Où était le bilan migratoire pendant les débats sur le projet de loi de refondation de Mayotte ?
Mathilde HANGARD1 juillet 2025 Journal de Mayotte
« La représentation nationale a été privée d’informations essentielles », regrette le sénateur Saïd Omar Oili, alors que les débats sur la refondation de Mayotte viennent de s’achever à l’Assemblée nationale.
Le timing interroge. Alors que l’Assemblée nationale vient de clôturer les discussions sur le projet de loi de refondation pour la reconstruction de Mayotte, le sénateur Saïd Omar Oili dénonce la réception tardive du bilan préfectoral 2024 sur la lutte contre l’immigration clandestine. Dans un courrier adressé le 30 juin, l’élu de Mayotte se questionne sur les raisons de cette communication différée, estimant que les données transmises auraient dû éclairer les débats parlementaires sur l’avenir du territoire.
Une communication tardive, jugée suspecte

« Dans un courrier du 18 mars 2025, j’avais demandé au Préfet un bilan des opérations de lutte contre l’immigration clandestine pour l’année 2024″, rappelle Saïd Omar Oili. Selon lui, cette demande restée sans réponse pendant plus de trois mois rompt avec les habitudes locales : « Tous les ans en début d’année, la préfecture communiquait très largement sur le bilan de l’année précédente ».
La réception du bilan, le 28 juin 2025, soit au lendemain de la clôture des débats à l’Assemblée sur la loi de refondation de Mayotte, suscite la méfiance du sénateur : « Je ne crois pas au hasard ». Il estime que cette transmission « prive la représentation nationale d’informations essentielles » pour évaluer les politiques en cours, notamment dans le cadre du nouveau projet de loi.
Des chiffres en baisse malgré les annonces gouvernementales

Le document transmis par la préfecture de Mayotte, désormais rendu public par le sénateur, confirme une tendance à la baisse des actions de lutte contre l’immigration irrégulière : –21 % de reconduites à la frontière, –25 % de kwassas interceptés en mer. Des chiffres qui contrastent avec les discours officiels. En 2024, le ministre de l’Intérieur avait mis en avant deux mesures phares pour Mayotte : les opérations visant à démanteler les bidonvilles, et la mise en place d’un « rideau de fer » pour mieux contrôler les frontières maritimes de l’île.
Pour Saïd Omar Oili, ce décalage entre les intentions affichées et les résultats obtenus « illustre encore une fois l’échec des politiques publiques de lutte contre l’immigration clandestine », comme il l’avait déjà explicité en conférence de presse le 19 juin dernier, appuyé d’un bilan écrit dressant le récapitulatif de 25 ans de politiques migratoires sur le territoire de Mayotte.
Un débat législatif pourtant crucial pour l’avenir du département

La réception tardive de ce bilan intervient dans un contexte politique sensible. Le projet de loi de refondation de Mayotte, débattu ce mois-ci à l’Assemblée nationale, entend poser les bases d’un plan de refondation pour la reconstruction du territoire, six mois après le passage du cyclone Chido. Ce texte comporte un volet important consacré à la lutte contre l’immigration irrégulière, dont les élus locaux attendent des mesures concrètes et durables.
Mais pour le sénateur, cette réforme ne saurait être pleinement efficace sans une remise à plat de l’architecture administrative actuelle, en particulier du dispositif des cartes de séjour territorialisées, dont la suppression progressive est prévue d’ici 2030 dans le projet de loi. « Ces éléments confortent la revendication unanime des élus mahorais de mettre fin aux cartes de séjour territorialisées le plus rapidement possible sur Mayotte », insiste-t-il dans son courrier, estimant que ce texte et son calendrier restent insuffisamment ambitieux.
À l’heure où se joue l’avenir de Mayotte, le fait que ce bilan ait été communiqué aussi tardivement interroge sur la transparence des informations indispensables à l’évaluation et à l’efficacité des mesures jusque-là annoncées.
Mathilde Hangard