Variole du singe. Doit-on s’attendre à une pandémie mondiale ?(avec Ouest France, la matinale)

La variole du singe, maladie caractérisée par une éruption cutanée, touche de plus en plus de pays hors d’Afrique et s’étend en Europe, notamment en France. Faut-il s’attendre à une pandémie comme celle du Covid-19 ? Explications avec Yannick Simonin, virologue et enseignant chercheur à l’université de Montpellier (Hérault).

« Avec la variole du singe, doit-on s’attendre à une pandémie mondiale comme avec le Covid-19 ? » Explications de Yannick Simonin, virologue et enseignant-chercheur à l’université de Montpellier (Hérault).

Après les États-Unis et plusieurs pays européens, notamment l’Espagne et le Portugal, le Royaume-Uni, l’Allemagne ou encore la France sont également touchées par la variole du singe. Si la plupart des cas sont pour l’heure sans gravité, cette vague inhabituelle hors d’Afrique et rare en Europe préoccupe les autorités sanitaires. Mais peut-on comparer la pandémie de Covid-19 à cette maladie rare en Europe ? « La situation actuelle avec des cas de variole du singe identifiés dans différents pays hors d’Afrique n’est pas comparable à la situation de la pandémie Covid-19 », nous répond Yannick Simonin.

Connaît-on ce virus et comment ça s’attrape ?

Ceci pour plusieurs raisons. D’abord, il faut savoir que la variole du singe « est un virus que l’on connaît depuis plus de 60 ans. Ce n’est donc pas un virus “nouveau” comme le SARS-CoV-2. On sait que ce virus se transmet assez difficilement de personne à personne. Il nécessite un contact prolongé et rapproché pour pouvoir se transmettre, notamment par les fluides biologiques. On s’attend donc à une capacité de propagation beaucoup plus faible qu’avec le Covid-19 qui se transmet assez facilement dans l’air par aérosol à l’intérieur des gouttelettes respiratoires ».

La variole du singe n’est autre qu’une maladie cousine moins dangereuse de la variole, éradiquée depuis une quarantaine d’années. Elle se traduit d’abord par une forte fièvre et évolue rapidement en éruption cutanée, avec la formation de croûtes, notamment sur le visage.

Habituellement transmise à l’être humain par des rongeurs sauvages ou des primates, une transmission interhumaine est également possible, par contact direct avec les lésions cutanées ou les muqueuses d’une personne malade. « C’est un virus très fréquemment bénin et le variant qui a été identifié en Europe ou en Amérique du Nord, qu’on appelle variant de l’Afrique de l’Ouest, est le variant le moins virulent des deux versions connues du virus », ajoute le virologue.

Les autorités sanitaires se gardent, en tout cas, de dresser des parallèles avec la pandémie mondiale de Covid-19. « Il y aura un suivi des cas contact beaucoup plus léger que celui du Covid : contrairement à ce qui se produit avec le virus du SARS-Cov2, une personne infectée n’est en effet pas contagieuse avant le début des symptômes », a expliqué Alexandra Mailles, épidémiologiste à Santé publique France, vendredi 20 mai 2022 lors d’un point presse.

Lire aussi : Variole du singe. Plusieurs cas suspects à l’étude en France

Un homme atteint de la variole du singe, au Congo en Afrique, en 1997. | CDC/BRIAN W.J. MAHY / REUTERS
Combien de pays sont concernés par la variole du singe ?

À ce jour, au moins huit pays européens ont signalé des cas de variole du singe : le Portugal, l’Espagne, l’Allemagne, la Belgique, la France, l’Italie, le Royaume-Uni et la Suède. « Des cas semblables et récents ont également été signalés en Australie, au Canada et aux États-Unis », a précisé Hans Kluge, responsable de l’antenne européenne de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), dans un communiqué. Au total, 85 cas sont confirmés et une cinquantaine d’autres sont à l’étude, selon l’OMS.

Vendredi 20 mai, la DGS et Santé publique France annonçaient qu’un premier cas avéré de variole du singe avait été enregistré en Île-de-France. Il s’agit d’un homme de 29 ans, localisé en région parisienne, sans antécédent de voyage dans un pays d’Afrique centrale ou de l’Ouest, régions dans lesquelles circule le virus. Dès la suspicion de son infection, cette personne a été prise en charge et, en l’absence de gravité, est isolée depuis à son domicile.

Les cas révélés pour le moment semblent ressortir d’une souche plutôt bénigne du virus avec un taux de mortalité de 1 %. Ce chiffre doit être relativisé par le fait qu’il se rapporte à des pays en voie de développement où les systèmes de santé sont moins efficaces.

Lire aussi : Variole du singe. Le nombre de cas va augmenter dans le monde, prédit l’OMS

Quid de la contagion ?

« Pour la population en général, la probabilité de contagion est très faible », indique le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) ce lundi 23 mai dans sa première évaluation des risques depuis l’apparition inhabituelle de dizaines de cas en Europe et en Amérique du Nord.

« Toutefois, la probabilité de transmission du virus en cas de contact proche, par exemple durant des rapports sexuels avec des personnes ayant plusieurs partenaires, est considérée comme élevé », souligne l’agence dans son rapport.

L’agence européenne recommande l’isolement de tous les cas jusqu’à ce que les lésions provoquées par la maladie « soient complètement guéries ».

Existe-t-il des traitements ?

« Il faut insister sur le fait que la plupart des cas actuellement examinés en Europe sont légers, a déclaré le directeur de l’OMS pour l’Europe. La variole du singe est généralement une maladie qui se guérit d’elle-même […] après quelques semaines sans traitement. » Concrètement, il n’existe pas de traitement pour cette maladie transmissible par contact avec une personne atteinte ou ses liquides organiques, dont la salive. Cette infection virale se guérit d’elle-même.

Par ailleurs, « une partie de la population, majoritairement les personnes âgées de plus de 50 ans, a été vaccinée contre la variole humaine, vaccin qui protège également partiellement de l’infection avec la variole de singe. Nous ne sommes donc pas face à une population totalement dépourvue de protection immunitaire contre ce virus, contrairement à ce qui s’est passé avec la pandémie Covid-19, explique l’enseignant-chercheur. Puis, ce virus n’a pas le même type de génome que le SARS-CoV-2. En effet, son matériel génétique est formé d’ADN. Tandis que celui du SARS-CoV-2 est de l’ARN (l’acide ribonucléique est un acide nucléique présent chez pratiquement tous les êtres vivants, et aussi chez certains virus). Ceci lui confère une capacité de mutation beaucoup moins importante que le SARS-CoV-2, ce qui limite de façon importante le risque d’avoir de nouveaux variants de ce virus régulièrement ».

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *