Communiqué de presse du collectif « nourrir »


La Cour de justice de l’Union européenne oblige la Commission à réexaminer le plan français de la PAC accusé d’enfreindre la réglementation environnementale Dans une décision historique, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a jugé aujourd’hui que la Commission européenne avait eu tort d’approuver le plan stratégique national de la France (PSN) dans le cadre de la politique agricole commune (PAC). C’est la première fois que des organisations de la société civile remportent un recours devant la juridiction de l’UE au motif qu’une institution européenne n’a pas respecté la législation environnementale.
La Cour a estimé que la France avait enfreint les exigences de « conditionnalité » alors en vigueur – notamment en matière de rotation des cultures – qui garantissent un niveau minimal de protection de l’environnement devant être intégré aux plans nationaux. En 2022, le Collectif Nourrir et ClientEarth avaient saisi la justice pour demander à la Commission de réexaminer son approbation du PSN français, estimant que celui-ci ne respectait pas les objectifs climatiques et environnementaux juridiquement contraignants de la PAC. La décision rendue aujourd’hui confirme à la fois que les recommandations de la Commission peuvent être contraignantes pour les plans nationaux et que celle-ci n’aurait pas dû rejeter la demande de réexamen.
Dans un contexte de crise environnementale et géopolitique, et en vue de garantir notre souveraineté alimentaire, une juste rémunération des agriculteurs et le renouvellement des générations, cette décision doit nous alerter sur deux enjeux majeurs : le rôle de la Commission d’assurer le caractère commun de la PAC, et l’affaiblissement continu des objectifs environnementaux depuis 2022. Il est primordial, lors des négociations sur la future PAC, de garantir une gouvernance claire et efficace et de fixer des objectifs ambitieux.” Mathieu Courgeau, co-président du Collectif Nourrir
“Ce délibéré confirme le devoir de la Commission de n’approuver que les plans stratégiques nationaux de la PAC qui sont conformes au droit de l’Union européenne. La Commission a manqué à ce devoir lorsqu’elle a approuvé celui de la France en 2022.
Le financement de la PAC, qui représente un tiers du budget de l’UE, devrait être un moteur de l’action climatique, de la restauration de la biodiversité et de la protection des ressources vitales telles que l’eau et les sols. Nous appelons les décideurs politiques à veiller à ce que la future PAC apporte plus de clarté et à ce que les fonds publics soient alloués de manière à soutenir des pratiques agricoles véritablement respectueuses du climat et de l’environnement.” Sarah Martin, ClientEarth
La PAC est le principal vecteur de financements pour les agriculteurs dans l’ensemble de l’UE. Elle représente à elle seule un tiers du budget européen, soit plus de 55 milliards d’euros. En approuvant le plan français, la Commission a ainsi permis l’allocation de plus de 9 milliards d’euros de subventions par an aux agriculteurs français. 
Les aides PAC sont conditionnées au respect de la réglementation environnementale de l’UE transcrite dans les PSN, et en particulier lorsqu’elle vise à protéger les agriculteurs, les citoyens, l’environnement et le climat. La Commission a le devoir d’évaluer tous les plans nationaux avant leur adoption afin de garantir leur conformité avec le cadre européen.
À la lumière de la décision rendue aujourd’hui et alors que la future PAC est déjà en construction, le Collectif Nourrir et ClientEarth demandent une clarification du rôle de la Commission, et en particulier sa capacité à contraindre les États membres à modifier leurs plans si nécessaire.
Le renforcement du rôle de la Commission permettrait de garantir que seuls des plans nationaux ambitieux et conformes aux lois européennes puissent entrer en vigueur. Le rôle de la Commission est essentiel pour garantir que les financements de la PAC servent les objectifs communs du projet européen. Elles appellent aussi les décideurs politiques à placer les objectifs environnementaux au cœur de la PAC et à allouer un budget suffisant pour garantir leur réalisation, notamment en renforçant la garantie d’une juste rémunération pour les agriculteurs.
Le délibéré de la Cour vient donc annuler la décision précédente de la Commission qui refusait de réexaminer son approbation du PSN français, l’obligeant à réévaluer sa compatibilité avec le droit européen et les conditionnalités du règlement PAC.
Contact presseClaire Gittinger07 57 45 68 96presse@collectifnourrir.fr
Notes aux rédacteurs :
En 2022, les deux ONG ont demandé à la Commission de réévaluer son approbation du PSN français, mais celle-ci a refusé, affirmant qu’elle disposait d’un pouvoir limité pour influencer les plans nationaux, les pays de l’UE ayant toute latitude pour allouer leurs subventions comme ils l’entendent. Les ONG ont toutefois fait valoir que le refus de la Commission de réévaluer le plan français allait à l’encontre de son obligation légale de faire respecter ses propres lois. La Commission européenne a la responsabilité de veiller à ce que l’argent public soit utilisé pour atteindre ses objectifs climatiques et environnementaux en aidant les agriculteurs à adopter des pratiques agricoles durables et résilientes qui garantissent à tous l’accès à une alimentation saine. Le recours s’appuie sur les conclusions d’un rapport publié en 2023 par le Haut Conseil pour le Climat, qui soulignait le faible niveau d’ambition du plan français au regard de ses objectifs climatiques et l’absence de vision globale pour l’avenir de l’élevage. Un article récent de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) montre que 99 % des agriculteurs français pourraient bénéficier du niveau de paiement standard pour la mise en œuvre des pratiques « vertes » requises par la PAC sans avoir à modifier leurs pratiques agricoles. De plus,  les bilans de mise en œuvre des premières années du PSN montrent que 90 % des agriculteurs obtiennent un niveau de paiement supérieur sans changer de pratiques.
Pourquoi le plan stratégique français de la PAC devrait-il être révisé ?Le Collectif Nourrir et ClientEarth se sont concentrés sur trois mesures principales du plan stratégique français qui, selon eux, ne respectent pas les objectifs de la PAC :Un manque de mesures visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre du secteur et à soutenir les élevages herbagers qui ont la capacité de stocker du carbone.Des aides financières visant à soutenir des mesures de réduction de l’utilisation des pesticides et des engrais qui sont insuffisantes pour promouvoir le recours à ces mesures, avec des conséquences néfastes pour les cours d’eau français.Les conditions requises pour obtenir des aides PAC afin de préserver la biodiversité n’ont pas incité les agriculteurs à adopter des pratiques plus durables.

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