UKRAINE: batailles sanglantes , « boucherie » Soledar« le scénario le plus sanglant du conflit

Des combats particulièrement violents se déroulent actuellement à Soledar, dans l’est de l’Ukraine, où la Russie tente coûte que coûte de renverser le cours de la guerre. Selon Mykhaïlo Podoliak, un conseiller de la présidence ukrainienne, la bataille de Soledar constitue, avec celle de Bakhmout, « le scénario le plus sanglant de cette guerre ». Voici six choses à savoir sur les combats « acharnés », qui se poursuivent jeudi 12 décembre dans cette ville minière.

Une image satellite de Maxar, nord-ouest d'Ivankiv en Ukraine

Une image satellite de Maxar publiée le 28 février 2022 montrant un convoi militaire et des maisons en feu au nord-ouest d’Ivankiv en UkraineSATELLITE IMAGE ©2022 MAXAR TECHNOLOGIES/AFP – –

« Une boucherie. » Depuis plusieurs jours, des combats particulièrement violents font rage dans les faubourgs de Soledar, petite ville minière dans l’est de l’Ukraine. Soldats russes et ukrainiens y perdent la vie par centaines, sans qu’il soit désormais possible de dire avec exactitude combien sont morts tant le nombre de soldats tués est élevé.

Selon les forces militaires en présence sur le terrain, la bataille pour Soledar est d’ailleurs devenue l’une des plus sanglantes depuis le début de l’offensive de Moscou, qui y jette toutes ses forces dans l’espoir de renouer avec la victoire après plusieurs revers.

Voici six choses à savoir sur cet affrontement qui a redoublé d’intensité ces derniers jours.

Que se passe-t-il à Soledar ?

Voilà plusieurs semaines que les soldats russes tentent de s’emparer de la cité minière de Soledar, située près de la ville plus importante de Bakhmout, que les Ukrainiens défendent sans répit depuis plusieurs mois.

Le 17 mai déjà, la ville de Soledar avait ainsi été bombardée par les forces du Kremlin qui, dès le lendemain, s’en étaient rapprochées à moins de 20 kilomètres selon des déclarations, à l’époque, de Pavlo Kyrylenko, le gouverneur de l’oblast de Donetsk.

Mais ces derniers jours, Soledar est devenue « le point le plus chaud de la guerre », résume Mykhaïlo Podoliak, conseiller à la présidence ukrainienne, dans un entretien accordé à l’AFP.

Dans cette ville désormais en ruines, les positions sont prises et reprises, tantôt par les soldats russes, tantôt par les soldats ukrainiens. Et nul ne sait aujourd’hui combien de temps les forces de Kiev vont encore pouvoir tenir.

« C’est une boucherie. Les soldats russes se jettent dans la bataille par petits groupes. On les tue. D’autres arrivent et prennent leur place. On les tue de nouveau. Et cela n’arrête pas. Ils marchent sur les cadavres pour avancer », détaille Andriy, un jeune militaire ukrainien rencontré par nos confrères de FranceInfo .

Combien de soldats y sont morts ?

Sans présenter de chiffres, la vice-ministre de la Défense ukrainienne Ganna Maliar a indiqué lors d’une conférence de presse jeudi 12 janvier que les troupes russes qui combattent à Soledar « subissent de lourdes pertes […] en essayant sans succès de percer notre défense ».Les Occidentaux doivent-ils soutenir l’Ukraine jusqu’au retrait total des Russes ?

Kiev n’a de son côté pas chiffré ses hommes tués et blessés dans la zone, mais Mykhaïlo Podoliak, conseiller à la présidence ukrainienne, a dit la veille déplorer « des pertes significatives ». Selon lui, « l’armée ukrainienne perd des hommes […] certainement plus que ce qu’il y a eu ailleurs avant », ajoutant que les pertes militaires russes à Soledar étaient également « énormes ».

Un char d’assaut tire une salve, à Soledar, dans la région de Donetsk, en Ukraine. Capture d’écran publiée le 8 janvier 2023 et obtenue à partir d’une vidéo sur les médias sociaux par l’agence Reuters le 10 janvier 2023. | STATE BORDER GUARD SERVICE OF UKRAINE / VIA REUTERS

Le nombre de soldats tués est « si élevé que personne ne compte les morts […] personne ne vous dira combien il y a de morts et de blessés parce que personne ne le sait avec certitude. Pas une seule personne », a de son côté indiqué un soldat ukrainien de la 46e brigade aéromobile, sous couvert d’anonymat, dans les colonnes de CNN .

