Mort d’un géant de l’écologie
Hommage à Rémi Parmentier (texte conjoint AJE/JNE)
Rémi Parmentier n’aura survécu que quelques jours à l’UNOC 3, événement dont il a été l’un des architectes. À la tête du Varda Group, cabinet madrilène de conseil en politique environnementale, cet ex Parisien de 68 ans avait soutenu l’équipe Macron dans la conception de la partie non étatique du sommet onusien de Nice.
Créateur de l’initiative Let’s Be Nice to the Ocean (soyons sympa avec l’océan), l’activiste entendait faire adopter « des idées, principes et cadres innovants et concrets, susceptibles d’assurer la sauvegarde de l’océan pendant l’Anthropocène. » Et notamment : les principes de protection des mers, du zéro rejet, la création dans les pays maritimes de ministère de l’Océan. Sans oublier une réforme de la gouvernance mondiale des « biodiversités migratoires et transfrontalières ».
La mer était la grande passion de cet infatigable activiste. Voisin du boulanger Poilâne – dont il aimait parcourir le laboratoire –, l’étudiant en histoire et en anglais se passionne pour l’environnement. En 1974, René Dumont est le premier à porter, en France, les couleurs de l’écologie aux élections présidentielles. L’homme au pull over rouge suscite maintes vocations. Rémi devient le coordinateur du Projet Jonas. Installé dans les locaux des Amis de la terre, il fomente sa première campagne de sensibilisation à l’avenir des baleines, alors férocement chassées.
Avec des collègues nord-américains, européens, néo-zélandais, il participe à l’installation de Greenpeace en Europe. Il est à l’origine de la création des bureaux néerlandais, français et espagnol et sud-américains de l’organisation de la Paix verte. Dans cette seconde moitié des années 1970, la protection des grands cétacés et la lutte contre les pollutions nucléaire et industrielle sont les principaux combats menés par les écologistes des mers.
Rémi Parmentier est de tous les équipages du Rainbow Warrior. Cet ancien chalutier a été reconverti en vaisseau amiral de l’organisation[1]. Dans l’Atlantique, il s’oppose aux flottes baleinières, mais aussi aux navires qui rejettent les déchets radioactifs européens ou brûlent au large des déchets toxiques. Largement médiatisées, ces confrontations produisent leurs effets dans l’opinion.
A terre, les membres de la toute petite équipe de lobbyistes constituée par Rémi Parmentier arpentent les couloirs de l’Organisation maritime internationale, de la Convention de Londres, de la Commission baleinière internationale (CBI). Ce n’est pas en vain. En 1983, les pays européens établissent un moratoire sur l’immersion des futs radioactifs. Trois ans plus tard, la CBI ordonne l’arrêt de la chasse commerciale des baleines.
Ces succès le convainquent de doter l’organisation d’une direction politique et stratégique. Il en tiendra les rênes de nombreuses années durant. Installé à Madrid depuis le début des années 1980, il coordonne les négociations sur le renforcement de la préservation du continent antarctique. Ces années de travail dans l’ombre seront couronnées par la signature, dans la capitale d’Espagne, en octobre 1991, du Protocole au Traité sur l’Antarctique relatif à la protection de l’environnement.
Après deux décennies au service de Greenpeace international, Rémi Parmentier opte pour une nouvelle stratégie : investir le droit international de l’environnement marin. Avec Kelly Rigg et Steve Sawyer, deux anciens de Greenpeace, il crée le Varda Group. Basé à Madrid, ce cabinet de consultants conseille ONG, organisations intergouvernementales et gouvernements sur les meilleurs moyens de protéger l’homme et son environnement. Marin, si possible.
Le Varda est ainsi à l’origine de l’introduction de l’océan au préambule de l’Accord de Paris ou de la création d’une journée sur l’environnement marin dans le cadre de la COP climat de Madrid, évidemment.
Toujours tiré à quatre épingles, même avec ses chemises poulpesques, Rémi était un homme d’une rare élégance intellectuelle. Doté d’une abyssale culture politique et géostratégique, il a su faire d’une palanquée de hippies fumeurs de pétards une armée de protecteurs de l’environnement. Son omniprésence à des centaines de réunions internationales a fait avancer la préservation de Mare Nostrum. Son héritage est inestimable.
Son combat se poursuivra longtemps. Mais le Risotto Center a perdu son meilleur client.
AJE et JNE
[1] Le Rainbow Warrior a été coulé par les services secrets français le 10 juillet 1985 dans le port d’Auckland. Cet attentat a coûté la vie au photographe Fernando Pereira.