vu dans FUTURA: Des scientifiques ont fait une découverte étonnante sur les cascades rouge sang en Antarctique

Des chercheurs ont étudié au microscope électronique à transmission des échantillons des cascades de sang, en Antarctique. Ils y ont découvert de drôles de nanosphères de fer. © Peter Rejcek, National Science Foundation

Les cascades de sang. Plus de 100 ans maintenant qu’elles ont été découvertes du côté de l’Antarctique. Mais elles semblent ne pas encore avoir livré tous leurs secrets.

Elles jaillissent du glacier Taylor, en Antarctique. Des cascades à la couleur rouge qui leur a valu le surnom de cascades de sang. Une couleur qui, au moment de leur découverte en 1911, a d’abord été mise sur le compte d’une algue. Plus récemment, une étude avait révélé que le phénomène pourrait être plutôt dû à l’existence d’un réseau de rivières et d’un lac sous-glaciaire – dans lequel la vie s’était installée – charriant une eau salée riche en fer. De quoi permettre à la fois à cette eau de rester liquide dans cet environnement froid. Et de prendre une couleur rougeâtre par oxydation des sels de fer.

En y regardant de plus près, une équipe de chercheurs américains a fait une découverte étonnante à ce sujet. Ils ont observé, dans cette eau pas tout à fait comme les autres, une quantité de nanosphères. Des sphères environ 100 fois plus petites même que les globules rouges humains. Des sphères riches en fer et qui contiennent aussi de nombreux autres éléments. Du silicium, du calcium, de l’aluminium ou encore du sodium. Des sphères toutes différentes.

Pour entrer dans la catégorie des minéraux, les atomes doivent être disposés dans une structure cristalline très spécifique. Or les nanosphères découvertes par les chercheurs dans les cascades de sang ne sont pas cristallines. © Amed, Adobe Stock

POUR ENTRER DANS LA CATÉGORIE DES MINÉRAUX, LES ATOMES DOIVENT ÊTRE DISPOSÉS DANS UNE STRUCTURE CRISTALLINE TRÈS SPÉCIFIQUE. OR LES NANOSPHÈRES DÉCOUVERTES PAR LES CHERCHEURS DANS LES CASCADES DE SANG NE SONT PAS CRISTALLINES. © AMED, ADOBE STOCK

Mieux comprendre les autres planètes

Et ces nanosphères ne sont pas cristallines, rapportent les chercheurs. Ce qui explique pourquoi elles n’avaient pas été détectées avec les instruments classiques utilisés jusqu’ici pour étudier cette eau. Des instruments dédiés à l’examen de minéraux. Seul le microscope électronique à transmission a pu les mettre à jour.

Le travail des chercheurs américains montre ainsi que les analyses menées par les rovers envoyés sur d’autres planètes pourraient bien se révéler incomplètes. Elles pourraient ne pas être à même de montrer la véritable nature des matériaux à la surface de ces planètes. Notamment dans le cas des planètes froides, comme Mars. Et elles pourraient même passer à côté de quelques preuves de l’existence d’une forme de vie sur la planète rouge. Dans des environnements qui ressembleraient à ceux du glacier Taylor, en Antarctique.


En Antarctique, une étrange poche de vie isolée du reste du monde

En Antarctique, des micro-organismes ont réussi à s’accommoder, depuis plus d’un million d’années, d’un environnement totalement dépourvu de lumière, d’oxygène et de chaleur. Leur astuce : respirer du fer.

Article de Jean Etienne paru le 22/04/2009

Une poche d’eau de mer, piégée depuis 1,5 million d’années en Antarctique, sous le glacier Taylor (près de la terre Victoria), vient de livrer un secret fascinant. Cette masse d’eau, d’une température moyenne de -10°C, ne reçoit jamais la lumière du jour, est dépourvue d’oxygène et apparaît chargée en sel, en fer et en sulfates. Régulièrement, des écoulements d’eau rougie provenant des profondeurs du glacier suggèrent la présence d’algues rouges, hypothèse à laquelle s’étaient ralliés les premiers scientifiques ayant exploré la région. Mais l’absence de sulfures, qui auraient dû provenir de la métabolisation du soufre par les micro-organismes, avait cependant infirmé cette théorie.