Mykhaïlo Podoliak a tout de même relevé que les pertes dans la zone Bakhmout-Soledar sont « essentiellement militaires », contrairement au siège russe de la grande ville de Marioupol dans les premiers mois de 2022, « qui a sans doute coûté la vie à des dizaines de milliers de civils ukrainiens », rappelle La Voix du Nord .

Sans chiffrer les pertes ukrainiennes, Mykhaïlo Podoliak a estimé que les Russes ont perdu « 10 000 à 15 000 hommes, peut-être plus », dans cette zone depuis l’été. Même le Kremlin, généralement discret sur les pertes militaires, a admis que les Russes avaient payé un « prix assez élevé » pour avancer à Soledar.
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Qui contrôle désormais la ville ?

Encore aujourd’hui, la situation sur le terrain demeure floue, pour les observateurs internationaux comme pour le Kremlin lui-même. « Les positions sont prises et reprises sans cesse. Ce qui était notre maison aujourd’hui devient celle de Wagner le lendemain », confie en ce sens un soldat ukrainien contacté par CNN.

Qui alors des forces ukrainiennes ou russes contrôlent Soledar aujourd’hui ? Les avis divergent, même au sein de l’establishment russe.

Lundi 9 janvier, le président ukrainien Volodymyr Zelensky avait de son côté indiqué que ses troupes résistaient à « de nouveaux assauts, encore plus violents » à Soledar, avant d’ajouter, trois jours plus tard, que le front « tenait »« Nous faisons tout pour renforcer la défense ukrainienne sans aucune pause, même pour un jour » dans la région orientale de Donetsk, a-t-il martelé jeudi 11 janvier dans son message quotidien diffusé sur Telegram.

Des soldats de l’armée ukrainienne, près de Soledar, en Ukraine, le 11 janvier 2023. | CLODAGH KILCOYNE / REUTERS

La veille pourtant, le groupe de mercenaires russes Wagner revendiquait la prise de Soledar, laquelle constituait pour Moscou « une victoire militaire » après plusieurs revers humiliants depuis septembre.

« Les unités de Wagner ont pris le contrôle du territoire entier de Soledar », a ainsi déclaré le chef de Wagner, Evguéni Prigojine, via son service de presse, ajoutant que des « batailles urbaines » étaient toujours en cours dans le centre-ville. L’information a toutefois rapidement été démentie par les militaires ukrainiens… mais aussi par l’armée russe.

« Soledar était, est et sera toujours ukrainien ! », a fait savoir l’armée ukrainienne sur Telegram, affirmant qu’il n’était « pas vrai » que le chef du groupe paramilitaire Wagner puisse se trouver à l’intérieur des mines de sel de Soledar.

Le colonel général Oleksandr Syrsky, commandant des forces terrestres de l’Ukraine, visite ses troupes sur la ligne de front, à Soledar, le 9 janvier 2023. | UKRAINIAN GROUND FORCES / VIA REUTERS

De son côté, le Kremlin a appelé à ne pas « se presser » de déclarer victoire, précisant que « des unités aéroportées ont bloqué les parties nord et sud » de Soledar.

« Il y a quelques foyers de résistance […], mais le sort de cette ville est scellé », a indiqué mercredi Alexander Makogonov, porte-parole de l’ambassade de Russie en France, au micro de BFMTV« Difficile de dire quelle est la situation sur le terrain en ce moment », a toutefois tempéré le diplomate, concédant que, « peut-être, Evgueni Prigojine avait parlé trop vite ».

De l’autre côté de l’Atlantique, le secrétaire américain à la Défense, Lloyd Austin, a concédé mercredi à la presse que les États-Unis ne pouvaient pas confirmer à l’heure actuelle les rapports selon lesquels Soledar était tombée, la ville ayant « fait des allers-retours à plusieurs reprises ».

Qui mène l’assaut ?

Volet de la lutte pour Bakhmout, la bataille de Soledar est principalement livrée, côté russe, par les mercenaires du groupe paramilitaire Wagner.

L’assaut sur Soledar est « exclusivement » mené par les hommes de Wagner, a ainsi affirmé Evguéni Prigojine, soupçonné par des analystes de vouloir renforcer son envergure politique en Russie par des succès militaires en Ukraine.

Des hommes en uniforme militaire, supposés être des soldats du groupe mercenaire russe Wagner, posent dans une mine de sel à Soledar, en Ukraine, le 10 janvier 2023. | VIA REUTERS

L’homme d’affaires a d’ailleurs fait le tour des prisons russes ces derniers mois pour recruter des détenus, contre la promesse de salaires élevés et d’une amnistie après un certain temps passé à combattre.

