Inadmissible projet de centrale thermique au Larivot en Guyane

ci joint le papier de Guyaweb sur le sujet ? Nous vous avions alerté sur ce projet il y a une semaine. Ce projet est contraire aux accords de Paris . Une nouvelle fois EDF défie les lois . Pour rappel , un module hydrogéne était prévu, il a disparu et l’apport solaire est symbolique, même s’il apparait en premier sur cette image produite par EDF.

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L’incompréhensible projet du Larivot

Pour répondre aux exigences de sortie des énergies fossiles et d’autonomie de la Guyane, la CTG et la préfecture ont opté en 2017 pour une centrale au fioul qui outrepasse la simple « stabilisation du réseau » souhaitée par un apport thermique. Deuxième volet de notre analyse sur le projet de centrale au Larivot et d’un oléoduc à Rémire-Montjoly, Cayenne et Matoury.

« La première programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) de la Guyane est un exemple remarquable de travail conjoint des services de l’état et de la collectivité territoriale de Guyane (…) elle affiche pour l’électricité, une ambition quasi unique au monde en faveur des énergies renouvelables » signait, en toute modestie, l’ancien préfet Martin Jaeger en préambule de la PPE 2016-2023. Parlait-il de la PPE qui a hissé l’énergie fossile en pivot de la transition énergétique ? oui …

Passage en revue de certains points qui dérangent sur ce projet « Seveso seuil bas » envisagé au Larivot à Matoury, soumis à enquête publique et qui n’a pas encore obtenu d’autorisation environnementale.

Les énergies décarbonées

Le projet de centrale du Larivot (investissement public de 500 M€) dont la localisation questionne fortement (lire notre article ici), est contraire aux objectifs internationaux de limitation de l’émission des gaz à effet de serre et pour l’autonomie énergétique des territoires d’ici 2030. A ce propos, les échanges entre les ministères, l’administration locale et l’exécutif territorial sont actuellement « vifs« , commente un fonctionnaire de l’État sous anonymat. « Ca fait débat au niveau du gouvernement et de la commission de régulation de l’énergie* » note un autre fonctionnaire.

La commission de régulation de l’énergie avait en effet en février 2017 alerté sur le dimensionnement de la centrale et sur les risques de surinvestissements.

Les émissions annuelles sont estimées par Edf Pei à « 455 000 tCO2/ an » dans l’hypothèse haute, la consommation annuelle de fioul est comprise entre 84 000 et 140 0000 tonnes par an.

« La nouvelle centrale devrait entraîner un accroissement des émissions de CO2 par rapport à la situation de référence, jusqu’à plus de 50 % dans le cas du scénario de fonctionnement majorant. La compatibilité du projet avec la loi de transition énergétique pour la croissance verte et avec le schéma régional climat air énergie n’est pas démontrée » pointait l’Autorité environnementale dans son avis du 18 décembre 2019.

Alors que le gouvernement vient de présenter son programme Mouv’Outre-mer pour stimuler la « trajectoire 5.0 » (zéro déchet, zéro carbone, zéro intrant chimique, zéro exclusion et zéro vulnérabilité), l’Autorité environnementale avait craint en décembre que le projet isolé d’une centrale au fioul de grande envergure en Guyane ne “présente un risque élevé de non-respect de la loi » sur la transition et l’autonomie énergétiques. L’autorité environnementale estimait que cette centrale, surdimensionnée, « risque de rendre dissuasif économiquement l’appel à des moyens alternatifs de production à partir d’énergies renouvelables (Enr)« .

De fait, la construction de cette centrale importante, dont l’amortissement serait estimé à 30 ans, devrait engendrer un choix cornélien à peine sept ans après sa mise possible en route : soit prononcer son arrêt pour répondre à la mise en conformité avec la loi de 2015 sur la croissance énergétique et la croissance verte ce qui engendrerait une non-rentabilité de la structure, soit maintenir la centrale pour plusieurs décennies avec pour risques collatéraux une chute de l’intérêt pour les économies d’énergie et une moindre compétitivité des énergies dites renouvelables.

