Le mensonge de l’autonomie électrique de La Réunion en 2023 : les énergies renouvelables ne peuvent être importées

Manuel Marchal / 12 novembre 2020 dans temoignages.

A En métamorphose, nous partageons cet avis . Voir notre n°4 « l’outremer en métamorphose » spécial énergie et notre article paru en Janvier dans Outremers 360°: » la biomasse ne comblera pas le charbon ».

https://outremers360.com/bassin-indien-appli/energies-a-la-reunion-la-biomasse-ne-comblera-pas-la-sortie-du-charbon

Une autonomie énergétique sur le plan de l’électricité obtenue grâce aux importations : c’est le tour de force qui se prépare à La Réunion d’ici 3 ans à cause du sabotage en 2010 du PRERURE, le plan qui prévoyait l’autonomie énergétique de La Réunion en 2025 sans recourir à l’importation de biomasse. Par cette initiative, la Région Réunion et EDF montrent le retard accumulé par notre île en matière de transition énergétique, en raison de décisions prises pour satisfaire le lobby des énergies fossiles au détriment de la population.

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EDF et la Région ont présenté mardi un plan pour le verdissement de la production d’électricité à La Réunion. C’est une conséquence de l’Accord de Paris sur le Climat signé et ratifié par la France. Pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, la France supprime donc le charbon et le fioul de son mix énergétique visant à produire de l’électricité. Ayant misé sur le nucléaire malgré l’accident de Tchernobyl, la France a depuis longtemps marginalisé l’apport des centrales thermiques charbon-pétrole à un point tel que cela ne lui pose aucun problème de s’en passer dès maintenant. Tel n’est pas le cas à La Réunion en raison des choix stratégiques qui ont été opérés. Un délai a été accordé, il prendra fin en 2023.
En 1980, sur le plan de la production électrique, La Réunion était 100 % autonome grâce aux énergies renouvelables. La croissance de la consommation et les choix opérés en matière de production ont entraîné un basculement : la majorité de l’électricité produite à La Réunion vient du pétrole et du charbon. Ce sont donc 600.000 tonnes de charbon qui sont importées par Albioma, entreprise contrôlée par un fonds de pension, et 400.000 tonnes par EDF, une ancienne société d’Etat privatisée. Ainsi, en 2020, un million de tonnes d’énergies fossiles doivent être acheminées à La Réunion pour assurer la production d’électricité.

Le PRERURE saboté

Avant 2010 sous la présidence de Paul Vergès, la Région Réunion était à la tête du combat pour l’autonomie énergétique. Avec plusieurs partenaires dont EDF qui était alors la propriété de l’État français, une feuille de route visant à l’autonomie énergétique de La Réunion en 2025 avait été mise en œuvre, le PRERURE. L’objectif était de couvrir tous les besoins en termes d’électricité et de transports grâce aux énergies renouvelables présentes en abondance dans notre île. Le premier volet devait être le retour du train à La Réunion fonctionnant à l’électricité afin de casser la progression mortifère des importations de voitures et de camions. La couverture des 36 kilomètres de la Route des Tamarins par des panneaux solaires était également prévue. Elle visait à surmonter notamment les réticences d’EDF quant à l’utilisation massive du photovoltaïque. Ainsi, une structure échappant à son contrôle aurait pu produire l’électricité nécessaire à la recharge des voitures électriques.
Afin de produire une électricité verte, le remplacement du charbon était envisagé par la création de centrales fonctionnant grâce à l’énergie thermique de la mer, ainsi que par la valorisation du potentiel géothermique du volcan. Quant au fioul d’EDF, c’était le solaire, le vent et l’énergie de la houle notamment qui pouvaient le remplacer.
L’ARER avait même démontré que la centrale thermique d’EDF de la baie de La Possession alors en projet était inutile, car pouvant être remplacée par une plus grande diffusion du photovoltaïque et des économies d’énergie.
Ce plan était crédible à un point tel que Paris est intervenu pour reprendre à la Région Réunion le contrôle des événements au travers de la création de GERRI, qui s’avéra une usine à gaz destinée à favoriser l’installation à la Région d’une direction soumise aux intérêts parisiens. En effet, si La Réunion avait relevé ce défi, c’était montrer qu’il était possible de produire l’énergie dont on a besoin sans l’intervention de l’ancienne puissance coloniale.
Si cette feuille de route avait été respectée, nous serions à 5 ans de l’autonomie énergétique totale de La Réunion, et elle serait acquise sur le plan de la production de l’électricité.

Des importations pour remplacer d’autres importations

A son arrivée à la Région Réunion, Didier Robert prit aussitôt des décisions allant dans le sens des intérêts du lobby des énergies fossiles à La Réunion. L’arrêt du chantier du tram-train offrait aux importateurs de voitures et de carburants la garantie d’une rente de situation allant bien au-delà de 2025. Le détournement des fonds prévus pour reconstruire le train au profit d’une route en mer impossible à réaliser allait dans ce sens. Aujourd’hui, La Réunion croule sous les embouteillages provoquant leurs lots de pollution et de pertes de temps. Les projets de géothermie et d’énergie thermique marine ont été abandonnés, le démonstrateur ETM étant finalement implanté aux Antilles.
Cela explique pourquoi depuis 2010, la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique réunionnais n’a cessé de chuter pour se situer aujourd’hui bien au-dessous de 20 %.
Pour l’électricité, c’est manifestement le triomphe de l’imprévision. En effet, parce que le PRERURE a été annulé, rien n’est venu remettre en cause un système de production datant du siècle dernier basé sur de grosses centrales appartenant à des sociétés extérieures à La Réunion. Ce sont donc ces sociétés qui sont mises en position de décider de la politique énergétique de La Réunion. Or, ces sociétés seront privées de leurs matières premières dans 3 ans, qu’à cela ne tienne, il suffira de continuer à importer en changeant simplement de matière première, le reste étant identique.
Remplacer un million de tonnes d’énergies fossiles sans changer la structure impose de recourir aux importations, car le potentiel de production de biomasse à La Réunion n’a pas été suffisamment valorisé dans la perspective de cette échéance. Il est question de faire venir de la biomasse des États-Unis, d’Australie ou de provenances toutes aussi exotiques pour alimenter les centrales d’Albioma et d’EDF. Ceci ne changera absolument rien au problème, car de l’énergie sera dépensée pour extraire cette biomasse et la transporter jusqu’à La Réunion. De plus, le prix de cette biomasse ne sera pas fixé par les Réunionnais, mais par des facteurs extérieurs sur lesquels ils n’ont pas de prise.
La Réunion sera alors un pays où la majorité de son électricité sera produite par des importations. Comment dans ce cas parler d’autonomie énergétique sur le plan électrique ? Il faut arrêter de prendre les Réunionnais pour des imbéciles et simplement admettre que par leurs décisions, la Région Réunion et le lobby de l’énergie ont fait prendre à La Réunion plus de 10 ans de retard.

M.M.

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