LOI 4D en outremer

Loi « 4D» : état de calamité naturelle exceptionnelle, 50 pas géométriques, recentralisation du RSA, quelles dispositions pour les Outre-mer ?

Loi « 4D» : état de calamité naturelle exceptionnelle, 50 pas géométriques, recentralisation du RSA, quelles dispositions pour les Outre-mer ?

© Facebook Jacqueline Gourault

Promis par Emmanuel Macron, lors du Grand Débat national, aux élus ultramarins en février 2019, le projet de loi à la différenciation, à la  décentralisation, à la déconcentration et à la décomplexification » dite loi «4D», portée par la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales Jacqueline Gourault, vient d’être transmis au Conseil d’Etat. A cette occasion, Outremers 360 vous propose de découvrir les grandes lignes de ce projet de loi pour simplifier l’action publique en Outre-mer.

Après plusieurs semaines d’incertitude sur le devenir de ce projet de loi, tant attendu par les élus locaux, le projet de loi «4D» a été remis sur les rails par le Premier Ministre Jean Castex le 13 février dernier. Déposé auprès du Conseil d’Etat le 18 février pour rendre un avis juridique préalable, ce projet de loi se compose en 66 articles répartis dans huit titres dont un titre relatif à l’Outre-mer.

Porté par @J_Gourault, le projet de loi 4D, décentralisation, différenciation, déconcentration et décomplexification, sera présenté en Conseil des ministres au début du printemps prochain. pic.twitter.com/mGKtlfG75k

— Jean Castex (@JeanCASTEX) February 13, 2021

7 mesures pour les Outre-mer

Dans ce titre consacré à l’Outre-mer, le projet de loi actuellement rédigé prévoit dans son article 59, la création à titre expérimental d’un état de calamité naturelle exceptionnelle en Outre-mer. Cette expérimentation d’une durée de cinq ans, définit les conditions de déclaration de cet état de calamité naturelle exceptionnelle, avec trois conditions cumulatives : un aléa naturel majeur, une atteinte au fonctionnement normal des institutions et un danger grave imminent. Avec cette déclaration « d’état de calamité naturelle exceptionnelle» si elle est maintenue, elle « suspend les délais administratifs pendant l’état de calamité naturelle majeur et étend à l’état de calamité naturelle exceptionnelle la possibilité de mise en œuvre de procédures dérogatoires du code général des collectivités territoriales pour assurer la permanence des institutions».

L’article suivant porte sur le report de la date de transfert au bloc local de la zone des cinquante pas géométriques et de la fin de vie des agences des cinquante pas géométriques (article 60) : l’article permet de prolonger jusqu’en 2031 l’existence de l’agence des cinquante pas géométriques, alors que ces agences des cinquante pas géométriques aux Antilles devaient cesser leur activité au 1er janvier 2022. Il prolonge également jusqu’en 2024 les délais pour délimiter les zones urbaines dans ces espaces.

Dans son article 61, le gouvernement permet dans son projet d’adapter la prescription acquisitive immobilière à Mayotte. Depuis le 1er janvier 2008, les Mahorais peuvent se prévaloir de l’acquisition de la propriété des biens immobiliers par prescription acquisitive au terme d’un délai de trente ans,  à l’exception des immeubles en cours d’immatriculation et les droits en cours d’inscription au 1er janvier 2008, date d’entrée en vigueur de ladite ordonnance. Pour les Mahorais concernés par cette exception, ils devraient encore attendre dix-huit années pour se prévaloir de la prescription trentenaire. Pour résoudre cette difficulté et régler le sort des possesseurs sans titre, ou dotés d’actes qui n’ont pas les caractères du juste titre, cet article tend à prendre en compte, jusqu’au 31 décembre 2037, la période antérieure au 1er janvier 2008 pour établir le délai de prescription acquisitive de 30 ans. Cet article reprend ainsi une proposition de loi déposée par le Sénateur Thani Mohamed Soihili en octobre 2020.

Le projet de loi « 4D» prévoit aussi la création d’une catégorie d’établissements publics à caractère industriel et commercial en matière de formation professionnelle (article 62) dans les collectivités de Guadeloupe, de Guyane, de la Martinique, de La Réunion et de Mayotte.  Pour le Gouvernement, « cet article a pour objet de permettre à chacune des régions d’outre-mer la création d’un établissement public industriel et commercial en matière de formation professionnelle, placé sous sa tutelle. Afin de pouvoir mettre en œuvre les actions en matière d’orientation, de formation professionnelle et d’accès à la qualification qui lui sont confiées par la région, l’établissement public pourra créer des filiales».

Le titre Outre-mer du projet de loi consacre dans son article 63, la possibilité de permettre le financement participatif dans les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF). En 2018, la collectivité s’était vue dans l’impossibilité juridique de conclure une convention de mandat avec une plateforme de financement participatif, dans le cadre de la candidature  des «Terres et mer australes» déposée par la France auprès de l’Unesco, car  les TAAF n’étaient pas inscrite dans  les dispositions de l’article L. 1611-7-1 du code général des collectivités territoriales qui prévoient la possibilité pour les collectivités de confier à un organisme. « L’extension de cet article législatif aux TAAF permettra donc à la collectivité de diversifier ses sources de financement en lui permettant de confier à un organisme tiers l’encaissement de recettes issues d’un financement participatif».

