A Montpellier, le micro-fleurissement a changé la vie des habitants d’un quartier
EnvironnementPublié le 07/11/2025 à 13:53LAURE DE CHARETTE
Dans les rues du quartier Méditerranée à Montpellier (Hérault), des bouquets de jasmins, bignones et passiflores s’élèvent le long des façades d’immeubles minérales, sous l’impulsion d’un collectif d’habitants à la main verte.
Rue de la Méditerranée, on respire. Deux ou trois étages au maximum, des façades un peu vieillies, et désormais, des cascades de couleurs pour égayer ces rues situées à deux pas de l’agitation de la gare Saint-Roch. Jasmin étoilé, clématite, solanum, rosier de Banks : les fleurs grimpent le long des murs, enjambent parfois la rue, cadrent les fenêtres, et s’emmêlent au street art posé sur les murs. Elles attirent oiseaux, papillons, abeilles.
« On revoit des moineaux, des fauvettes, des bergeronnettes qu’on ne voyait plus ! » s’enthousiasme Christine Konopnicki, membre de l’association Mare Nostrum.

« On a voulu amener du vert »
Cet ancien faubourg ouvrier, né en 1864 pour loger les travailleurs de l’usine à gaz, n’attirait guère. « Le quartier était un peu triste à l’époque, minéral, un peu repoussoir, selon Frank Plana, le président de Mare Nostrum. On a voulu amener du vert. Les fleurs se sont épanouies très vite. Dès que leurs racines ont trouvé la nappe phréatique, elles se sont mises à pousser ! Ça a transformé très rapidement le visage du quartier ».Voir aussi :Mosson ou Paillade ? Les habitants du « quartier le plus connu de Montpellier » ont fait leur choix
Le collectif a en effet lancé dès 2013 l’idée de faire participer les habitants à la végétalisation des rues. Le concept, soutenu et financé par la mairie depuis dix ans, repose sur les « bons de végétalisation » distribués à ceux qui souhaitent planter sur trottoir ou au pied des arbres. La ville fournit les plantes via son Centre Horticole municipal, les services municipaux percent le sol, et les habitants installent eux-mêmes leurs grimpantes. Résultat : 2 000 bons distribués en cinq ans, et une transformation visible.
Pour Stéphane Jouault, adjoint au maire délégué à la Nature en ville et à la Biodiversité, venu déambuler dans le quartier en cette matinée ensoleillée d’automne, le projet coche toutes les cases : « Il crée de l’embellissement, du rafraîchissement. Il s’inscrit dans notre volonté de développer des rues-jardins qui restent agréables pour marcher ».

Jusqu’à cinq degrés de moins
Les effets se mesurent aussi au thermomètre. « La végétalisation des rues crée des zones d’ombre immenses permettant de réduire la température non seulement sur les façades mais aussi sur les trottoirs. On constate jusqu’à cinq degrés de différence grâce à la transpiration des plantes », explique Frank Plana. Un atout précieux dans une ville méditerranéenne de plus en plus frappée par les épisodes de canicule, où de nombreux habitants souffrent des îlots de chaleur urbains.
En offrant nectar, fruits et abris, ces plantes augmentent la biodiversité dans un milieu urbain souvent hostile. La mairie distribue désormais aussi des arbustes locaux, des haies et même des arbres fruitiers, à planter dans son jardin. Les Montpelliérains peuvent adopter des micro-fleurissements abandonnés par leurs propriétaires, souvent partis vivre ailleurs.
L’initiative a généré des effets collatéraux inattendus : moins de poussière, plus de convivialité. Une « brigade verte » s’est formée pour entretenir collectivement les fleurs. « L’entretien des plantes permet le partage de savoir-faire entre générations, ça crée du lien social, des ramifications, comme les plantes. Les gens sont plus souriants, plus fiers de leur quartier », raconte Christine. Mais elle tempère : avec l’embellissement, les loyers ont flambé.
« Tout le contraire de la climatisation »
Stéphane Jouault résume : « Ce projet, à coût relativement réduit, a amené de nombreux bénéfices. Cela correspond à une vision de la ville où la nature reprend ses droits et apporte du bien-être aux habitants. Le micro-fleurissement, c’est une adaptation vertueuse face aux changements climatiques. C’est tout le contraire de la climatisation, de la technique ».
Le quartier s’est même lancé cette année dans un nouveau projet, baptisé « Quartier sauvage », une expérimentation scientifique menée avec le Muséum d’histoire naturelle de Paris et Tela Botanica. Ici, plus de désherbage systématique : on observe et on préserve la flore urbaine spontanée, y compris les herbes dites mauvaises. Finalement, la rue de la Méditerranée n’a pas seulement changé de décor : elle a changé de rythme. Ici, chaque façade fleurie raconte une histoire de voisinage retrouvé, de ville qui se rafraîchit en douceur.

