VU DANS LE FIL VERT DE LIBE/ Epandage, pièges et tirs sur l’île d’Amsterdam pour éradiquer les chats et les rongeurs

-La petite île française située dans l’océan indien va lancer l’an prochain une opération d’éradication de ces animaux introduits, dont la présence inflige de nombreux dégâts à l’écosystème local. IL N’EST PAS SUR QUE CE SOIT LA BONNE SOLUTION; TOUTES LES LUTTES CONTRE LES ENVAHISSANTES VEGETALES OU ANIMALES COUTENT TRES CHER ET NE SONT PAS FORCEMENT EFFICACES

Voir le documentaire que nous avions tourné en Polynésie:

La base scientifique Martin-de-Vivies est la seule installation de l’île d’Amsterdam. (Patrick Hertzog/AFP)

Eradication en vue dans les Terres australes et antarctiques françaises. La cible : les chats, rongeurs et toute autre espèce introduite par l’homme sur Amsterdam, une de ces îles du bout du monde. Ces spécimens introduits plus ou moins volontairement ont déséquilibré l’écosystème de ce territoire de l’océan indien, classé comme réserve naturelle en 2006., qui ne comporte qu’une seule installation humaine : la base scientifique Martin-de-Viviès.

Cela va passer par des mesures difficiles de limitation des espèces invasives, qui sont retournées à l’état sauvage et prolifèrent. «Le projet Reci [restauration des écosystèmes insulaires de l’Océan indien] vise à l’éradication du rat, du chat et de la souris à l’hiver 2024», affirme Lorien Boujot, technicien pour la gestion des mammifères introduits sur l’île d’Amsterdam. «Ils sont la principale cause de disparition d’une dizaine d’espèces d’oiseaux nicheurs, poursuit-il. Les rats ont tendance à prédater les œufs voire les poussins, et les chats peuvent attaquer les animaux au stade adulte.»

Crabe bleu, moustique tigre, fourmi électrique… Les zinzins de l’espèce

Ces animaux peuvent également apporter des maladies nouvelles pour la faune locale. Le choléra aviaire pourrait notamment avoir été introduit par les rats, décimant désormais la population des albatros à bec jaune. La végétation n’est pas à l’abri. «Les souris mangent énormément de graines de plantes indigènes comme le Phylica, un arbuste qui formait une ceinture tout autour de l’île et pour qui la régénération naturelle est quasi inexistante», regrette Lorien Boujot.

Deux ans pour attester de la réussite de l’opération

Concrètement, l’opération d’éradication prévue durant l’hiver austral 2024 va consister en deux épandages aériens sur l’ensemble de l’île de 55 km2, très accidentée, à trois semaines d’intervalle. «La difficulté, c’est que si on rate un domaine vital de rongeur, l’opération est ratée», prévient Lorien Boujot. «Depuis 2017, des études préalables sont faites pour mieux connaître les espèces cibles. Il ne faut surtout pas intervenir en pleine reproduction car il risque de rester des jeunes qui ne sont pas atteints par les méthodes d’éradication», insiste-t-il.

Le projet prévoit par ailleurs des équipes sur le terrain pour cibler les derniers chats sauvages à l’aide de piège ou de tirs. Munis d’un permis de chasser, deux agents de terrain spécialisés dans les «mammifères introduits» sont chargés de cette tâche pour l’hivernage 2023.

«L’année dernière, nos prédécesseurs ont éradiqué sept individus et ça fait un mois et demi, deux mois, qu’on n’en voit plus sur la quarantaine de pièges photos. On pense qu’il pourrait en rester entre un et cinq», estime Louis Gillardin, l’un de ces agents spécialistes. Et celui d’ajouter : «Je n’ai jamais tué de chat de ma vie et si ça arrive, ça ne me fera pas plaisir… S’ils avaient disparu, ça nous arrangerait.» Mais ces efforts semblent déjà commencer à porter leurs fruits. Les ornithologues constatent une baisse de la mortalité des poussins depuis l’installation des pièges à rats autour de la colonie d’albatros à bec jaune.

A l’issue de la campagne d’éradication de 2024, il faudra attendre deux ans sans détection d’animaux pour attester de la réussite de l’opération. Les spécialistes espèrent le retour des espèces d’oiseaux qui avaient cessé de nicher sur Amsterdam dans la prochaine décennie. La colonie d’Albatros à bec jaune sera particulièrement observée.

Une fois les espèces introduites éradiquées, «on va pouvoir voir l’impact du rat, prédateur et source pathogène. On ne sait pas si les rats sont porteurs du choléra aviaire et le transmettent aux oiseaux qu’ils mordent ou s’ils sont porteurs car ils mangent des oiseaux porteurs. Une colonie sans rat permettra également de tester la vraie efficacité du vaccin» contre cette maladie, espère le chercheur au CNRS en éco-épidémiologie Jérémy Tornos.

Vigilance accrue pendant les ravitaillements

L’ensemble de cette opération coûte «plus de deux millions d’euros», selon le directeur adjoint de la direction de l’environnement des Terres australes et antarctiques françaises, Clément Quetel. Mais ce dispositif «mobilise une équipe [pendant] des années. On ne peut pas les mener toutes de front», affirme le responsable. Bref, difficile de l’étendre.

Sur l’île de Kerguelen, qui fait aussi partie de cette collectivité de l’océan Indien, «projeter l’éradication de la souris, présente quasiment partout, c’est juste impossible d’un point de vue matériel, financier, humain et logistique. Eradiquer le chat de Kerguelen, pas réalisable non plus à ce jour», souligne Clément QuetelDonc, plutôt que l’éradication, les autorités misent pour l’instant sur la «limitation» des espèces introduitesavec des actions ciblées «de piégeage et de tirs».

La dernière difficulté réside dans la pérennisation du processus. Il ne faudrait pas qu’au prochain débarquement de navire, les rats fassent leur retour avec les bagages. Les quatre accostages annuels du Marion Dufresne, bateau français qui assure le ravitaillement des Terres australes et antarctiques françaises depuis la Réunion, sont particulièrement surveillés. Aucune trace de rongeurs n’a été trouvée sur l’embarcation depuis mi-2021, ce que les autorités portuaires voient comme un «bon signe» d’absence de retour des nuisibles.

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