Impact environnemental et social du coton utilisé dans la confection de certains vêtements vendus par H&M et Zara.

Déforestation, pollution, violation des droits humains… Une nouvelle enquête publiée par l’ONG EarthSight révèle l’impact environnemental et social du coton utilisé dans la confection de certains vêtements vendus par H&M et Zara. Une matière première qui ne tombe pas sous le coup de la nouvelle réglementation sur la déforestation.

Le coton de nos chaussettes, de nos jeans ou de nos sweatshirts est-il issu de la déforestation ? L’ONG Earthsight dévoile aujourd’hui un rapport édifiant sur les impacts sociaux et environnementaux de la culture du coton au Brésil. A partir de l’analyse de milliers de documents, l’organisation britannique a pu retracer la chaîne de valeur mondialisée de cette fibre textile, de sa production dans les fermes de la savane brésilienne du Cerrado, jusqu’à la confection des vêtements en Asie et leur distribution dans les rayons européens des grandes chaînes de fast-fashion Zara et H&M.

L’enquête débute au Brésil, et plus particulièrement dans la savane du Cerrado. Ici, les plantations de coton s’étendent à perte de vue, remplaçant progressivement la végétation locale. Le pays, qui ambitionne de devenir le premier exportateur mondial devant les Etats-Unis d’ici 2030 , voit depuis quelques années sa production exploser. Un développement qui n’est pas sans conséquences sur cette région à la biodiversité extrêmement riche. En 2023, la déforestation y a en effet augmenté de 43%, menaçant d’extinction de nombreuses espèces endémiques. Côté climat, le déboisement du Cerrado génère “autant de carbone par an que les émissions annuelles de 50 millions de voitures”, estime le gouvernement brésilien.

168 millions de vêtements

Cultivé en rotation avec le soja, le coton est par ailleurs à l’origine d’une importante pollution aux pesticides et d’un épuisement des ressources en eau. Dans l’Etat de Bahia, sur lequel s’étale une partie du Cerrado, les producteurs prélèvent ainsi près de deux milliards de litres d’eau chaque jour. Et le bilan est loin de s’arrêter là. Derrière ces lourds impacts environnementaux se cachent également de fréquentes violations des droits humains. Accaparement des terres, intimidations, violences… Les communautés locales témoignent avoir dû fuir face aux pressions des entreprises agroindustrielles.

Dans son rapport, Earthsigth pointe particulièrement du doigt deux domaines, SLC Agrícola et Horita, respectivement premier et sixième producteur de coton du Brésil. Après analyse de leurs registres d’expédition, l’ONG a pu retrouver la trace de 816 000 tonnes de coton exportés vers huit entreprises textiles asiatiques entre 2014 et 2023. De ces usines de confection, pas moins de 168 millions de vêtements auraient ensuite été distribués en Europe par les grands groupes de fast-fashion, H&M et Inditex, maison-mère de Zara, Bershka, Stradivarius et Pull&Bear. Parmi les produits fabriqués à partir du coton brésilien, Earthsight a retrouvé des lots de chaussettes, des shorts ou encore des jeans, aujourd’hui en vente sur les sites des marques.

Du coton certifié “durable”

Interrogées par l’ONG, puis joints par Novethic, les deux géants de l’habillement indiquent se référer à l’un des principaux organismes de certification du secteur pour assurer la provenance et la durabilité du coton utilisé dans leurs vêtements : Better Cotton. “Nous exigeons de tous nos fournisseurs qu’ils ne s’approvisionnent qu’en coton durable issu de normes et de certifications crédibles et solides, souligne H&M à Novethic. En outre, c’est en nous engageant avec d’autres parties prenantes dans des initiatives sectorielles telles que Better Cotton que nous parvenons à améliorer les conditions sociales et environnementales des chaînes d’approvisionnement”.

Problème : le coton issu de la déforestation illégale retracé par Earthsight depuis les fermes du Cerrado aurait bien été certifié “éthique” par l’organisation. Interpellé par les marques, Better Cotton a initié un audit de vérification, dont les conclusions n’ont à ce jour pas encore été partagées. L’organisme aurait également mis à jour sa certification le 1er mars dernier, “mais elle reste entachée de lacunes, de conflits d’intérêts et d’une mise en œuvre insuffisante”, écrivent les auteurs de l’enquête.

Une matière première oubliée des réglementations

Pour éviter ces dérives, augmenter la traçabilité et responsabiliser les entreprises, Earthsight appelle à une régulation urgente du secteur. “Il est devenu très clair que les crimes liés aux produits que nous consommons doivent être traités par la réglementation, et non par les choix des consommateurs. Cela signifie que les législateurs des pays consommateurs doivent mettre en place des lois strictes, assorties d’une application rigoureuse”, déclare dans un communiqué Sam Lawson, Directeur de l’ONG. Un chemin encore semé d’embuches. Adopté en décembre 2022 et censé entrer en vigueur d’ici la fin de l’année, le règlement européen sur la déforestation importée pourrait finalement être assoupli à la demande d’une vingtaine de pays, dont la France.

De plus, il ne concerne pour l’instant pas la production de coton. “C’est un sujet qui n’a pas suscité beaucoup d’attention pour l’instant”, explique à Novethic Klervi Le Guenic, Chargée de campagne forêts tropicales pour l’association Canopée. Passé sous les radars, le coton pourrait pourtant devenir une cuture de choix pour les entreprises qui ne pourront bientôt plus vendre de bœuf ou de soja issu de la déforestation suite à la mise en œuvre du règlement européen. “Il y a donc un vrai risque de basculement, avec à terme, une accélération de la déforestation liée”, prévient l’experte.

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