Plus récemment, la géomicrobiologiste Jill Mikucki, de l’université de Harvard à Cambridge, et ses collègues ont prélevé un échantillon de ces effluents rouges. Une analyse génétique des populations de bactéries a montré qu’elles sont proches d’espèces qui, pour la respiration, exploitent les sulfates plutôt que l’oxygène. Cependant, le dosage des isotopes d’oxygène, montrent, selon les auteurs, que ces bactéries antarctiques n’utilisent pas les sulfates directement pour respirer. Enfin, l’eau de mer prélevée semble anormalement riche en fer ferreux (Fe2+). Cet excès proviendrait des bactéries elles-mêmes, qui transformeraient le fer ferrique (Fe3+), qui est insoluble, en fer ferreux. Conclusion des biologistes : les bactéries se serviraient des sulfates comme catalyseurs pour, littéralement, respirer du fer, lequel jouerait donc le rôle de l’oxygène.

LE GLACIER TAYLOR EMPRISONNE UNE RÉSERVE D’EAU SALÉE SOUS 400 MÈTRES DE GLACE, LA PRIVANT DE LUMIÈRE ET D’OXYGÈNE… ET LA PROTÉGEANT DE LA VISITE DES CHERCHEURS. MAIS DES EFFLUENTS, COULEUR ROUGE SANG, PROVENANT DE CETTE BAIGNOIRE ISOLÉE, DIFFUSENT À L’INTÉRIEUR DE LA GLACE ET SE DÉVERSENT SUR LA BANQUISE RECOUVRANT LE LAC BONNEY. DANS CES EFFLUENTS, DES BIOLOGISTES ONT DÉCOUVERT DES TRACES D’ACTIVITÉ BACTÉRIENNE, DÉMONTRANT QUE DES MICRO-ORGANISMES VIVENT DEPUIS AU MOINS 1,5 MILLION D’ANNÉES DANS CETTE POCHE D’EAU ET SONT ADAPTÉS À CE CURIEUX ENVIRONNEMENT.

Une piste pour l’origine de la vie, pas seulement sur Terre

« Lorsque j’ai commencé à analyser cette eau qui n’avait jamais vu le jour depuis un million d’années au moins, il n’y avait aucune trace d’oxygène. J’ai crié Eureka lorsque j’ai effectué cette découverte », se souvient Jill Mikucki.

Il est actuellement impossible d’évaluer la quantité d’eau renfermée dans cette poche sous la glace, mais sa profondeur est estimée à 400 mètres tandis qu’elle se trouverait à 4 kilomètres au moins du lieu où les coulées rouges se produisent de temps à autre dans la mer. Lorsque le niveau des océans a baissé voici plus de 1,5 million d’années, un gisement d’eau a probablement été emprisonné, puis recouvert par le glacier Taylor en formation.

Les scientifiques pensent que des concentrations de vie semblables ont pu persister en d’autres endroits, notamment durant les épisodes dits de la Terre boule de neige, un événement hypothétique mais fortement suspecté il y a plus de 600 millions d’années, et au cours desquels la Terre aurait été entièrement recouverte de glace et de neige. Ces époques auraient vu la disparition de la grande majorité des formes de vie mais auraient aussi été le facteur déclenchant de l’évolution des premières formes de vie complexes.

Les exobiologistes s’intéressent aussi de très près à ces formes de vie atypiques, qui pourraient constituer un modèle de ce qu’on pourrait découvrir sur des mondes inhospitaliers ou très différents de la Terre, comme Mars ou les océans de glace d’Europa, un des satellites naturels de Jupiter.

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