« progrés » maitrisé? ITER le futur? iter libérerait plus d’énergie que prévu (horizon 2050)

Puissantes éruptions solaires enregistrées par la caméra infrarouge EUI de la sonde européenne Solar Orbiter lors de son passage rapproché le 27/03/2022. © ESA & NASA/Solar Orbiter/EUI Team

Laurent SaccoJournaliste Publié le 25/05/2022 La fusion contrôlée ne devrait pas atteindre le seuil de la production industrielle d’énergie électrique dans le meilleur des cas avant l’horizon 2050. Mais selon une découverte récente, les réacteurs pourraient être capables de produire deux fois plus d’énergie environ qu’on ne le prévoyait. On ne devrait pas tarder à le savoir avec le projet Iter.Écoutez cet articlePoweredbyETX Daily Up00:00/06:27Vous aimez nos Actualités ?Inscrivez-vous à la lettre d’information La quotidienne pour recevoir nos toutes dernières Actualités une fois par jour.

Un groupe de chercheurs de l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) a fait une découverte importante pour l’avenir de la production d’énergie basée sur la fusion contrôléepar confinement magnétique. Elle concerne donc les tokamaks et elle sera mise en pratique pour des tests au moins dans le réacteur Iter quand il sera en fonctionnement. Rappelons que Iter n’est pas un prototype de réacteur à fusion pour la production industrielle d’électricité mais une sorte de laboratoire donnant une preuve concrète qu’une telle production est réaliste. Le prototype d’un tel réacteur a été appelé Demo et sauf découverte totalement imprévue, par exemple grâce au progrès de l’intelligence artificielleDemo ne devrait pas entrer en fonction avant l’horizon des années 2050.

La découverte qui a été faite par une équipe de l’EPFL sous la direction de Paolo Riccidu Swiss Plasma Center (EPFL), l’un des principaux instituts de recherche sur la fusion au monde, a été exposée dans un article publié dans les célèbres Physical Review Letters et on peut le consulter sur arXiv. Elle porte sur la possibilité d’utiliser le mélange de deutérium et de tritium, des isotopes de l’hydrogène dont le premier est facilement exploitable dans l’eau de mer avec des ressources quasiment illimitées, pour produire des réactions de fusion libérant plus d’énergie qu’elles n’en nécessitent pour être démarrées.

Dans cette vidéo animée, la première d’une série de trois, on répond aux premières questions que l’on peut se poser sur le programme Iter. Qu’est-ce qu’un plasma et qu’est-ce que l’énergie de fusion ? Pourquoi tenter de reproduire cette source d’énergie sur Terre, si abondante dans l’Univers, mais difficile à reproduire en laboratoire ? © ITER organization

Il faut pour cela chauffer à l’aide d’ondes électromagnétiques le mélange de gaz pour lui faire atteindre un nouvel état de la matière, le plasma. Les températures atteintes étant de l’ordre de 150 millions de degrés pour obtenir le résultat désiré, ce plasma doit être contenu par des champs magnétiques qui le confinent dans une sorte de bouteille magnétique en forme de tore. Il est sujet à diverses instabilités (en particulier celles à l’origine de ce que l’on appelle des disruptions) et turbulences, comme celles que l’on trouve à la surface du Soleilet qui produisent des éruptions. On a de bonnes raisons de penser que l’on peut maîtriser ces instabilités avec le réacteur Iter et surtout que sa taille permettra d’avoir le rendement des réactions de fusion nécessaire à une production industrielle d’électricité.

Cet espoir est le fruit de décennies de recherches qui ont progressé selon la même loi de Moore que les ordinateurs, même si le grand public peut avoir l’impression que ces recherches stagnent au contraire depuis plus de 50 ans avec des promesses non tenues. Une étape importante a cependant été franchie à la fin du XXe siècle avec un réacteur européen, le Joint European Torus (JET) au Royaume-Uni, mais aussi l’ASDEX Upgrade en Allemagne et le tokamak TCV de l’EPFL.

