Audition de Bernard Doroszczuk au Sénat le 7Avril 2021, pdt de l’ASN

Les sénateurs de la Commission des Affaires Economiques étaient peu nombreux le 7 Avril mais leurs questions étaient sans concession: « Quelles peuvent être les perspectives du nucléaire? Notre filière est elle réellement dévastée? quelles sont les raisons des l’échec de Flamanville? Quid du démantélement? du stockage des déchets?…….. »

Il en fallait plus pour perturber le nouveau directeur de l’ASN (autorité de sureté nucléaire) nommé en 2018. C’est avec calme et sang froid qu’il a fait face à toutes ces questions pour la plupart critiques .

Il y aura des choix à faire mais ce n’est pas le rôle de l’ASN . Elle établira une liste de précautions à prendre en vue de la prochaine PPE, notamment celle de faire des choix robustes , des choix qui permettront d’assurer les besoins en une énergie pilotable et ce aux regards des enjeux de long terme, préconisant une prolongation des réacteurs existant, et la construction de nouvelles capacités de production. Certes notre filière a souffert mais nos pertes de compétences se revèlent principalement en chaudronnerie et pour répondre à d’autres besoins industriels sur les cinq ans qui viennent il nous faut reconstruire une économie mécanique, retrouver cette compétence que nous avons laissé filer entre les mains des sous traitants venus d’ailleurs. Les travaux pour prolonger les réacteurs du palier 900 MW à 50 ans, qui « débutent en 2021 avec un pic d’activité industrielle en 2026 » vont augmenter la charge de travail par trois dans les segments des travaux de génie civil et par six pour la mécanique (tuyauterie, échangeur, robinetterie) dans les cinq ans à venir. Tirons enseignement de ce constat comme de l’échec de l’EPR, à Flamanville comme en Finlande. Les travaux ont commencé alors que les études n’étaient pas achevées (un vilain défaut très courant d’EDF- ndlr). IL y a eu réellement un problème de gestion du projet, et entre la construction des anciens réacteurs au bon niveau de qualité et Flamanville, il y a eu Fukushima, de nouvelles règles de sécurité auxquelles n’est pas du tout prêt l’EPR.

Concernant le démantelement, l’effet « parc » devrait répondre aux problémes économiques. Les difficultés sont essentiellement du côté de la gestion des déchets . Et si l’on parle aujourd’hui de re qualification de la matière (pour limiter la masse de déchets) attention de ne pas entretenir des illusions, on manque encore de données pour le stockage, le coût afférent. Il faut revitaliser les commissions qui auront à décider.

En ce qui concerne les futurs énergétiques les décisions sont à prendre dans les cinq ans. Si nous réclamons encore des études, selon l’ASN , aucune filière ne sera opérationnelle au moment où l’on en aura besoin. « Le seul centre de stockage existant sera plein en 2028, Soulaines traine depuis dix ans, Cigeo à Bure est toujours controversé et la décision n’est pas prise. Le nucléaire est une technologie du temps long qui voit le jour quinze ans après la décision. »

Une autre salve de questions sur la séverité de nos normes, la dette du nucléaire, le vieillissement du parc, l’abandon du nucléaire, les questions de sécurité….trouva aussi réponses.

« Fukushima nous a fait progresser. Aujourd’hui plus personne ne peut prétendre qu’un accident nucléaire est impossible et nous a permis de repèrer les points de faiblesse du parc français sur lesquels nous devons travailler jusqu’en 2035 (perte d’alimentation électrique ou d’alimentation en eau froide). IL nous faut aussi enraciner encore davantage la culture de la sécurité. Concernant les normes, elles sont harmonisées avec les homologues chinois, hollandais, anglais…. » Pour le président de l’ASN cette période d’incertitudes est néfaste pour une industrie qui réclame de la perspective. Il faut veiller à ce que les capacités financières et techniques soient préservées et que les services de sécurité se rapprochent de la sureté nationale . A l’ étranger c’est un choix qui domine pas en France. Mais la sécurité est de la responsabilité de l’IRSN et pour l’ASN c’est de sureté dont on parle.

Contrairement à l’idée EDF de lancer rapidement la construction de six nouveaux EPR en France, le président de l’ASN propose une autre option. « Le choix audacieux serait de choisir le SMR pour le nouveau nucléaire » Les petits réacteurs nucléaires modulaires « présentent, sur le papier, potentiellement des avancées très significatives en terme de sûreté.  »

Bernard Doroszczuk a terminé sous les applaudissements « un fait rare au sénat » s’est plu à remarquer le Président.

Cette intervention semble parfaitement transparente. Et pourtant elle suit un principe dénoncé par Greenpeace « l’absence de chiffres » Nous laisserions nous abuser? En fait, outre les annonces, le président de l’ASN ne fait que refermer des questions connues de tous aujourd’hui et qu’une communication « démocratique » incite. Mais quel est le vrai coût du nucléaire? En fait rien n’est dit de plus que ce que nous disions quand nous réalions ce film  en 2003 « centrales nucléaires une déconstruction trop silencieuse »  https://www.dailymotion.com/video/xy133o

Le démantèlement de Chooz 1, commencé en 1993,  est pratiquement terminé. Pour le reste 20 ans plus tard  rien n’a vraiment changé : certes entre temps, nous sommes passés à l’euros, l’Allemagne a encore progressé , nous allons commencer à démanteler Fessenheim. Mais nous ne savons toujours pas exactement combien coûte la dé construction (15% de la construction dit l’expert dans le film) ou la gestion d’un accident comme celui de Fukushima , et la question des déchets n’est toujours pas résolue.

Dominique Martin Ferrari

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