La COP 26 et le dossier brûlant des Forets

Il faut trouver une solution avant la fin des dix prochaines années. Les promesses de protection en échange de milliards y parviendront elles ? La complexité et la légitimité des dossiers sèment le doute.

La première décision prise à Glasgow concerne le dossier forêt , ce qui  prouve son importance (les forêts absorbent 1/3 du CO2 de la planète).

Une décision bienvenue. L’absence du Président  Bolsonaro visé par une plainte pour « crimes contre l’humanité » déposée par l’ONG autrichienne Allrise, avait fait planer un doute. Mais en fait, à glasgow, la diplomatie bresilienne est fortement mobilisée et la délégation, conduite par le ministre de l’environnement Joaquim Leite,  tient à maintenir le droit du Brésil à disposer de la forêt amazonienne tout en restant membre de l’accord de Paris et  atteindre la neutralité carbone en 2050 

Depuis le début de son  mandat en 2019, l’Amazonie brésilienne a perdu quelque 10.000 km2 de forêt par an, l’équivalent de la superficie du Liban, contre 6 500 km2 par an lors de la précédente décennie et il a réduit de 42% le nombre d’amendes pour feux illégaux.

La mobilisation des peuples autochtones, (au statut d’observateurs),  et le regroupement de six états qui forment l’Amazonie (qui participent aux négociations) pour réclamer la mise en protection d’une des plus grandes forêts tropicales au monde ont influé les décisions .

Les peuples autochtones par la voix de Gregorio MIrabal en ont appelé aux pays les plus riches pour les aider.et estiment que le succès de cette mesure leur est due . Joseph Itongwa Mukumo, indigène Walikale de la République Démocratique du Congo, et Coordinateur du Réseau des Peuples Autochtones et des Communautés Locales pour la Gestion Durable des Ecosystèmes Forestiers a déclaré: « Nous sommes ravis de voir les peuples autochtones mentionnés dans l’accord sur les forêts annoncé aujourd’hui. Nous attendons avec impatience le jour où les secteurs politiques et économiques feront pression pour garantir la sécurité d’occupation des communautés, non seulement parce que c’est la bonne chose à faire, mais parce que c’est approprié — en fait urgent — à la lumière des preuves que nous représentons un solution efficace et inexploitée à la déforestation qu’ils n’ont pas pu arrêter seuls ».

Comment agir ?

Face à la souveraineté de l’état brésilien , les pays riches peuvent agir en n’encourageant pas les achats  de viande bovine. À titre d’exemple, les États-Unis importent chaque année 60.000 tonnes de bœuf brésilien. Quant à l’Union européenne, elle a importé selon Eurostat 26 millions de tonnes de soja en 2018 non pour l’alimentation humaine, mais en grande majorité à destination de nos animaux d’élevages.

Pour enrayer ces mouvements commerciaux (soja, huile de palme…) la France a proposé la SNDI (stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée) Une action à la fois commerciale et agricole puisqu’elle oblige à développer d’autres cultures sur nos territoires. Comme l’explique Alain Karsenty (CIRAD, IFRI) qui a participé à cette recherche https://www.dailymotion.com/video/x844vc4

Le gouvernement brésilien, premier exportateur mondial  de viande bovine estime à entre 30 et 40 milliards de dollars sa contribution depuis 2006 à la lutte contre la déforestation de l’Amazonie.. Le Brésil  entend en signant le « forest deal » «  être indemnisé« , a déclaré son vice-président, le général Hamilton Mourao à la presse avant la COP « L’Amazonie représente environ la moitié du territoire brésilien. Si nous devons en maintenir 80% intacts,- Nous parlons quand même de préserver 10 Allemagnes– ,  non seulement en raison de notre propre législation mais aussi pour coopérer avec le reste du monde afin d’empêcher ce changement radical du climat ,le Brésil devrait être indemnisé pour avoir fait ce travail au nom du reste de l’humanité, il doit y avoir une négociation […] dépassionnée, respectueuse« , a-t-il poursuivi. Le brésil réclame 100 milliards de dollars à la communauté internationale pour la reforestation. L’affaire reste donc en débat et le « forest deal » ne répond pas à cette demande.

Une demande qui va se heurter à une rivalité avec le Bassin du Congo, deuxième plus grande étendue de forêt tropicale de la planète. Les forêts tropicales d’Afrique centrale mobilisent beaucoup moins l’attention des milieux scientifiques et des pouvoirs publics que celles d’Amazonie . Or En mars 2020, un consortium international a montré que les forêts tropicales humides d’Afrique absorbent chaque année la même quantité de carbone que celle émise chaque année par l’utilisation de combustibles fossiles sur l’ensemble du continent africain dans les années 2010.

Les États africains refusent, également , de renoncer au développement économique. Leur discours mettra donc en avant leur besoin de compensation pour service environnemental rendu, si on leur demande de ne plus exploiter leurs forêts ou leurs gisements d’hydrocarbures, afin d’atténuer le réchauffement climatique mondial.

Heureusement pour les uns, malheureusement pour les autres  la compensation carbone sera au cœur des négociations.

C’est un dossier très technique car il y a presque autant d’outils que de cas, mais en général , en échange du soutien à un projet sequestrant ou réduisant les émissions  de CO2, on exporte des émissions, on contrebalance.

L’analyse des compensations est au cœur de la COP 26 et de toutes nos démarches dans les années à venir, car la science nous a beaucoup appris sur ces mécanismes de compensation et sans cette connaissance il sera impossible de définir des « marchés » (échanges) du carbone.Elles seront également au cœur de la négociation à Kunming en Avril/mai prochain (COP 15 biodiversité)

Forets, sols, océans pourraient « compenser » en stockant. Les protéger dispense d’avoir recours aux techniques mal connues proposées par la geo ingenierie.

Les gouvernements et les scientifiques avaient jusqu’ici sous-estimé l’importance de l’océan, et l’usage des terres pour atténuer le changement climatique. Planter des arbres a longtemps été considéré comme le principal moyens de stocker le carbone offrant de larges possibilités de compensation par ce qu’on appelle entre autres les mécanisme REDD+ . Une compensation que la Guyane assure pour les émissions françaises mais qui pourraient évoluer . Une équipe de 225 chercheurs (dont 4 du CIRAD) a démontré que  Les forêts tropicales sont confrontées à un avenir incertain Elles pourraient continuer à constituer un réservoir majeur de carbone dans un monde plus chaud, à condition que les pays limitent leurs émissions de gaz à effet de serre, afin de ne pas dépasser une température diurne de 32°C.

De plus en Californie, en Australie…  cette efficacité reste à démontrer , d’abord parce que les forets brûlent, les nouvelles et les vieilles, relarguant le CO2 emmagasiné.  Et aussi « parce que la promotion des mécanismes de compensation, dont se sont entichées notamment la finance et l’agroindustrie, détourne les décideurs politiques de la nécessité de réduire nos émissions et surtout porte atteinte aux droits humains,  rappelle le CCFD- terre solidaire. En effet, derrière ces mécanismes de compensation se cachent de nombreuses menaces aux conséquences irrémédiables : plantation de forêts mono spécifiques, accaparement des terres, expropriation des populations locales, souveraineté alimentaire mise à mal, accentuation des dérèglements climatiques .. »

Quant aux sols , certes ils stockent du CO2 mais ils relarguent du protoxyde d’azote encore plus polluant. Nous balbutions dans nos connaissances . La science s’attaque donc après le CO2,  au protoxyde d’azote et au méthane. Et le débat est loin d’être clos depuis que l’océan de plus en plus acide ne joue plus lui non plus son rôle de sequestration.

D Martin Ferrari

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