Une nouvelle limite de Greenwald pour les tokamaks

Les expériences menées avec ces machines de la noosphère ont confirmé notamment une célèbre loi établie empiriquement qui exprime une corrélation entre la densité du combustible, le rayon mineur du tokamak (le rayon du cercle interne de l’anneau) et le courant qui circule dans le plasma à l’intérieur du tokamak. Elle avait été découverte en 1988 par le physicien Martin Greenwald, et elle porte son nom puisqu’on l’appelle depuis la « limite de Greenwald ». Cette loi est au cœur de la stratégie de construction d’Iter.

Mais qu’ont donc découvert en rapport avec elle les chercheurs de l’EPFL ? Tout simplement, une révision de cette loi qui implique que l’on peut utiliser en toute sécurité une plus grande quantité d’hydrogène dans les tokamaks, et obtenir ainsi plus d’énergie qu’on ne le pensait auparavant.

Dans un communiqué de l’EPFL, Paolo Ricci donne quelques précisions sur ce sujet en expliquant qu’« afin de produire un plasma pour la fusion, trois éléments sont à prendre en compte : une température élevée, une densité élevée d’hydrogène et un bon confinement. L’une des limites de la production de plasma dans un tokamak est la quantité d’hydrogène que l’on peut y injecter. Depuis les débuts de la fusion, on sait que si l’on essaie d’augmenter la densité du combustible, il se produit à un moment donné une « perturbation ». En gros, on perd totalement le confinement et le plasma part n’importe où. Dans les années 1980, on a essayé de trouver une sorte de loi permettant de prédire la densité maximale d’hydrogène que l’on peut mettre dans un tokamak ».

Le début d’un cours sur la physique des plasmas par Paolo Ricci. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l’écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © EPFL

Un mélange deutérium-tritium deux fois plus dense

C’est précisément cette loi que l’on appelle la limite de Greenwald. Paolo Ricci poursuit ses explications à son sujet : « Martin Greenwald a établi la loi de manière empirique, c’est-à-dire entièrement à partir de données expérimentales, et non à partir d’une théorie testée ou de ce que nous appellerions des premiers principes. Pourtant, la limite a plutôt bien fonctionné pour la recherche. Et, dans certains cas, comme celui de Demo (le successeur d’Iter), cette équation constitue une limite importante à leur fonctionnement, car elle dit que l’on ne peut pas augmenter la densité du combustible au-delà d’un certain seuil. »

Mais cela vient de changer, notamment grâce à de nouvelles simulations numériquesentreprises par Maurizio Giacomin, doctorant dans l’équipe de Paolo Ricci, comme l’annonce le communiqué de l’EPFL. « Les simulations exploitent certains des plus grands ordinateurs du monde, tels que ceux mis à disposition par le CSCS, le Centre national suisse de calcul scientifique, et par EUROfusion. Grâce à nos simulations, nous avons constaté qu’à mesure que l’on ajoute du combustible dans le plasma, des parties de celui-ci se déplacent de la couche froide externe du tokamak – c’est-à-dire à la périphérie – vers son cœur, car le plasma devient plus turbulent. Ensuite, contrairement à un fil électrique en cuivre, qui devient plus résistant lorsqu’il est chauffé, les plasmas deviennent plus résistants lorsqu’ils refroidissent. Ainsi, plus vous y mettez de combustible à la même température, plus certaines de ses parties se refroidissent – et plus il est difficile pour le courant de circuler dans le plasma, ce qui peut entraîner une perturbation », précise à nouveau Paolo Ricci.

Au final, on pourra presque doubler la quantité d’hydrogène dans un réacteur comme Iter et surtout Demo, et donc presque doubler la production d’énergie envisagée.

Reste à vérifier cette nouvelle limite de Greenwald, ce que, hélas, ne pourra pas voir l’ancien directeur général d’ITER Organization qui était en poste depuis 2015, Bernard Bigot, puisqu’il s’est éteint le 14 mai 2022, emporté par la maladie à l’âge de 72 ans.

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