Poursuivre la réflexion sur les fausses compensations carbone

Dans la dernière livraison de la Revue Internationale et Stratégique publiée par l’IRIS, Alain Karsenty signe un article intitulé : « Inadéquation des mécanismes internationaux pour l’environnement – Peut-on en finir avec la déforestation grâce à la compensation carbone ? ».

Dans cet article il discute en priorité du mécanisme REDD+ « onusien », même s’il revient brièvement sur les projets REDD+ du marché volontaire. IL interroge le « principe du paiement aux résultats » basé sur des scenarii business-as-usual. Voici quelques extraits :

« … le problème du « bon » niveau de référence pour REDD+ ne peut être résolu. D’une part, aucun modèle n’est capable de prédire l’évolution des principales variables économiques et climatiques qui contrôlent les taux de déforestation – prix des produits agricoles, sécheresses et précipitations, feux, etc. –, ce qui laisse la porte ouverte à la construction de scénarios « optimisés », avec des variables choisies en fonction des intérêts stratégiques des États – ou des acteurs privés dans le cas de projets – qui les proposent. D’autre part, la logique même de la projection business as usual fournit des incitations perverses, dans la mesure où elle encourage les gouvernements à s’affranchir virtuellement du régime de responsabilité « commune mais différenciée » par la construction de scénarios du pire ».

« Il est possible de conserver le principe du paiement aux résultats, sans se lier les mains avec une procédure de paiement automatique fondée sur un scénario de référence invérifiable. Le seul critère d’évaluation pertinent est la cohérence des politiques publiques ayant potentiellement un impact sur les forêts et leur mise en œuvre effective ».

« Le système onusien de gouvernance n’est pas en capacité de répondre aux enjeux de la déforestation, dans la mesure où la logique multilatérale ne permet pas de remettre en cause un certain nombre de modèles économiques dévastateurs pour les forêts que choisissent, de manière souveraine, nombre d’États de la planète. Le jeu des négociations internationales au sein duquel chaque État, en fonction de sa situation spécifique et de ses intérêts de court terme, tente de faire modifier les règles communes à son avantage, produit à la fois des mécanismes d’une complexité abyssale et d’une efficacité très limitée, qui font d’abord le bonheur des experts et des bureaux d’études. L’impossibilité postulée de questionner les effets des politiques publiques conduit à devoir se lier les mains à des systèmes de règles absurdes pour calibrer les « paiements aux résultats ». 

Enfin, pour ceux qui pensent que +1 -1 = 0 (c’est-à-dire qui croient que l’on peut compenser des émissions en plantant des arbres ou en ‘boostant’ les absorptions, je vous laisse réfléchir aux implications de ce passage (traduit) d’un article scientifique : 

« Il existe plusieurs définitions de la durée de vie du CO2 anthropique. L’une d’elles est la durée moyenne que les atomes individuels passent dans l’atmosphère avant d’être éliminés par absorption dans l’océan ou la biosphère terrestre. L’autre est le temps nécessaire pour que la concentration de CO2 dans l’air revienne sensiblement à sa concentration initiale […] La compréhension contemporaine généralement acceptée du cycle mondial du carbone indique que les effets climatiques des rejets de CO2 dans l’atmosphère persisteront pendant des dizaines, voire des centaines de milliers d’années dans l’avenir ». Extrait de David Archer et al., « Atmospheric Lifetime of Fossil Fuel Carbon Dioxide », Annual Review of Earth and Planetary Sciences 37, no 1 (mai 2009) : 117-34

A lire aussi papier dans The Conversation : Histoire des crédits carbone

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