L’article 64 entend faciliter le fonctionnement des conseils économiques, sociaux, environnementaux, de la culture et de l’éducation (CESECE) de Guyane et de Martinique, en supprimant l’obligation de subdivision en deux sections des CESECE de Guyane et de Martinique, organismes consultatifs uniques qui remplacent le CESER (conseil économique, social et environnemental régional) et le CCEE (conseil de la culture, de l’éducation et de l’environnement).

L’article 65 habilite le Gouvernement à adapter et étendre la présente loi en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie par ordonnance.

Enfin, l’article 66 prévoit les modalités de cession du foncier de l’Etat en Guyane en levant la limite spatiale imposée aux cessions à titre gratuit que l’Etat peut faire aux collectivités territoriales et qui pourrait constituer un obstacle aux transferts projetés. L’article vise aussi à instaurer une procédure de « silence vaut accord » pour débloquer, dans le cadre de la dotation gratuite  de terrains appartenant à l’Etat l’établissement public foncier et d’aménagement de Guyane, chargée de mettre en oeuvre par une opération d’aménagement multi-sites, l’option de la nécessité de recueillir préalablement l’accord de la commune sur le territoire de laquelle sont situés les terrains. « Or  jusqu’ici le silence gardé par les communes concernées a pour effet d’empêcher les transferts de terrains de l’Etat à l’établissement public, compromettant ainsi l’exécution de son engagement par l’Etat, comme la mise en œuvre des opérations que l’Opération d’intérêt national a pour objet de permettre».

Lire aussi : Projet de loi 4D : Rodolphe Alexandre envoie les contributions de la Guyane au Sénateur Patient

Gouvernance des ARS, Recentralisation du RSA, Compétences en matière de biodiversité

Le second titre de ce projet de loi « 4D» donne aux collectivités locales « une ambition écologique» en clarifiant la répartition de compétences dans le domaine de la transition. Dans le volet de la lutte contre le réchauffement climatique et la préservation de la biodiversité, l’article 13 prévoit par exemple prévoit le renforcement du pouvoir de police des maires et du représentant de l’Etat dans le département, en permettant notamment que l’accès aux espaces naturels protégés puisse être réglementé ou interdit par arrêté motivé.

Concernant l’aménagement du réseau routier nationale, le Gouvernement propose une décentralisation de routes nationales à titre expérimental aux régions volontaires d’exercer à titre expérimental pendant cinq ans la compétence d’aménagement et de gestion des routes nationales et autoroutes (article 7).

Dans le volet urbanisme du projet de loi, le Gouvernement ouvre aux collectivités d’outre-mer de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, dans son article 18, l’élargissement de l’application de la procédure d’acquisition des biens en état d’abandon manifeste sur tout le territoire de la commune (au lieu de son agglomération uniquement à ce jour) afin notamment d’inclure les périmètres des opérations de revitalisation du territoire (ORT) ou des grandes opérations d’urbanisme (GOU). Cet article prévoit aussi de ramener à dix ans, au lieu de trente ans actuellement, le délai pour lancer une procédure d’acquisition de biens sans maître en accordant en contrepartie une indemnisation au propriétaire si celui-ci se manifeste avant l’échéance de la prescription acquisitive de trente ans.

Parmi les autres dispositions prévues par ce projet de loi, le Gouvernement a inséré entre autres la possibilité d’accroître la place des élus dans la  gouvernance des ARS (article 23) avec la nomination de trois vice-présidents dont deux vice-présidents désignés parmi les représentants des collectivités territoriales à travers la transformation du conseil de surveillance en un conseil d’administration, de permettre le financement des établissements de santé par les collectivités territoriales, de donner la possibilité aux communes et aux départements de recruter du personnel de santé dans les centres de santé qu’ils gèrent.

Dans le volet de la cohésion sociale, le projet de loi instaure une expérimentation de la recentralisation du revenu de solidarité active (RSA) dans son article 27. « Il est ainsi proposé d’expérimenter, dès le 1er janvier 2022 avec quelques départements volontaires, le transfert à l’Etat de l’instruction administrative, de la décision d’attribution et du financement du RSA et du revenu de solidarité, de manière à mettre un terme aux difficultés chroniques de certains départements à assumer cette charge afin qu’ils puissent développer des politiques d’insertion adaptés et ambitieuses.»Une requête exprimée depuis deux ans par la présidente du Conseil Départemental de Guadeloupe Josette Borel-Lincertin. A ce jour, seules deux collectivités en Outre-mer ont pu bénéficier du financement du RSA par l’Etat : la Collectivité Territoriale de Guyane en 2017 et le Département de La Réunion en 2019.

Après l’examen de ce projet de loi par le Conseil d’Etat, le texte devrait ensuite être présenté en Conseil des ministres « fin mars ou début avril ». L’inscription de ce projet de loi à l’ordre du jour de la séance publique n’a pas été encore déterminé.

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