troupes de l’ouest du Donbass peut conduire à un arrêt des combats. Et encore, il prend soin de préciser que cela doit être accompagné d’un changement de régime à Kiev, d’un traité interdisant à l’Ukraine de rejoindre l’Otan et d’une limitation de ses forces armées…
Trump laisse planer le doute
Après avoir rencontré le secrétaire général de l’Otan, Mark Rutte, le chancelier allemand, qui « débriefait » la presse sur son entretien de mercredi soir avec Donald Trump, lors d’une conversation commune avec Emmanuel Macron et Keir Starmer, le Premier ministre britannique, a dit avoir proposé au président ukrainien de passer le prochain week-end à « finaliser les documents avec le gouvernement américain ». Friedrich Merz a évoqué une réunion, « peut-être à Berlin en début de semaine prochaine » entre dirigeants européens, à laquelle il ignore si Donald Trump participera.
Le président américain a laissé planer le doute, estimant ne pas avoir envie de « perdre son temps » et affirmant avoir eu des mots « assez forts » avec Emmanuel Macron, Keir Starmer et Friedrich Merz lors de leur entretien téléphonique de mercredi soir. Les trois dirigeants européens avaient rencontré lundi leur homologue ukrainien à Londres.
Un « plan de paix » fortement corrigé par Kiev et ses alliés européens, à partir d’un texte rédigé par la Maison-Blanche mais qui semblait dicté par le Kremlin sur bien des aspects, a été soumis jeudi après-midi à la « coalition des volontaires », une trentaine de pays européens, en sus du Canada et du Japon, soutenant l’Ukraine, lors d’une visioconférence.
Mais il n’était pas clair, jeudi soir, si c’était celui proposé par Washington et dévoilé par Volodymyr Zelensky… Le plan dit « européen » se compose d’un document en vingt points sur la fin de la guerre, d’un autre sur les garanties de sécurité et d’un troisième sur la reconstruction de l’Ukraine. Reconstruction qui pourrait être financée par un prêt gagé sur les actifs russes immobilisés à Bruxelles.
Sauf que la Maison-Blanche veut, au contraire, que ces actifs russes soient confiés à des entreprises américaines, selon un document confidentielauquel a eu accès le « Wall Street Journal », avec notamment la construction d’un immense data center alimenté par une centrale nucléaire ukrainienne… occupée par les Russes.
Le plan américain fait miroiter aussi de juteux chantiers censés « sortir l’économie russe de l’isolement » avec des investissements américains dans l’extraction de terres rares, ou des forages pétroliers dans l’Arctique. Surtout, les Etats-Unis participeraient à un rétablissement des flux énergétiques russes vers l’Europe… alors que les Européens viennent de décider qu’ils se passeraient totalement du gaz russe à partir de 2027.
Yves Bourdillon et Emmanuel Grasland à Berlin
