Peut on attendre une sérieuse décentralisation , comme l’exigerait la réponse à la complexité du réchauffement climatique? Darmanin est il formé au sujet?

Alors qu’elle était jusqu’alors rattachée au seul ministère de la Cohésion des territoires depuis 2018, la direction générale des collectivités locales (DGCL) refait désormais l’objet d’une tutelle partagée avec le ministère de l’Intérieur. Un retour aux sources qui vient renforcer la Place Beauvau mais que les élus locaux accueillent avec prudence.  

De g. à d. : Nadia Hai, Joël Giraud, Gérald Darmanin, Amélie de Montchalin et Christophe Béchu lors de la cérémonie de passation de pouvoirs, le 20 mai

JULIEN DE ROSAAFP

Changement pour le pilotage des collectivités au sein de l’équipe gouvernementale. L’installation du gouvernement d’Elisabeth Borne marque en effet le retour de la double tutelle sur la puissante direction générale des collectivités locales (DGCL) qui, pour rappel, gère notamment l’attribution des concours financiers de l’Etat, les compétences des échelons locaux ou encore les personnels de la fonction publique territoriale.  Deux membres du gouvernement auront ainsi l’autorité sur cette direction : le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, d’une part, et la nouvelle ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Amélie de Montchalin. Tous deux épaulés par Christophe Béchu en tant que ministre délégué chargé des collectivités territoriales…  

Si le partage de la tutelle de la DGCL est l’une des principales nouveautés des décrets d’attributions des ministres publiés ce jeudi 2 juin au Journal officiel, elle marque surtout un retour aux sources dans l’histoire administrative. En 2018, la DGCL avait effectivement quitté le giron du ministère de l’Intérieur pour être rattachée au seul grand ministère des territoires (précisément le ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités) piloté successivement par Jacqueline Gourault puis, jusqu’à tout récemment, par Joël Giraud.  À lire aussi :Fonction publique, territoires, écologie, numérique … Ce qu’il faut retenir des attributions des ministres

Jusqu’alors, pour rappel, la Place Beauvau avait toujours, au mieux, partagé l’autorité sur cette direction avec le ministère de la Cohésion des territoires [cliquez ici pour consulter notre article sur le sujet]Par la suite, fin 2018, certains avaient vu dans le rattachement des DDI (directions départementales interministérielles) à l’Intérieur un lot de consolation pour ce même ministère après la perte de la DGCL.    

Renforcement de l’Intérieur  

Comme souvent par le passé, le ministère de l’Intérieur reprend donc une partie du lead sur les sujets touchant aux collectivités. « Conjointement » avec Amélie de Montchalin, Gérald Darmanin « prépare » et « met en œuvre » la « politique du gouvernement en matière de décentralisation », est-il indiqué dans son décret d’attributions.  Au titre de ces attributions, le locataire de la Place Beauvau est désormais précisément chargée avec Amélie de Montchalin de la « politique de renforcement des responsabilités locales », de l’animation du « dialogue national avec les collectivités » mais aussi de proposer « toutes mesures propres à faciliter l’exercice de leurs compétences » et de veiller « à leur mise en œuvre ».

Il est aussi chargée de la « définition des orientations du Gouvernement concernant les finances locales et la politique de solidarité financière entre les collectivités territoriales ».Et ce, avec Amélie de Montchalin toujours mais également avec le ministre de l’Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, Bruno Le Maire. Si ces missions ne figuraient pas dans son précédent décret d’attributions, le ministère de l’Intérieur conservait toutefois la main sur plusieurs dossiers concernant les élus locaux : l’organisation des élections, l’éventuel redécoupage territorial, la gestion de l’administration territoriale de l’Etat et ainsi, via les préfets, le contrôle de légalité des actes des collectivités locales. 

« C’est essentiel d’avoir la DGCL sous l’autorité de la ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires compte tenu des enjeux de répartition des compétences et de finances, indique l’entourage d’Amélie de Montchalin. La direction exerce par ailleurs la tutelle administrative de l’ANCT (agence nationale de la cohésion des territoires, ndlr) qui est le bras armé des programmes de transition écologique et de cohésion ». Aussi, ajoute-t-on, « l’Intérieur a besoin (de la DGCL, ndlr) pour les réformes institutionnelles des collectivités ». Référence notamment au conseiller territorial que souhaite instaurer le président de la République Emmanuel Macron.  

Pas seulement le ministère des préfets  

Sans surprise, le retour de cette double tutelle sur la DGCL est salué au sein de la préfectorale. « C’est une excellente nouvelle puisque le ministère de l’Intérieur ne peut marcher que sur deux jambes, juge ainsi un préfet. De la même façon qu’il ne peut être seulement le ministère de la police, il ne peut être uniquement le ministère des préfets en ce qui concerne les territoires ». Et d’ajouter : « Sur le terrain, élus et préfets marchent de concert, il doit en aller de même à Paris ».  À lire aussi :La Place Beauvau reprend la main sur la gestion des directions de l’administration territoriale

Pour un autre membre de la préfectorale, le rapprochement entre la DGCL et l’Intérieur permettra « d’éviter d’avoir occasionnellement des approches différentes d’un même sujet sous réserve qu’ils soient capables de dialoguer en central ». En tout cas, ajoute cet interlocuteur, « les problèmes d’injonctions différentes en proximité seront normalement réglés en central ». Reste une incertitude selon lui : « la question de la domination d’un ministère sur l’autre va rapidement se poser ».  

Elus locaux sur le qui-vive  

Chez les élus locaux néanmoins, on fait montre de prudence. « Ce n’est pas forcément un signe que la décentralisation et sa pratique seront au premier plan des préoccupations gouvernementales, dit un responsable d’association d’élus. Mais on ne peut que souhaiter que le ministère de la Cohésion des territoires ait les moyens de peser face à l’Intérieur et surtout face à Bercy qui exerce aussi une vraie tutelle sur les collectivités ».  

La nouvelle architecture gouvernementale « marque sans doute la volonté » de Gérald Darmanin « de reprendre la main sur les sujets institutionnels », ajoute un autre cadre du monde local : « Pour caricaturer un peu, Gérald Darmanin va contrôler le pouvoir des élus locaux et Amélie de Montchalin va définir ce qu’ils peuvent faire via notamment la planification territoriale ».  

Mais au-delà de ce nouvel attelage ministériel, les élus locaux et leurs représentants attendent surtout de voir le degré de « partenariat » avec lequel le nouveau gouvernement entend travailler avec eux. Le défi est en effet de taille pour le nouvel exécutif, tant le premier quinquennat Macron a été marqué par de nombreuses tensions entre l’Etat et les élus locaux. 

PAR BASTIEN SCORDIA3 juin 2022, 12:09, mis à jour le 3 juin 2022, 12:12

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