bettina laville, présidente du Comité 21, une juste vision des choses. Que fait la grande presse pour l’écologie (manque t elle de cerveau? Sont ils tous dans les écuries?)

Quelques réflexions sur l’organisation gouvernementale

Nous vivons un paradoxe depuis la campagne présidentielle : contrairement à ce qui a été dit, les sujets de durabilité, de transition écologique n’ont jamais été aussi présents ; tous les candidats ont avancé un programme écologique, et, maintenant que le Gouvernement est constitué, un débat de fond sur les structures gouvernementales est « sur la table ». Ce sont les journalistes « mainstream » qui ont eu du mal à poser les questions écologiques aux candidats, pas les candidats… si bien que plusieurs tribunes ont appelé à plus de place pour le climat dans la presse (évaluée à moins de 3% en janvier). Le résultat médiocre de EELV (Europe Ecologie Les Verts) a confirmé cette impression d’indifférence, mais, entre les deux tours, le Président Macron a consacré un discours entier à l’écologie (à Marseille), tandis que les 22% de Jean Luc Mélenchon ont été attribués au vote de jeunes voulant l’efficacité pour l’écologie.

Bref, comme l’a dit le Président de la République, le quinquennat sera « écologique » ou ne sera pas.

De ce fait, la Première Ministre est en charge directement de l’écologie, avec deux Ministres pour la transition écologique et de la cohésion du territoire, un chargé de la transition énergétique, et un secrétaire général. La Première ministre annonce la création auprès d’elle, d’un Secrétariat général à la Planification écologique chargé de coordonner l’élaboration des stratégies nationales en matière de climat, d’énergie, de biodiversité et d’économie circulaire. Il veillera à la bonne exécution des engagements pris par tous les ministères en matière d’environnement. Le titulaire du poste est Antoine Pellion, en même temps conseiller au cabinet de la Première ministre, en tant que chef de pôle Écologie, Transports, Énergie, Logement et Agriculture. L’homme fort du dispositif, le seul qui porte le titre, évoqué par le Président dans son discours de Marseille, de « planificateur » de l’écologie.

Si cette organisation est confirmée au-delà des élections législatives, il convient d’identifier sa signification qui, à notre sens, est l’aboutissement de très nombreuses années de réflexion administrative :

1. Depuis le Grenelle de l’environnement, le Ministère de la Transition écologique est un « grand Ministère » mais n’a pas l’efficacité qu’exige pourtant la situation. Il faut espérer que l’autonomie des Directions qui traitent de la nature et de l’aménagement, avec la cohésion du territoire, redonnera à ces domaines une vitalité nouvelle, et indispensable.

2. La planification énergétique devient autonome, la DGEC (Direction générale Energie et Climat) en sera le pilier, reste à voir dans les décrets d’attribution le lien avec le Ministère de l’Industrie, et, par la suite, le statut de l’Ademe. Sa signification politique est évidemment la décarbonation, il faut espérer que l’adaptation trouvera une place accrue dans le dispositif DGEC. Le fait que la Ministre en charge occupait avant le portefeuille de l’Industrie indique que l’action concrète est au cœur de cette planification. De toutes façons les échéances sont proches : Transcription du Fit for 55, nouvelle PPE, nouvelle SNBC (Stratégie Nationale Bas-Carbone) etc.

3. Un secrétariat général de la planification a trois significations : une, administrative, prendrait tout son sens si le SG disposait au moins du CGDD (Commissariat général au développement durable) et de France Stratégie ; une deuxième, stratégique, voudrait qu’il harmonise les différents schémas nationaux et locaux, pour que la France déroule une planification harmonieuse, et acceptable localement ; la troisième, politique, est exprimée dans l’énoncé de ses missions : coordonner les priorités écologiques avec d’autres Ministères, particulièrement l’Agriculture et la Santé, d’autant que cette dernière a dans son intitulé l’expression « prévention ». Il sera intéressant de voir le sort réservé au Conseil de défense écologique, placé au niveau du Président dans le premier quinquennat.

4. On a envie de dire que c’est à la Première Ministre, chargée de l’écologie, de conjuguer l’écologie avec les arbitrages du Ministère des Finances, qui a longtemps mis des bâtons dans les roues à toutes les reformes écologiques… Le Ministre des Finances n’a-t-il pas déclaré vouloir « faire de Bercy un ministère modèle en matière de transition écologique », en assurant que « tous nos choix politiques seront passés au crible de cette ambition : la décarbonation industrielle, les garanties du Trésor, les finances publiques avec le budget vert, la nature des investissements ».

Cette organisation porte la marque d’une fine connaissance de l’administration, qu’on ne peut dénier à la Première Ministre, car elle permet de nouvelles répartitions sans dépeçage des services, ce qui, évidemment, aurait fait perdre du temps ; une fois publiés les décrets d’attribution, les services sont prêts. Elle porte aussi la marque d’une nouvelle époque : priorisée, l’écologie est banalisée, en ce sens qu’on la confie à des personnalités qui sont connues plus pour leur efficacité et leur capacité de travail que par les parcours symboliques de pionniers ; c’est un peu la récupération du slogan de la malheureuse candidate de LR : faire, et ne plus seulement dire.

Avouons que le temps des rapports de sensibilisation, d’avertissement, d’alarme est passé. Celui du GIEC, avec ses déclinaisons continentales, et même nationales, nous donne toutes les informations mobilisatrices. Les acteurs ont énormément progressé dans la conscience des phénomènes, y compris le secteur privé ; seules subsistent des poches sociales, réticentes, incrédules ou révoltées, qui seront surmontées si la justice sociale intègre la justice climatique. Donc, l’avenir dira si cette nouvelle configuration est celle de l’action, du concret, du passage à l’acte écologique, autrement dit de la transformation, chère au Comité 21…

Bettina Laville, Présidente du Comité 21

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