Appliquer le zero artificialisation nette (CESE)

Le Cese plaide pour le maintien du calendrier en réponse aux élus qui réclament un nouveau moratoire:Plus question de tergiverser sur la mise en place du zéro artificialisation nette (ZAN) sachant que l’artificialisation a augmenté de 57.600 hectares en moyenne par an entre 1982 et 2019 « La préservation, quantitative et qualitative, du sol constitue un enjeu majeur, qui appelle des actions volontaristes et urgentes« , Le Conseil économique, social et environnemental (Cese) a adopté à une grande majorité un avis intitulé « Du sol au foncier, des fonctions aux usages, quelle politique foncière ? » Il demande de  procéder sans tarder à la révision des documents d’urbanisme pour engager la transition vers le zéro artificialisation nette (ZAN) d’ici 2050, prônant un point d’étape dès 2026, par Sraddet et proposant de réhabiliter la valeur du sol, « trop souvent considéré comme une ressource illimitée », et d’accorder à cette valeur sa gestion et le partage de ses usages, « sachant qu’il ne suffit pas d’ôter le béton pour rétablir les fonctions écosystémiques du sol. »

Cela suppose d’accompagner les opérateurs économiques des territoires et de ne pas pénaliser les collectivités vertueuses qui ont été économes en foncier durant la période de référence. L’avis appelle en outre à pérenniser le « fonds friches » pour en faire un « fonds ZAN » englobant tous les terrains susceptibles d’être aménagés sans nouvelle extension urbaine, comme les « dents creuses » en zones agglomérées.Le Cese préconise d’intégrer aux schémas de cohérence territoriale (ScoT) les enjeux essentiels que sont les usages et la protection des sols, la production alimentaire, via notamment les zones agricoles protégées (ZAP) et en lien avec les projets alimentaires territoriaux (PAT), ainsi que le climat, la biodiversité, la gestion de l’eau et les paysages. Dans cet objectif, il invite à imaginer des outils et des méthodes adaptés pour y associer les habitants et les acteurs économiques et sociaux du territoire.

Il relève par ailleurs l’incohérence entre la définition de l’artificialisation par la loi en référence aux fonctions écosystémiques du sol et ce qui est mesuré par les outils existants sur la base de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF), c’est-à-dire d’une appréciation surfacique liée à une déclaration fiscale. Pour le Cese, le ZAN doit être apprécié à partir de la compensation de pertes des fonctions écologiques et agronomiques des sols et non sur un différentiel de surfaces « artificialisées » et « non artificialisées », qualités reposant sur des notions de couvertures et/ou d’usages des sols.

Côté gouvernance, le Cese recommande d’élargir les missions du Cerema en y adossant explicitement le suivi de la qualité des sols et de l’atteinte du ZAN et propose de fusionner l’Observatoire de l’artificialisation des sols et celui des espaces naturels, agricoles et forestiers (OENAF), installé en 2016 mais qui en pratique ne fonctionne pas. Il apparaît également souhaitable que les commissions de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) soient consultées sur les documents d’urbanisme le plus en amont possible.

Parmi les solutions susceptibles d’être mises en œuvre pour limiter la spéculation sur la terre et permettre l’installation d’agriculteurs, le Cese préconise le portage foncier, qui peut se concrétiser de façon temporaire ou bien sur le  long terme, en s’appuyant sur des investisseurs publics, notamment des collectivités ou sur des initiatives foncières citoyennes. Pour préserver les rôles écologiques, alimentaires et agronomiques des sols, il recommande aussi de réserver strictement la pose de panneaux photovoltaïques aux bâtis, aux surfaces déjà artificialisées ou dans le cadre de véritables projets d’agrivoltaïsme tels que définis par l’Ademe, c’est-à-dire qui permettent une synergie entre une production agricole principale et une production photovoltaïque secondaire.

Une fiscalité au service de la préservation du sol

Deux propositions sur ce volet pour favoriser l’atteinte du ZAN : systématiser la taxe forfaitaire communale sur la cession à titre onéreux de terrains rendus constructibles (TFTC), aujourd’hui facultative, majorer son taux ainsi que celui de la taxe de « lutte contre l’artificialisation des terres agricoles » pour parvenir à un montant de prélèvement global d’environ 70% en prenant en compte l’impôt sur le revenu (point qui a fait dissensus, certains groupes du Cese étant opposés à ce niveau de taxation) et limiter les dérogations quant à l’application de ces taxes ; créer un fonds national, d’un montant au moins équivalent à ces recettes fiscales, destiné notamment à la réhabilitation ou à la réutilisation d’espaces artificialisés et à l’accompagnement et la mise en œuvre de l’ingénierie d’urbanisme par les collectivités.
Plus globalement, le Cese appelle à revoir les dispositifs fiscaux actuels pour s’assurer qu’ils répondent à l’objectif de la frugalité foncière et de  la réduction de l’imperméabilisation des surfaces afin de parvenir à une véritable  « fiscalité ZAN ».

Connaître pour reconnaître

« Le sol est peut-être le plus vital et, paradoxalement, le plus méconnu de tous les éléments constitutifs des écosystèmes terrestres », constate la rapporteure. Le Cese préconise de développer la formation des acteurs de l’aménagement (élus, ingénieurs, urbanistes, architectes, fonctionnaires…) sur l’importance de la préservation des fonctionnalités écologiques des sols. Un effort de sensibilisation sur le rôle clé du sol et le caractère limité des terres doit parallèlement être réalisé à destination du grand public et en particulier des élèves.

Cette importance vitale du sol et son partage en tant qu’élément constitutif du patrimoine commun, dans le respect du droit de propriété et de la liberté d’entreprendre, doit aussi être lisible dans notre arsenal juridique. L’avis propose donc de les faire figurer à l’article L.110-1 du Code de l’environnement et au livre II titre IV « Sols et sous-sols » du même code, afin de poursuivre la construction d’un véritable régime juridique de la protection du sol comportant des indicateurs de bon état écologique et agronomique. Il conviendrait en particulier d’aborder l’état qualitatif des sols dans les études d’impact et les diagnostics préalables pour tout projet causant une artificialisation ayant un impact local. C’est en pratique assez rarement le cas.

Quant à la séquence « ERC » (Eviter-Réduire-Compenser), force est de constater qu’elle n’a pas été calibrée pour protéger le sol. Le Cese recommande donc de privilégier effectivement l’évitement de la dégradation du sol dans le cadre de la séquence « ERC » et invite à l’appliquer sur tous les projets « dès le premier hectare et pour la biodiversité ordinaire ».

Enfin, il appuie le développement d’une stratégie européenne pour les sols, alors que 60 à 70% de ceux de l’UE ne seraient pas sains, avec à la clef une législation spéciale.

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