Formation au réchauffement climatique proposée à Macron et à son gouvernement

L’idée ? Vingt heures de cours pour mieux comprendre les enjeux de la transition écologique. « Il s’agit de manger un peu de physique, un peu de chimie, un peu de biologie et quelques calculs d’ordre de grandeur », détaille Jean-Marc Jancovici. Une pétition, relayée par dix-sept personnalités et qui a recueilli plus de 55 000 signatures, a été lancée pour demander la mise en place de cette formation obligatoire.

En quoi consisterait-elle ? Éléments de réponses avec Damien Amichaud, chef de projet chargé de l’enseignement supérieur au Shift Project, et Alexandre Florentin, élu écologiste de la Ville de Paris et directeur de Carbone 4 Academy, qui propose des formations aux dirigeants d’entreprises.

Vingt heures pour former à la transition écologique, c’est jouable ?

Alexandre Florentin : J’ai la preuve par la pratique que oui, c’est jouable. Nous l’avons déjà fait avec des chefs d’entreprise. L’important, c’est de comprendre qu’une telle formation ne vous donnera pas de réponses toutes faites, elles n’existent pas de toute façon, mais peut vous amener à vous poser les bonnes questions. C’est tout sauf gadget.

Damien Amichaud : J’imagine que les membres du gouvernement ont une tête bien faite et qu’il n’y aura pas besoin de passer trop de temps sur les aspects politique et économique. On serait plus sur un premier niveau de compétences pour comprendre le changement climatique et la biodiversité, qui sont des portes d’entrée vers d’autres sujets.

Nos dirigeants ont déjà accès aux rapports du Giec qui devraient guider leurs actions. Et pourtant, on a l’impression que rien ne change. En quoi une formation serait utile ?

Damien Amichaud : Le niveau de connaissance semble être hétérogène au sein du gouvernement. Cette formation permettrait de mettre tout le monde au même niveau et de faire bouger quelques convictions. Et puis personne ne pourra dire qu’il n’était pas au courant des enjeux. Même si aujourd’hui, on n’entend quasiment plus les climatosceptiques.

Alexandre Florentin : Le constat est souvent connu. Mais la formation permet de remettre les briques dans le bon ordre, d’échanger avec des pairs, de comprendre le pourquoi et de décrire précisément les conséquences, d’entendre des témoignages qui peuvent faire évoluer votre réflexion.

Lire aussi : POINT DE VUE. Environnement : 20 heures pour changer de règles du jeu

« Les lois de la physique ne sont pas négociables »

Quel serait le fil conducteur de cette formation ?

Damien Amichaud : Les politiques doivent comprendre qu’on ne négocie pas avec le vivant comme avec l’économie. Si vous lancez une pomme, vous pouvez écrire un texte pour interdire qu’elle tombe, le principe de Newton s’appliquera quand même. Les lois de la physique ne sont pas négociables ! C’est pareil avec les gaz à effet de serre. Il est important de comprendre le point de vue scientifique, au départ de la réflexion, et d’en voir ensuite les conséquences physiques et sociales.

Alexandre Florentin : Si on ne redit pas à quel point on a déjà dépassé les limites planétaires, cela ne fonctionnera pas. Il y a un aspect claque devant l’avalanche de données scientifiques. Beaucoup de gens, lors de formations, nous disent que c’est plus grave que ce qu’ils pensaient. Il faudrait faire comprendre à la start-up nation, qui cherche souvent à dépasser les limites, que ce n’est pas possible avec les ressources naturelles.

Sur quels aspects insisteriez-vous ?

Damien Amichaud : Sur les rôles de la sobriété et de la technologie. Croire que la technologie peut tout régler – c’est un peu le credo d’Emmanuel Macron – c’est un miroir aux alouettes. Elle est utile mais n’apporte pas une solution unique, il ne faut pas tout miser dessus. La meilleure énergie pour la planète, ça reste celle que l’on ne consomme pas.

Alexandre Florentin : Il y a cette croyance que la technologie peut tout résoudre. Mais si elle peut apporter une réponse à un endroit, elle ne règle pas un problème systémique. Et puis les politiques ont tendance à relativiser les problèmes, à chercher le moins d’emmerdements possible. Ça peut marcher dans le cadre social et économique, pas là. Il faut au contraire définir ce à quoi on est prêt à renoncer dans notre mode de vie.

« Ce n’est pas une histoire d’Amish, de bobos ou d’éleveur de chèvres »

Est-ce un discours qu’Emmanuel Macron peut entendre, lui qui a ironisé sur le modèle Amish ?

Alexandre Florentin : La transition écologique, ce n’est pas une histoire d’Amish, de bobos ou d’éleveur de chèvres dans le Larzac… Le climat a déjà changé, on doit se préparer au retour de bâton, imaginer un État résilience. D’ailleurs, on n’est pas obligé d’attendre le gouvernement là-dessus. Cela peut se faire au niveau territorial, dans les collectivités locales.

Damien Amichaud : On ne peut pas croire à une croissance infinie dans un monde fini. Mais il faut aussi prendre en compte la justice climatique. L’exemple de l’augmentation du prix des carburants et des Gilets jaunes, c’est typiquement ce qui ne marche pas. Le coût de l’essence n’a pas le même impact que l’on soit pauvre ou riche.

Emmanuel Macron et son gouvernement qui suivent une formation de vingt heures, cela vous semble réaliste ?

Alexandre Florentin : Accepter cette formation, ce serait un vrai signe de bonne volonté. Je ne pense que ces vingt heures empêcheraient l’administration de tourner. Est-ce que ce gouvernement y est prêt ? Je ne sais pas mais j’ai envie d’y croire.

Damien Amichaud : Ça peut aboutir. En Suisse, les élus du Parlement ont suivi une formation sur l’état climatique et les conséquences du changement climatique même s’il a fallu qu’un militant fasse pendant 39 jours une grève de la faim pour les y obliger. Aujourd’hui, avec la nouvelle architecture du gouvernement, l’idée d’une planification écologique qui a fait son chemin, vingt heures de formation, cela me semble envisageable.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *