« L’autoroute des dinosaures » : des troupeaux entiers se déplaçaient en Europe (en voici la preuve gravée dans la pierre)

par Brice Louvet6 décembre 2025, 12 h 30 min
Une piste fossilisée exceptionnelle de 220 mètres vient d’être découverte en Oxfordshire, révélant que des sauropodes géants se déplaçaient en groupe il y a 166 millions d’années. C’est la plus longue piste de dinosaure jamais mise au jour en Europe.
Une trouvaille record dans une carrière anglaise
L’histoire commence de manière presque ordinaire. En 2025, lors d’une extraction de calcaire de routine à la carrière de Dewars Farm, près de Bicester, les ouvriers ont remarqué quelque chose d’extraordinaire. Sous la roche blanche se cachaient des empreintes fossilisées, des traces laissées par des créatures disparues depuis des millions d’années.
Ce site, surnommé « l’autoroute des dinosaures » de l’Oxfordshire, ne découvrait pas de fossiles pour la première fois. Des traces y avaient déjà été trouvées dans les années 1990, mais ce que les équipes de recherche ont commencé à mettre au jour à partir de 2022 allait surpasser toutes les attentes précédentes.
La carrière de Dewars Farm s’est transformée en chantier scientifique majeur. Lors des fouilles les plus récentes, plus de 100 chercheurs du Musée d’histoire naturelle de l’Université d’Oxford et de l’Université de Birmingham ont travaillé ensemble pour explorer et documenter les traces anciennes.
Une piste continue de près de 100 pas
Le résultat dépasse l’imagination : une piste ininterrompue de 220 mètres, composée de près de 100 empreintes individuelles. Chacune mesure environ un mètre de longueur — à titre de comparaison, c’est plus grand qu’une assiette de table et plus petit qu’une porte d’entrée.
Ces empreintes massives ont été laissées par des Cetiosaurus, des sauropodes herbivores appartenant à la lignée des dinosaures les plus imposants ayant jamais existé. Ces créatures à quatre pattes, dotées d’un long cou et d’une queue impressionnante, pouvaient atteindre entre 16 et 18 mètres de longueur — à peu près la taille d’un camion semi-remorque.
Ce qui rend cette découverte exceptionnelle, c’est sa continuité. Une piste unique et cohérente de plus de 220 mètres n’avait jamais été trouvée auparavant en Europe pour un sauropode. Et il existe même une possibilité troublante : une des quatre pistes découvertes cette année semble être la continuation de traces trouvées en 2022. Si cette hypothèse se confirme, la piste réelle pourrait s’avérer encore plus longue.

Des indices sur le comportement collectif
Mais au-delà de la longueur brute, c’est le message de cette piste qui fascine les paléontologues. Le Dr Duncan Murdock, géologue au Musée d’histoire naturelle de l’Université d’Oxford, résume l’importance de la découverte : « Ce qui est le plus fascinant sur ce site, c’est l’ampleur et le nombre impressionnants d’empreintes. Nous avons maintenant la preuve que des dizaines d’individus se déplaçaient dans cette zone à peu près au même moment, peut-être en troupeau. »
C’est une révélation majeure. Pendant longtemps, les scientifiques débattaient : les sauropodes voyageaient-ils seuls ou en groupes ? Étaient-ils des créatures solitaires ou sociales ? Cette piste fournit une réponse tangible : ils marchaient ensemble.
La fouille de 2024 avait déjà révélé plus de 200 empreintes et traces supplémentaires, provenant à la fois du Megalosaurus carnivore et d’herbivores bien plus gros. Cette année, le nombre de traces mises au jour ne cesse d’augmenter, peignant un tableau plus complet de l’Oxfordshire du Jurassique moyen.
Ce que nous apprenons de leur locomotion
L’étude détaillée de ces traces relève d’une discipline spécialisée appelée ichnologie. Les paléontologues mesurent les empreintes et la distance entre elles pour calculer la vitesse de marche du dinosaure.
Les résultats indiquent que ce sauropode se déplaçait à environ 4 à 5 miles par heure — une vitesse équivalente à celle d’un humain en promenade tranquille. En comparant ces mesures à ce que l’on connaît des animaux à quatre pattes modernes comme les éléphants, les chercheurs ont pu estimer le rythme de l’animal ancien.
Cette vitesse modérée renforce l’hypothèse du déplacement en troupeau. Si les dinosaures marchaient si lentement et ensemble, il est plausible qu’ils voyageaient en groupe organisé pour des raisons liées à la survie ou à la reproduction.
Un écosystème ancien revisualisé
Outre les traces monumentales, les fouilles ont révélé des fossiles plus discrets mais tout aussi informatifs : une mâchoire de crocodile, des invertébrés marins, de la matière végétale préhistorique. Ces découvertes supplémentaires reconstituent progressivement le paysage du Jurassique moyen.
Le site de Dewars Farm ne livre pas ses secrets de manière sporadique. Il s’agit plutôt d’une fouille intermittente qui continuera probablement d’enrichir notre compréhension du monde antique, empreinte après empreinte.