Pour l’analyste militaire Anatoli Khramtchikhine, le rôle de Wagner en Ukraine est « assez important » et le groupe dispose d’un « certain nombre d’avantages importants » par rapport à l’armée régulière russe : « un meilleur entraînement et en même temps moins de formalités [administratives] et de bureaucratie ».

Un autre analyste militaire ayant requis l’anonymat par crainte de représailles estime que si le rôle des mercenaires est « important » sur le terrain en Ukraine, il n’est toutefois pas « décisif ».

Pourquoi cette région est stratégiquement importante ?

Avant le conflit, Soledar n’était qu’une petite ville d’environ 10 000 habitants principalement connue pour ses mines de sel. Son nom signifie d’ailleurs « don du sel », en ukrainien et en russe.

Le fondateur du groupe paramilitaire Wagner souhaiterait-il se payer sur la bête en Ukraine, en mettant la main sur les exploitations de sel, de gypse, d’argile ou de craie qu’abrite la zone ? C’est du moins « l’opinion de certains milieux américains qui essaient d’expliquer l’entêtement russe à vouloir reprendre aux forces ukrainiennes la ville de Bakhmout (située à 15 km de Soledar) dont l’importance stratégique est faible ».

Lire aussi : Guerre en Ukraine : le sel de la région de Bakhmout aiguise l’appétit des mercenaires russes

Rappelons-le, les mines de sel de Soledar sont les plus grandes d’Europe. À elles seules, les bonnes années, les mines offrent « quelque 6,8 millions de tonnes d’un sel quasiment exempt d’impuretés » à la société Artemsil chargée de les extraire. De quoi attiser bien des convoitises. Selon Courrier International , le groupe Wagner s’est d’ailleurs récemment dit prêt à prendre Soledar « à n’importe quel prix ».

Sans compter que les mines sont traversées de 200 kilomètres de galeries souterraines, qui peuvent représenter plusieurs avantages tactiques en temps de guerre.

De la fumée s’élève depuis la ville de Soledar, en Ukraine, le 5 janvier 2023. | CLODAGH KILCOYNE / REUTERS

Andreï Baïevskiï, député séparatiste prorusse de la région de Donetsk, a souligné de son côté que la prise de Soledar permettrait de « couper les lignes d’approvisionnement » ukrainiennes qui servent à défendre Bakhmout.

« Soledar […] ouvre (aussi) des possibilités de tirs d’artillerie en direction de Sloviansk, Kramatorsk et Kostiantynivka » plus à l’ouest, a-t-il encore observé à la télévision russe.

Que représente cette bataille pour l’armée russe ?

Au-delà de l’aspect militaire, la bataille de Soledar revêt une dimension hautement symbolique pour l’armée russe, selon de nombreux analystes. Si ces deniers disputent encore l’importance stratégique de la cité minière, nul doute que les autorités russes saisiront l’occasion de revendiquer une victoire importante, après avoir essuyé de nombreux revers spectaculaires.

Car les forces russes cherchent désespérément depuis des mois à prendre Bakhmout, envoyant des vagues de soldats qui s’empalent sur les défenses ukrainiennes et pilonnant sans cesse la ville avec l’artillerie.

« Toute victoire est importante, surtout parce qu’il n’y a pas eu de victoire depuis un moment », souligne ainsi l’analyste militaire Anatoli Khramtchikhine, interrogé par l’AFP, en parlant de Soledar. « Stratégiquement, cela pourrait faciliter les choses pour Bakhmout », ajoute-t-il.

Des militaires ukrainiens tirent avec une arme anti-aérienne, à Bakhmout, en Ukraine, le 10 janvier 2023. | CLODAGH KILCOYNE / REUTERS

Un analyste ayant requis l’anonymat estime de son côté que la prise de Soledar serait « une victoire tactique avec peu de valeur stratégique »« Cela n’aura que peu d’impact sur la situation globale » sur le terrain, avance-t-il aussi.

Selon Kiev, la Russie se préparerait d’ailleurs à une nouvelle mobilisation massive « pour briser les lignes ukrainiennes ». Dans les colonnes du quotidien britannique The Guardian , Vadym Skibitsky, chef adjoint du renseignement militaire ukrainien, a ainsi indiqué que la Russie compte désormais appeler 500 000 hommes supplémentaires sous les drapeaux, « ce qui pourrait potentiellement porter ses effectifs en Ukraine à près de 1 million de soldats », relève Le Monde . Une affirmation démentie par le Kremlin mais confirmée par le renseignement militaire estonien, généralement bien informé sur les intentions de Moscou.

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