les orques bousculent les bateaux

C’est un constat des plus objectifs, les incidents entre orques et bateaux sont de plus en plus nombreux. Avant de parler de vengeance , d’agression ou d’immédiatement « humaniser » les comportements des orques lisons ce qu’en dit KIERAN MULVANEY pourle National Geographic :

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Un groupe d’orques coordonne ses efforts pour chasser le hareng. Ces mammifères marins ont développé un sens complexe de la communication et des interactions sociales, ce qui pousse certains experts à penser qu’ils pourraient planifier les attaques de navire survenues au large de la péninsule Ibérique. PHOTOGRAPHIE DE PAUL NICKLENNAT GEO IMAGE COLLECTION

Les orques sont célèbres pour leur intelligence et leurs techniques de chasse remarquables, que ce soit pour mettre le grand requin blanc sur le dos ou venir à bout d’imposantes baleines bleues à la force du groupe. Au large de la péninsule Ibérique, un groupe d’orques retient tout particulièrement l’attention des spécialistes depuis plus de trois ans en s’attaquant à des voiliers, allant parfois jusqu’à les faire chavirer.

La première attaque documentée remonte à mai 2020 dans le détroit de Gibraltar et plusieurs dizaines de cas ont été signalés depuis. Pour la plupart, ces incidents se ressemblent et impliquent généralement un petit groupe d’orques ciblant les safrans des voiliers avant de reprendre leur route.

En juin et novembre 2022, deux attaques ont même causé le naufrage des navires pris pour cible. Il y a quelques semaines, un navire gravement endommagé a sombré alors qu’il était remorqué vers le rivage.

À L’ORIGINE DES ATTAQUES

D’après un article récemment publié dans la revue Marine Mammal Science, ces attaques impliqueraient neuf orques réparties en deux groupes : un trio, parfois un quatuor, d’individus juvéniles ; et un groupe d’âge mixte mené par une femelle adulte, prénommée White Gladis. Cette dernière étant la seule femelle adulte impliquée dans les attaques, les auteurs de l’article ont émis une hypothèse : après un accident avec un navire, White Gladis aurait cherché à se venger, un comportement qui aurait ensuite été copié par les plus jeunes.

« Lorsque les attaques ont commencé, j’ai effectivement pensé qu’une femelle ou son petit avaient été blessés par l’hélice ou le safran d’un bateau, parce que les animaux semblaient toujours cibler cette zone. De plus, seuls les voiliers sont concernés, » indique Dan Olsen, biologiste de terrain pour la North Gulf Oceanic Society en Alaska.

Cela dit, tout le monde n’est pas convaincu que le comportement des orques reflète une quelconque intention malveillante. D’ailleurs, c’est avant tout le bateau qui intéresse les orques ; aucun animal n’a témoigné d’intérêt pour ses occupants, même lorsque ceux-ci ont dû se résoudre à prendre place dans les canots de secours face au naufrage de leur embarcation.

« On peut raisonnablement penser que les orques agissent ainsi sans réel motif, simplement pour s’amuser, » déclare Hanne Strager, cofondatrice du centre des cétacés d’Andenes, en Norvège, et auteure de l’ouvrage The Killer Whale Journals récemment paru chez les presses de l’université Johns Hopkins.

UNE NOUVELLE MODE

Strager a échangé avec un biologiste présent à bord du voilier qui a fait naufrage en novembre, « et il a dit : « Nous n’avons senti aucune agressivité. » Pour moi, c’est un témoignage qui en dit long. Je pense que lorsque vous êtes souvent au contact des animaux et que vous avez l’habitude de lire leur comportement, vous êtes capable de ressentir une intention agressive, et ce n’était pas le cas. »

Si les orques ne font que s’amuser, cela suggère que les attaques de voiliers pourraient cesser après un certain temps, lorsque les animaux se lasseront. Les observations montrent que les populations d’orques à travers le monde se livrent à divers comportements sans motif apparent outre le fait de prendre du bon temps, avant de soudainement passer à autre chose. Les spécialistes appellent ce type de comportement éphémère des « fads » (une mode, ndlr).

Par exemple, Olsen a déjà aperçu des orques jouant avec un morceau de varech pendant une heure au large de l’Alaska : les animaux tiraient l’algue avec leurs nageoires, la laissaient tomber, faisaient demi-tour et la reprenaient avec leurs dents pour nager de plus belle. Strager a observé des comportements similaires chez les orques des eaux norvégiennes.

« Pendant un temps, on les voyait jouer avec des méduses, » raconte la scientifique. « Elles nageaient en poussant les méduses avec leur rostre et essayaient de les tenir le plus longtemps possible. »

L’animal ne tire aucun avantage de ce comportement et les orques ne mangeaient pas la méduse, précise Strager.

« Parfois, on les voit également s’en prendre aux mergules nains, de petits oiseaux qui vivent en Arctique. Ces derniers se reposent tranquillement à la surface de l’eau et les orques viennent les bousculer, » ce qui serait une forme de jeu selon Strager.

Olsen se demande si nous allons un jour comprendre la motivation à l’origine de ce comportement, allant même jusqu’à remettre en question notre capacité cognitive.

« Depuis 50 millions d’années, le cerveau des cétacés évolue sur une trajectoire qui lui est propre, » indique Olsen. « Difficile de glisser un spécimen dans une IRM, nous ne savons même pas quelle partie du cerveau est dédiée à telle ou telle autre activité. Nous avons déjà du mal à expliquer certains comportements chez l’Homme ou les primates proches de notre espèce. »

RISQUE DE REPRÉSAILLES

Une seule population est impliquée dans les attaques de bateau et elle est plutôt petite : l’article de Marine Mammal Science cite une estimation de 39 individus.

Comme nous l’explique Strager, les orques de cette région sont menacées par la pêche au thon, la pollution, les nuisances sonores et, effectivement, les accidents avec les bateaux.

« Ces mammifères comptent parmi les plus pollués de la planète, leur succès de reproduction n’est donc pas très bon. C’est un environnement très stressant pour eux, » poursuit-elle.

À présent, le risque de représailles vient s’ajouter à ces multiples facteurs de stress.

« Ils commencent à être redoutés dans la région, » témoigne Strager, « et il paraît que certaines personnes conseillent de verser du diesel sur les animaux en cas d’attaque, de jeter des pétards ou même de la dynamite dans l’eau. Je comprends que la population ait peur. Mais c’est une situation terriblement dangereuse pour les orques. »

Un collectif local, l’Atlantic Orca Working Group, recense actuellement les interactions entre orques et navires pour permettre aux marins d’identifier les zones à éviter.

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