De leur côté Edf Pei et les porteurs de la PPE assurent qu’ « en complément de la centrale du Larivot, près de 140 MW de projets d’énergies renouvelables » sont programmés « d’ici à 2023, dont 40 MW de biomasse« .

Inondations

En 2005, le ministère en charge de l’Énergie – qui disposait seul de la compétence énergétique – devait plancher sur le renouvellement des installations thermiques réclamées dans les Outre-mer et la Corse. S’il y a eu ailleurs de tels renouvellements, « en Guyane, le projet n’a pas démarré » cette année-là « pour deux raisons essentielles » argumentait en mai 2015 (Guyaweb du 13/05/2015) Frédéric Busin, alors directeur des systèmes énergétiques insulaires à Edf Paris.

L’une des deux raisons de ce retard selon M. Busin était l’incompatibilité foncière : « le terrain retenu (à Dégrad-des-Cannes) était inondable et imposait un plan d’aménagement – pas impossible mais compliqué à réaliser » !

Douze ans plus tard, en pleine prise de conscience citoyenne des risques littoraux induits par le changement climatique, les autorités et Edf ont donc décidé d’implanter une centrale classée Seveso entre pripris et forêt inondée, dans une zone soumise aux inondations et au risque de submersion marine, selon les cartographies 2017 de la Direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Deal).

Ce choix implique pourtant de gros travaux : « compte tenu du caractère inondable, le maître d’ouvrage prévoit de surélever la plateforme du site thermique à une cote minimale de 3 mètres » notait le rapport 2019 de l’Autorité environnementale. « L’emprise de la centrale photovoltaïque [le projet prévoit la construction annexe d’un parc photovoltaïque, ndlr] et de plusieurs bassins ou zones de chantier est en grande partie en zone naturelle exposée à des risques faibles ou moyens et le projet prévoit donc le remblai de volumes significatifs en zone inondable » ajoutait aussi l’autorité.

La commune de Matoury est une commune dite « du littoral », à ce titre son aménagement doit suivre les prescriptions en matière de risques littoraux. Or la sortie de la commune de Matoury de la bande « littorale », au même titre que la commune de Macouria, est à l’étude depuis de nombreux mois, et les porteurs de projet espéraient déjà que cette sortie soit actée par la loi Elan. Ceci n’est toujours pas effectif selon nos informations, mais une modification est attendue très prochainement. Ce qui assouplira les règles en matière d’aménagement sur ces deux communes.

Oléoduc

L’implantation d’un oléoduc de 14 km (14 à 23 M€ d’investissement en fonction du tracé) entre la centrale et le port de débarquement de fioul à Dégrad-des-Cannes sera nécessaire. Edf a d’ores et déjà prévu qu’ « en cas d’échec des négociations à l’amiable » avec les propriétaires privés et publics de Cayenne, Rémire-Montjoly et Matoury, dont le terrain sera traversé par le pipe-line, il  » envisagera de procéder à l’obligation de passage de l’oléoduc après aval de l’administration« . Cette demande de reconnaissance de l’ « utilité publique » du trajet de l’oléoduc fait d’ailleurs aussi l’objet de l’actuelle enquête publique et d’une demande introduite auprès de l’administration.

« Qu’est-il envisagé pour sécuriser les impacts environnementaux liés à l’oléoduc dans sa traversée du territoire, notamment ceux induits par les risques de rupture accidentelle ou intentionnelle de l’ouvrage ? » s’est interrogé dimanche le Comité de l’eau et de la biodiversité, dans sa contribution portée à l’enquête publique.

« Les mesures proposées pour l’oléoduc apparaissent encore incomplètes pour réduire les risques dans la traversée des secteurs habités » avait conclu l’Autorité environnementale en décembre, laquelle estimait que d »une manière générale, « les impacts » du projet dans son ensemble « sur les milieux naturels et les zones humides sont très forts« .

