Gouvernement Castex : un ministère de la mer, pour quoi faire ?

cf cet article du MOnde (7/07/2020) Pour la première fois depuis 1991 et le second septennat de François Mitterrand, un ministère de la mer de plein exercice a été mis en place dans le gouvernement Castex.

Par Publié hier à 20h00, mis à jour hier à 20h07

La nouvelle ministre de la mer, Annick Girardin, le 7 juillet 2020, à l’Elysée.

C’est une première depuis 1991. Si la composition du gouvernement du nouveau premier ministre, Jean Castex, ne présente pas de « gros changements » par rapport à celui d’Edouard Philippe, selon les mots mêmes du nouveau premier ministre, il est tout de même marqué par le retour d’un ministère de plein exercice sur la mer, confié à Annick Girardin.

Il n’y avait pas eu de ministre de la mer depuis la présidence de François Mitterrand, lorsque Louis Le Pensec (entre 1981 et 1983 ; mai-juin 1988) puis Jacques Mellick (1988-1991) avaient occupé ce poste. Après cette période, le domaine maritime a été confié à un secrétaire d’Etat, à un ministre délégué ou englobé dans un ministère plus large – comme en 2009, lorsque Jean-Louis Borloo était devenu ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer. Une anomalie, alors que la France dispose de la deuxième superficie maritime au monde, avec 11 millions de kilomètres carrés de zone économique exclusive.

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« C’est inespéré, se félicite Olivier Le Nézet, président du Comité régional des pêches maritimes et des élevages marins de Bretagne.On attendait ça depuis tellement longtemps. » « Ces dernières années, le sujet maritime a été un peu éparpillé, parce que c’est un domaine qui en concerne plein d’autres : l’économie, l’environnement, la défense, la culture, l’éducation et la recherche, l’agriculture, le tourisme…, explique encore Frédéric Moncany de Saint-Aignan, président du Cluster maritime français, qui rassemble l’ensemble des professionnels du secteur. Du coup, on passait systématiquement derrière les secteurs aéronautiques, ferroviaires, automobiles. »

« Le XXIe siècle sera maritime »

Mais la donne a évolué, selon lui, depuis 2017 et l’arrivée d’Emmanuel Macron et d’Edouard Philippe à la tête de l’exécutif. L’ancien premier ministre et maire de la cité portuaire du Havre s’est notamment rendu, dès l’automne 2017, aux Assises de l’économie de la mer. De son côté, le chef de l’Etat a évoqué ce sujet au G7 à Biarritz et a proclamé aux Assises à Montpellier en 2019 : « Le XXIe siècle sera maritime. » Jusqu’à son discours du 14 juin, où, depuis l’Elysée, M. Macron déclare que la reconstruction de l’économie après la crise sanitaire passera notamment « par l’accélération de notre stratégie maritime, nous qui sommes la deuxième puissance océanique mondiale ».

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La mise en place de ce nouveau ministère a également été saluée des deux côtés de l’échiquier politique, de la présidente du Rassemblement national (RN), Marine Le Pen, qui s’en est « réjouie », à La France insoumise (LFI) de Jean-Luc Mélenchon, qui a investi ce sujet depuis plusieurs années, notamment durant les deux dernières élections présidentielles. Dans son « plan mer » présenté en 2017, le député des Bouches-du-Rhône souhaitait notamment« confier la pêche et la mer à un ministre de plein exercice »« A partir du moment où on récupère nos idées, c’est une bonne chose », se félicite le député (LFI, Seine-Saint-Denis) Eric Coquerel, qui regrette que ce sujet ait été « minoré » depuis trente ans, à la fois pour des raisons historiques et culturelles : « On a un ministère de l’agriculture, alors pourquoi pas un ministère de la mer ? », se demande-t-il.

Et alors que la population mondiale ne cesse d’augmenter, le milieu maritime « est indispensable pour notre survie, notre alimentation, nos transports, nos énergies renouvelables… Il faut mobiliser les fonds et la recherche sur tout ça et c’est le rôle d’un ministère », poursuit M. Coquerel.

Question de la souveraineté industrielle

Les sujets à venir pour la nouvelle ministre de la mer, Annick Girardin, sont multiples : relance de l’économie maritime après la crise sanitaire, développement des énergies renouvelables maritimes et négociations sur le Brexit sur l’accès des pêcheurs français aux eaux britanniques.

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Et alors que la question de la souveraineté industrielle revient à la faveur de la crise sanitaire, les acteurs de la filière plaident également pour que le domaine maritime ne soit pas le grand oublié. « Il faut que ce ministère travaille sur quatre jambes : l’économique, l’environnemental, le social et la souveraineté, estime M. Moncany de Saint-Aignan. La France a trop laissé partir ses activités maritimes ailleurs. »

« Il faut arriver à relocaliser certaines activités, développer des ports comme Le Havre et Marseille, abonde M. Coquerel. Le maritime a un gisement d’emplois énorme. Par exemple, on n’a plus de fabricants français d’éoliennes maritimes, ça n’est pas possible. »

Mais si tous se félicitent du retour de ce ministère et de la nomination de Mme Girardin à ce poste, l’ensemble des acteurs attendent surtout d’en savoir plus sur les attributions précises et le budget dévoué à ce portefeuille. La peur d’un ministère sans véritable poids politique et de moyens d’actions.

« Un ministère, c’est bien, mais il faut désormais rassembler toutes les administrations centrales sous son autorité avec des moyens humains et financiers. Et une ministre qui a un vrai poids politique », souhaite M. Le Nézet. Alors que les décrets d’attribution doivent être publiés dans les prochains jours, les professionnels de la mer vont être rapidement fixés sur les contours d’un ministère qu’ils attendent depuis près de trente ans.

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