GIEC: ils se multiplient
A la suite du premier d’entre eux, celui que vous connaissez tous sur le climat, en voici d’autres qui émergent progressivement. Celui sur la biodiversité et les services écosystémiques, et tout récemment celui sur les pollutions, notamment chimiques. Des GIEC, lieux d’échage enre les scientifiques et les politiques, sous l’égide des institutions internationales. Et puis un autre, à l’initiative des scientifiques des sciences du comportement, le GIECO, groupe international des experts des changements de comportement, est né pour « mettre l’humain au coeur des transitions ». Et nous voilà avec 4 GIEC !
POUR EN SAVOIR PLUS: LIRE L’ARTICLE DE DOMINIQUE BIDOU:
Il était une fois un GIEC. Il était né à la fin du précédent millénaire, précisément en 1988. Il semble bien qu’il ait fait des petits, pour travailler sur de nouveaux sujets, comme la biodiversité ou les pollutions, mais aussi pour y assurer une bonne place aux humains et leurs comportements.« Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a été créé en 1988 en vue de fournir des évaluations détaillées de l’état des connaissances scientifiques, techniques et socio-économiques sur les changements climatiques, leurs causes, leurs répercussions potentielles et les stratégies de parade » nous dit son site officiel. C’est une machine à écrire des rapports, d’évaluation générale de la situation, mais aussi sur des thèmes particuliers et les méthodes de travail pour assurer cohérence et fiabilité aux travaux. Des travaux de milliers de scientifiques dont les études sont la source première d’information du GIEC. Il n’est pas chargé de conduire des travaux de recherche, sa mission est d’examiner et évaluer les données scientifiques, techniques et socio-économiques les plus récentes publiées dans le monde et utile à la compréhension des changements climatiques. Le GIEC est un organisme intergouvernemental comptant 195 pays membres. Les représentants des gouvernements participent aux travaux, ce qui fait du GIEC un lieu d’échanges entre les scientifiques et les décideurs politiques. La formule a dû plaire, et a mis en évidence le besoin de décliner ses missions dans d’autres domaines, toujours en matière d’environnement. Il a fallu presqu’un quart de siècle pour que le GIEC de la biodiversité, Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services, IPBES, voit le jour, toujours sous l’égide des Nations Unies comme son grand frère. Annoncé en 2010, il est créé le 21 avril 2012 par 94 gouvernements et a tenu sa première réunion début 2013. Il joue un rôle d’interface entre l’expertise scientifique et les gouvernements sur les questions de la biodiversité et des services écosystémiques.
Et voici tout récemment le GIEC de la chimie, pourrait-on dire, le groupe intergouvernemental scientifique et politique sur les produits chimiques, les déchets et la pollution (ISP-CWP) créé le 20 juin dernier en application d’une résolution des Nations Unies de mars 2022. Il « fournira aux pays des conseils scientifiques indépendants et pertinents sur les questions de prévention des produits chimiques, des déchets et de la pollution ». C’est « le troisième mousquetaire de l’environnement mondial », nous dit Brice Lalonde, un des artisans de sa création, qui précise « A la différence du GIEC et de l’IPBES qui sont adossés à des traités internationaux, les accords sur le climat et la biodiversité, le panel des produits chimiques n’a en face de lui qu’un fouillis de traités partiels sur certains corps (par exemple le mercure) ou sur les mouvements de déchets (la convention de Bâle), et des organismes disparates regroupé dans une coordination qui inclue l’OCDE et la Banque mondiale ». C’est donc un « GIEC » particulier, qui est doté en outre d’une mission de « veille prospective, essentielle dans un domaine où les incertitudes et les manques de connaissances sont majeurs et pourtant déterminants pour la décision » selon Lucien Chabason dans une note de l’IDDRI.
Entre temps, une initiative de scientifiques des sciences du comportement avait lancé l’idée d’un autre GIEC, encore différent mais toujours pour faire progresser les connaissances en matière d’environnement, dans la perspective de la nécessaire transition. Après les approches d’ordre technique, l’objectif est de mettre « l’humain au cœur des transitions ». Comme pour le climat, la biodiversité et les pollutions, de nombreuses disciplines des sciences humaines, notamment des sciences cognitives, 70 au total, sont concernées qui ne se parlent pas le plus souvent, bien qu’elles aient beaucoup de choses à se dire sur les crises que nous traversons. C’est l’objet du GIECO, groupe international d’experts sur les changements de comportement, créé en 2020 et qui vient de publier, le 3 juillet dernier, le Tome 1 de son premier rapport. « Nous ne croyons pas ce que nous savons », nous dit Jean-Pierre Dupuy ; les alertes multiples sur le climat, la biodiversité et les pollutions, pourtant bien documentées, n’ont guère d’effet. C’est au-delà de la raison que les décisions se prennent, et la connaissance des mécanismes qui les régissent est devenue une clé du succès des transitions. Voici donc un quatrième mousquetaire, d’un statut différent des 3 autres, mais dont l’approche sera aussi déterminante. La multiplication des GIEC, un bon augure pour la planète et les humains.