Usine à gaz

Edf prévoit la possibilité d’hybridation de la centrale avec un combustible de biomasse liquide, néanmoins cette conversion reste à ce stade hypothétique. « Dans l’hypothèse où la centrale serait convertie au gaz naturel, un autre ouvrage serait nécessaire pour acheminer ce combustible, qui devrait faire l’objet d’une nouvelle procédure d’autorisation » peut-on lire dans le dossier d’enquête publique, ce qui signifiera qu’il faudra mettre un terme à l’utilisation du pipe-line et envisager un autre chemin !

La notion discutée d’ « insécurité du réseau »

Depuis le début des débats sur la PPE en Guyane, la CTG, Edf et la préfecture avaient estimé que la « sécurisation » du réseau du littoral ne pouvait être obtenue que par l’énergie thermique, puisque les autres types d’énergie varient en fonction des conditions climatiques.

Jusqu’alors, Edf s’opposait à ce que soit injecté sur le réseau plus de 30% d’énergie non stockable (photovoltaïque, éolien). Après d’âpres discussions, l’électricien avait finalement accepté que ces énergies dites « fatales » puissent jouer un rôle prépondérant.

« Au ministère, ils ne comprennent pas pourquoi on veut du thermique » commentait en 2016, Hélène Sirder, conseillère territoriale en charge de l’énergie (Guyaweb du 26/08/16) ! De fait, si la CRE, l’Autorité environnementale et d’autres observateurs estiment qu’un apport thermique pour « stabiliser le réseau » littoral est nécessaire, les mêmes ne se sont jamais prononcés en faveur du dimensionnement décidé par Edf et les porteurs de la PPE.

Selon le syndicat des énergies renouvelables, le risque de « black-out » du réseau est une chimère. Le syndicat affirme que des « capacités d’énergies renouvelables à puissance garantie ou commandables sont en cours de développement, à un stade avancé sur le territoire guyanais. Ces capacités d’énergies renouvelables locales devraient sortir de terre au plus tard en 2024 et la priorité doit consister aujourd’hui à faire émerger plus rapidement encore ces projets et à préparer les conditions pour appeler à la réalisation d’autres capacités de production d’énergies renouvelables, notamment à puissance garantie, à même de sécuriser le réseau électrique« .

« Il est facile de convaincre en nourrissant les inquiétudes face au risque de black-out » estime Guyane nature environnement. « Pourtant, le fonctionnement de la centrale actuelle se réduit depuis les années 2000 (…). EDF loue depuis plusieurs années déjà des moteurs diesel dans des containers, relativement rentables, et exploitables 24h sur 24h (…). Cela nous prouve bien que même en période très sèche et de tension autour du barrage hydraulique de Petit Saut, ces solutions mobiles temporaires suffisent à maintenir la sécurité d’approvisionnement du réseau électrique. »

Ainsi, il est légitime de penser que la mise en exploitation d’un site centralisé accentuera les risque de coupures générales. C’est la conséquence de toute centralisation. En multipliant les sites de production, on évite ce souci de concentration des risques. D’ailleurs, produire au plus près des consommations limite in fine la demande, en évitant les pertes. Car plus on transporte de l’énergie sur le réseau, plus les pertes augmentent.

Le monopole d’Edf conforté

Edf est gestionnaire du réseau du littoral guyanais, il est aussi producteur d’énergie à Petit-Saut (le barrage répond à 40 à 60% des besoins du littoral). Avec ce projet de centrale, Edf (dont l’État est l’actionnaire majeur) conforte son monopole. Il est bon que le service public prédomine en matière d’énergie, mais un monopole, quel que soit sa forme, est-il souhaitable ?

De 2015 à 2017, au cours des débats pour l’ébauche de la PPE, les participants avaient assisté incrédules à la mise en avant de Edf comme prescripteur et pourvoyeur des solutions énergétiques. Il figurait donc à la table des décideurs, dans la salle de l’assemblée plénière de la CTG. D’ailleurs le calibrage (120 MW) de la centrale du Larivot avait été décidé par Edf suite à son « étude de défaillance » dont les contempteurs ont dénoncé le manque de transparence.

* La commission de régulation de l’énergie « veille au bon fonctionnement des marchés de l’électricité et du gaz en France, au bénéfice des consommateurs finals et en cohérence avec les objectifs de la politique énergétique« .

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